Cela faisait presque un an que l’on n’avait pas entendu parler de lui. À l’exception de quelques featurings, Earl Sweatshirt s’est fait discret ces derniers mois, depuis la sortie de son très bon album Some Rap Songs en novembre 2018. C’est tout aussi secrètement que le rappeur californien a entériné son retour le 1er novembre dernier, au lendemain de la nuit d’Halloween. L’artiste de 25 ans a dévoilé un nouvel EP nommé Feet of Clay, sans aucune annonce ni single au préalable.
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À tel point que tout le monde ou presque est passé à côté de la nouvelle. C’est donc en ce mardi matin que l’on se jette sur ce nouvel EP de l’ex-membre d’Odd Future, groupe dans lequel il côtoyait notamment Tyler, the Creator et Frank Ocean, pour ne citer qu’eux. Au programme, sept pistes pour un quart d’heure d’écoute. C’est modeste, mais quand on connaît la productivité du bonhomme en question, on fonce. Rappelons que Some Rap Songs contenait quinze morceaux, pour une durée totale de seulement vingt-quatre minutes.
Sur le troisième morceau, “MTOMB”, Earl s’offre une prod’ du légendaire The Alchemist. Une association logique, puisqu’il avait déjà eu l’occasion de collaborer avec le célèbre producteur auparavant, et était présent sur son projet Bread paru l’année dernière. Il en va de même avec le tout aussi insaisissable et confidentiel Mach-Hommy sur l’outro “4N”, puisque le rappeur californien a pris part à son EP Wap Konn Jòj!, paru en juin dernier. Enfin, un autre rookie singulier et prometteur vient se greffer à la tracklist, avec l’apparition du rappeur de Caroline du Nord MAVI sur le titre “El Toro Combo Meal”.
Comme le relate Hip-Hop Corner, Earl Sweatshirt a déclaré dans un communiqué que ce projet était “un recueil d’observations et de sentiments enregistrés pendant l’agonie d’un empire en ruine”. Le résultat en est d’autant plus mystique. La pochette, qui représente une chèvre (ou un bouc, je n’en sais trop rien à vrai dire) en plein milieu d’une forêt lugubre, est pour le moins énigmatique et donne le ton de Feet of Clay. Le nom de ce disque d’ailleurs, signifie “pieds d’argile” et semble évoquer les fondations fragiles du monde qui nous entoure.
© Earl Sweatshirt – Feet of Clay
Le tout se révèle alors envoûtant et mystérieux, comme un voyage à travers le prisme que sont les yeux et l’esprit si unique d’Earl Sweatshirt. Toujours expérimental dans sa démarche, Thebe Kgositsile de son vrai nom est un véritable artiste, dans le sens où il gère lui-même tous les aspects de sa carrière. En témoigne notamment ce clip, “East”, paru le même jour que l’EP pour en promouvoir la parution. Des extraits viennent s’incruster progressivement un peu partout dans la principale séquence, où l’on aperçoit le rappeur au bord de la mer, avec ce qui ressemble à une bière entamée et un gros sandwich (au pain complet, ma foi).
Et ce bon Earl a dorénavant toute la liberté qu’il souhaite. Depuis la sortie de Some Rap Songs, l’Angelino s’est débarrassé de son engagement auprès de Columbia Records et s’est offert l’émancipation dont il avait besoin. Cela se ressent sur Feet of Clay, notamment par le biais de la production dont il assure la grande majorité. Dans une interview accordée à Pitchfork, il confiait être “excité d’être libre” parce qu’il “peut faire des conneries plus risquées”. Quand on connaît les antécédents psychologiques d’Earl Sweatshirt, on se doute que c’est sûrement le mieux pour lui. Pour son premier EP depuis l’intrigant Solace en 2015, le pari est en tout cas grandement réussi.