Avec le projet Just Me and Allah : A Queer Muslim Photo Project, la photographe Samra Habib met en lumière des portraits de personnes LGBT et de confession musulmane.
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Sans vraiment le savoir, Samra Habib s’est donné une mission : détruire les stéréotypes et faire entendre la voix de ceux qu’on n’écoute pas assez. Son projet Just Me and Allah vise à révéler un autre visage de la religion musulmane et de la communauté LGBT.
Elle l’a commencé il y a trois ans, à Toronto. Depuis, elle a visité plusieurs villes du monde entier : “Je suis déjà allée à New York, à Brooklyn, et à Istanbul puis à Berlin.”
Samra Habib est née à Lahore, au Pakistan, dans une famille musulmane. Samra a 10 ans lorsqu’elle et sa famille quittent le pays pour le Canada, où ils obtiennent le statut de réfugiés. Samra grandit à Toronto et, une fois adulte, elle côtoie beaucoup de photographes, grâce à son métier de rédactrice-éditrice dans la mode. “Je crois que c’est à ce moment-là que j’ai entraîné mon regard à s’intéresser à ce qui m’entoure”, nous dit-elle.
Samra Habib photographie une multitude de personnes très différentes, qu’elles soient queers, homosexuelles ou transexuelles… La jeune femme ne prend pas seulement ces personnes en photo : elle raconte leur histoire. Pour elle, il est primordial de leur donner la parole ainsi qu’une visibilité dont elles ne bénéficient que rarement. Elle raconte :
“La plupart des gens non musulmans ont une seule vision de l’islam : ils nous voient tous de la même manière. En réalité, nous sommes tous très différents. C’est de cela dont je veux parler à travers mes photos. Montrer que chacun possède sa propre identité.”
Samra parle d’expériences. Elle souhaite d’abord prouver qu’il existe de nombreuses manières d’être musulman. Ensuite, il lui semble important de partager l’idée que la religion et le fait d’être queer sont compatibles. La preuve : Samra croit en Allah et s’avoue queer. Ce qui rend son projet à la fois légitime et extrêmement personnel.
“J’ai beaucoup appris sur moi-même au cours de ce travail,” confie la photographe. Elle hésite longuement, avant d’ajouter : “Je pense qu’il m’a aidé à devenir plus moi-même. Au fur et à mesure que je progresse dans cette série, je me suis rendu compte que je n’étais pas la seule à me poser des questions sur qui j’étais.”
Issue d’un milieu très croyant, Samra a récemment avoué sa condition à ses proches : “J’ai beaucoup de chance, parce que ma famille m’accepte comme je suis. C’est mon expérience personnelle, mais il y en a beaucoup d’autres.” Comme peuvent en témoigner les différentes rencontres qu’elle a faites au cours de ses voyages :
“Je suis tombée sur des gens qui se laissaient facilement prendre en photo, parce qu’ils étaient entourés de gens ouverts. À Istanbul, j’ai souvent fait la connaissance de personnes qui ne se sentaient pas en sécurité, juste pour ce qu’elles étaient. Je pense à Shay, dont j’ai tiré le portrait là-bas. Il refusait de montrer son visage. Il avait vraiment une relation compliquée avec la religion.”
Est-ce que cette série de photos peut faire évoluer les mentalités ? “Oui, affirme-t-elle, dans la mesure où elle engage une conversation autour de l’identité.” Depuis la publication de ses photos, Samra reçoit des mails de tous les coins du globe. “Je réalise que ce projet peut aider ces personnes comme moi à s’accepter. Elles comprennent qu’elles ne sont pas les seules dans le monde à être comme elle sont. C’est presque thérapeutique !”
La photographe pakistanaise ne veut pas rejeter ses croyances sous prétexte qu’être queer est mal considéré. “L’islam fait partie de ce que je suis. Cela m’inspire et croire me rend heureuse.”
Bientôt, Samra sera de passage à Paris, pour agrémenter sa série Just Me and Allah, chère à son cœur : “Il y a tellement de choses à explorer dans ce projet, s’enthousiasme-t-elle. Je vais continuer à travailler dessus, il y a tant d’histoires sur lesquelles il faut se focaliser.”