Pas très fan des “Fast & Curious”, Benjamin Voisin préfère venir nous parler de lui à la cool, après une looooooooongue soirée, où il s’est posé devant Pineapple Express avec ses potes dans une ambiance enfumée. Un classique à 23 ans. Malgré un texto préventif de son attachée de presse, le comédien est là, pile à l’heure, bonnet enfoncé sur la tête et tasse de café greffée dans la main :
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“Ah la vache, c’est dur de commencer à raconter mon histoire dès 11 heures du mat’.” [rires]
À l’écouter, on croirait qu’il n’y a rien eu de palpitant dans la vie de Benjamin Voisin avant ses 18 ans. “Regarder une mouche voler pendant 3 heures dans mon canapé, ça ne me posait pas de problème.” Quand il faut choisir son orientation, il intègre une filière ES sans vraiment savoir pourquoi et il est convaincu d’y être entré grâce au livre de Thomas Piketty, Le Capital au XXIe siècle.
Adepte des mentions très bien et des bons bulletins au tout début du collège, ce grand lecteur commence à voir ses notes chuter ensuite. Une prof de français décèle pourtant ses facilités en littérature, de son aisance à l’oral à sa compréhension rapide et intelligente des textes fondateurs — il semble effectivement incollable sur le répertoire classique —, et lui propose de s’inscrire aux cours de théâtre. Trois heures par semaine, pour commencer en douceur.
Il finit par en parler plus sérieusement avec son père, professeur de théâtre aux Cours Florent depuis 15 ans :
“Il m’a un peu vacciné sur ce fantasme d’intégrer cet établissement et cette lubie de devenir acteur. C’est une usine, ce bordel : on est 3 000, seulement 10 vont faire ce métier et 3 vont vraiment bien en vivre. Il faut gérer ça. Je partais avec une cartouche en plus, car j’avais l’expérience de mon père pour m’aider.”
Jusque-là, son père ne lui avait pas transmis sa passion. Quand il était petit, il considérait que c’était un métier comme un autre. Il se faisait garder par l’ouvreur et ne traînait pas en coulisses. En grandissant, il est frappé par l’intemporalité des textes au théâtre. Lorsqu’il monte enfin sur scène pour la première fois, c’est une révélation. Il joue alors Perdican dans On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset :
“Jouer, ça a libéré des choses. C’est tellement pas humain de se dire : là, pendant 5 minutes je ne vais plus être moi. Personne ne fait ça dans la vie de tous les jours !
En fait il y a quelque chose d’un peu jouissif et dictatorial dans le jeu. Tu es sur une scène de cinéma ou de théâtre, et d’un seul coup, dès que tu parles, tout le monde t’écoute et il y a une attente. Au cinéma surtout, tous les techniciens bossent en même temps pour toi et surtout avec toi. Tu te sens comme un chef d’orchestre. Ça parle, tout le monde fait son taf. ‘Moteur’ : tout le monde se calme, c’est parti. ‘Action’ : même le réalisateur n’est plus là, c’est à toi de jouer, de sortir de la lumière, la phrase avec le son demandé. C’est un truc millimétré. Je pense que tous les acteurs doivent connaître toutes les techniques du plateau.”
Après trois ans aux Cours Florent, où il reprend un train de vie organisé et se discipline, il intègre le Conservatoire National qui le fait vite redescendre de son petit nuage. Ça ressemble trop à l’école, avec ses cours et horaires imposés. Puisqu’il vient de se faire repérer par un agent, il prend la porte et se lance dans les castings.
Son premier ? Un jeu d’enfant. Il décroche deux jours de tournage pour un pilote d’une série sur TF1 diffusée à 20h30, qui au final, n’a jamais vu le jour :
“À cette époque, j’étais exalté. Quand on m’a rappelé, je me suis dit que j’étais l’acteur du XXIe siècle, que tout serait facile. Et en fait, derrière, il y a eu, au bas mot, 80 castings ratés. On ne se rend pas compte quand on est comédien combien de fois on doit échouer avant de réussir. “
Parmi ses professeurs spirituels, on peut compter Alain Tasma qui lui a offert son premier rôle à la télévision, sur Arte dans Je sais tomber et Gérard Depardieu avec qui il a tourné deux films, Bonne Pomme de Florence Quentin et Comédie humaine de Xavier Giannoli, attendu en 2020.
“C’est le papa du cinéma. Gérard Depardieu, c’est l’acteur qui m’a le plus donné envie de faire ce métier. Jouer à ses côtés, c’est comme une Master Class. Je me rappelle que quand j’étais en contrechamp, je ne m’appliquais pas dans mon jeu car je préférais me concentrer sur son travail, sur ce qu’il donnait, sur ce qu’il pouvait m’apprendre.
Le meilleur conseil qu’il m’ait donné, c’est la différence entre la concentration et la disponibilité. Un acteur concentré c’est un acteur centré sur une émotion qui va jouer cette émotion mais sans virtuosité car il est trop préparé, alors qu’un acteur disponible, il va faire n’importe quoi juste avant, il va juste jouer la scène, être disponible à la vie.”
© Été 85 de François Ozon
Une arrivée fracassante en 2020
Gueule d’ange, considérée par le milieu comme “le nouveau François Civil”, Benjamin Voisin commence à se démarquer dans la série Fiertés de Philippe Faucon. Cette année, il va exploser avec 4 films dans lesquels il aura les rôles principaux : “Un Vrai Bonhomme, La Dernière Vie de Simon, Comédie Humaine et Été 85 de François Ozon”, récite-t-il fièrement, avant de prévenir :
“2020, ça va être pas mal.”
Deux premiers films, deux grosses productions françaises. Benjamin Voisin fait le grand écart entre les genres en additionnant les projets inédits :
“Un Vrai Bonhomme et La Dernière Vie de Simon sont deux films qui prétextent de la science-fiction pour poser la question de l’identité sociale aujourd’hui. J’ai l’impression que les nouveaux réalisateurs ont vraiment envie de mélanger les genres. C’est hyper agréable de se laisser surprendre par les différentes démarches des films, d’être déroutés.”
Dans Un Vrai Bonhomme, en salles ce mercredi, il joue un frère fantomatique, aussi envahissant que rassurant, disparu à la suite d’une tragédie qui devient de plus en plus légère :
Si dans La Dernière Vie de Simon de Léo Karmann, attendu pour le 5 février, il jouera un orphelin capable de prendre l’apparence de chaque personne qu’il a déjà touchée, il sera question d’amitié masculine complexe entre deux jeunes de 20 ans, chez François Ozon. Quelque chose de très tendre, et toxique à la fois. L’acteur jouera un personnage borderline qui connaît ses limites mais qui aime bien flirter avec, de la drogue à la vitesse.
Fasciné par les mélanges des formes et des arts, le comédien pense à conjuguer des choses qui, en apparence, ne vont pas de pair, comme le concert de SCH à la Philharmonie. Il souhaiterait en effet travailler avec Ben Mazuet, pour allier sa chanson à la caméra. “C’est encore flou. Il faut que j’y réfléchisse.”
Autre talent caché, l’acteur à peine révélé met déjà en scène. Il a revisité Dom Juan à Avignon en 2017. En ce moment, il veut changer le regard que l’on porte sur la maladie d’Alzheimer, avec son coscénariste :
“Nous avons des cas d’Alzheimer dans nos familles respectives et ça a été pris avec humour dans nos deux situations. C’est l’histoire d’un vieux monsieur qui a Alzheimer mais qui a de nouveau 20 ans quand il revoit son meilleur ami. Ils passent de leur vie actuelle à leur jeunesse constamment.”
S’il semble être sur tous les fronts, pour l’instant, c’est en tant qu’acteur que vous allez le découvrir et ça a commencé ce mercredi avec le touchant Un Vrai Bonhomme :