Deux chercheurs ont mené une étude très sérieuse sur le sujet.
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C’est l’un des plus grands mystères de la vie, la “resting bitch face” (RBF), ce qu’on pourrait traduire par “la tronche de peste” : une expression spontanée du visage qui renvoie l’image de quelqu’un de blasé, en train de juger, voire carrément de pester. Les réactions les plus courantes de ceux qui sont face à cette expression sont souvent les mêmes. Du “Pourquoi ce regard si dur ?” à “Mais c’est quoi son problème ?!”, en passant par les gens dans la rue qui commentent : “Tu serais bien plus joli(e) si tu souriais.”
Vous ne voyez pas de quoi on parle ? Souvenez-vous de cette fille dans votre lycée qui faisait cette tête 90 % du temps, avec son air de vouloir mettre des baffes à tous ceux qui lui adressaient la parole. À l’époque vous ne saviez pas trop de quoi il en retournait, mais entre temps vous avez constaté que certaines célébrités font la même tête à chaque fois qu’un ou une journaliste leur pose une question ouvertement condescendante.
Apparue dans la conscience de la pop culture en 2013, avec une vague de mèmes qui a secoué Internet, la RBF (que l’on retrouve aussi sous l’appellation “bitchy resting face”) fait partie des milliers de formes d’expression des émotions humaines. Depuis, des légions de gens que cela obsède passent leur temps à commenter toutes les occasions où leurs proches ou des personnalités semblent l’adopter. Largement observé, le phénomène n’avait jamais été analysé pour autant, jusqu’à récemment.
Deux chercheurs en science comportementale du Centre Noldus des technologies de l’information, Jason Rogers et Abbe Macbeth, se sont posés la question suivante :
“Pourquoi certains visages sont perçus comme dénués d’expression alors que d’autres sont perçus comme rébarbatifs, sans qu’on ne puisse l’expliquer ? Quel est exactement le critère qui nous pousse à qualifier une expression neutre en apparence de resting bitch face ?”
En plus de confirmer que les hommes sont aussi concernés (coucou Kanye), leur étude révèle que tout cela a finalement moins à voir avec la structure des visages qu’avec les normes sociales. Selon le Washington Post, Jason Rogers et Abbe Macbeth ont utilisé un programme spécial qui a analysé scientifiquement les expressions de plus de 10 000 photos de personnes, en se fondant sur l’observation de 500 points du visage. Toutes les RBF relevées avaient un point en commun : elles communiquaient un sentiment de mépris.
Abbe Macbeth a expliqué au Washington Post :
“Il y a des aspects de l’expression neutre du visage qui communiquent le mépris, autant pour le logiciel que pour nous : les yeux un peu plissés et un début de sourire au coin de la bouche qui n’en est pas vraiment un.”
L’équipe a aussi noté que le logiciel d’analyse, en toute impartialité, avait détecté ce phénomène autant chez les hommes que chez les femmes. Une conclusion qui tranche avec le préjugé selon lequel ce serait un truc de nana. Abbe Macbeth ajoute :
“Il y a une attente envers les femmes, beaucoup plus qu’envers les hommes, et il y a beaucoup d’articles légers et de littérature scientifique sur le sujet.”
Donc la RBF n’est pas nécessairement quelque chose qui s’observe seulement chez les femmes. Mais on a plus tendance à le remarquer sur elles à cause de la pression que leur met la société, qui voudrait qu’elles soient heureuses, souriantes et qu’elles s’entendent avec les autres. Ces RBF ne sont pas révélatrices d’arrière-pensées mesquines ou de méchanceté dissimulée, mais tout simplement de préjugés sociaux.
Traduit de l’anglais par Sophie Janinet