Une proposition de loi souhaite punir les fuites d’informations relevant du secret d’État de 14 ans de prison, au lieu de deux actuellement. Scandaleux.
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Le Royaume-Uni n’en finit plus de dériver au gré des courants de la coercition. Après avoir fait passer, en décembre dernier, un IP Act décrit par les défenseurs de la vie privée en ligne comme l’arsenal législatif le plus liberticide d’Occident, le gouvernement désormais dirigé par Theresa May en remet une couche et s’attaque cette fois-ci aux lanceurs d’alerte. Selon le Guardian, une proposition de loi est en effet en train d’être concoctée par des législateurs indépendants dans le but de mettre à jour l’Official Secrets Acts (OSA), qui protège les informations classées “secret d’État”. Selon le document de 326 pages obtenu par le magazine d’actu technologique The Register, les individus faisant fuiter des informations placées sous la protection de cette loi seraient désormais passibles de 14 ans de prison, contre deux actuellement. Et les journalistes seraient également concernés.
La commission propose également de redéfinir le crime d’espionnage afin qu’il inclue non seulement le fait de communiquer des informations classées secret d’État mais également le simple fait de se les procurer. Parmi les autres nouveautés du texte, l’inclusion de données économiques dans le secret d’État, “dès lors qu’elles concernent la sécurité nationale”, et l’impossibilité pour les lanceurs d’alerte d’invoquer l’intérêt général pour se protéger des poursuites, au motif qu’un lanceur d’alerte “n’est pas le mieux placé pour prendre des décisions impliquant la sécurité nationale et l’intérêt général”. En d’autres termes, quiconque posséderait des informations qu’il n’est pas censé avoir risquerait jusqu’à 14 ans de prison pour espionnage, qu’il les diffuse ou pas, qu’il soit journaliste ou pas.
“Âge de glace journalistique”
Outre-Manche, de nombreuses voix parmi les défenseurs des libertés individuelles, comme les associations Open Rights Group ou Public Concern at Work, se sont élevées pour dénoncer ce projet de loi. Le Guardian, dont le journaliste Glenn Greenwald avait révélé les informations d’Edward Snowden au sujet du programme de surveillance de masse américain en 2013, s’est ainsi fendu d’un éditorial indigné pour fustiger le projet, qui “augure d’un nouvel âge de glace journalistique” et représente “une menace pour la démocratie”. Si ce type de loi avait existé il y a trois ans, le rédacteur en chef du Guardian de l’époque, Alan Rusbridger, aurait certainement été poursuivi, explique le journal.
Après l’IP Act, le gouvernement britannique semble donc vouloir donner un nouveau tour de vis à la liberté d’expression, à un niveau des plus inquiétants. Non content de dissuader les lanceurs d’alerte de divulguer des informations d’État, les pouvoir publics voudraient maintenant dissuader les journalistes d’investigation de faire leur travail, quitte à brandir la menace de l’accusation d’espionnage.
Pour le moment, le rapport de la commission indépendante ne fait pas office de projet de loi, mais il fera l’objet d’une discussion publique le 3 avril, avant la publication d’un second texte. Pour le Guardian, mieux vaut cependant anticiper le coup et rappeler “qu’en cet âge numérique coléreux des fausses informations, où les faits deviennent de plus en plus précieux, une couverture juste et précise n’a jamais été aussi importante. Sans elle, la démocratie toute entière est affaiblie”.