Début juin, la lettre d’une victime de viol à son agresseur, Brock Turner, a mobilisé l’opinion sur Internet. Depuis, une autre lettre, écrite par le père du violeur avant le verdict, circule sur la Toile. Il y responsabilise la victime, et pas le coupable.
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Étudiant de Stanford (Californie) et champion de natation de l’université, Brock Allen Turner a été condamné, le 2 juin, à six mois de prison pour avoir violé une jeune femme inconsciente, sur le campus universitaire, derrière une poubelle. La victime, lors du procès de son agresseur lui a adressé une lettre juste et percutante qui a été relayée par BuzzFeed, lundi 6 juin.
Elle raconte, dans ce discours fort, le cauchemar qu’elle a enduré pendant un an, depuis ce soir de janvier où elle est devenue une victime, jusqu’au verdict des juges, qui se sont montrés d’une grande clémence vis-à-vis de Brock. Celui-ci n’a écopé que de six mois de prison et trois ans de liberté conditionnelle, quand son crime aurait pu lui valoir une peine de 14 années d’emprisonnement.
Son message a été lu des millions de fois, mais une seconde lettre a refait surface depuis l’annonce de la sentence, jeudi 2 juin, au Tribunal de Californie, aux États-Unis. Le père du coupable, Dan A. Turner, réclame dans cette missive écrite avant le procès la liberté conditionnelle pour son fils et tente de lui éviter une incarcération ferme. Il déplore également que son garçon soit désormais répertorié dans les fichiers des délinquants sexuels de la police.
On peut comprendre qu’un père veuille protéger son fils. Sauf que ses justifications viennent excuser un acte gravissime, renforce la déculpabilisation des agresseurs sexuels et soutiennent la responsabilisation de la victime. Tout ceci doit cesser pour que les victimes osent dénoncer ce crime, et pour qu’aucun viol ne reste impuni.
La lettre a été partagée sur Twitter, dimanche 5 juin, par Michele Dauber, professeure de droit et sociologue chargée de revoir le règlement intérieur de Stanford concernant les violences sexuelles.
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“Un fils ‘non violent’, et parce qu’il n’y a eu que ’20 minutes d’action’, ne devrait pas aller en prison.”
Pas une seule fois dans sa lettre, Dan responsabilise son fils, bien que celui-ci n’ait jamais nié le rapport sexuel, mais se défend du viol, en disant que la victime “avait aimé ça”, puisqu’elle lui aurait, apparemment, caressé le dos. Les premiers paragraphes sont consacrés à une description élogieuse d’un garçon gentil et plein de vie, qui a vu sa vie “profondément altérée” depuis la nuit où il a violé la jeune fille. Pauvre petit :
“Il ne sera plus jamais ce joyeux garçon à la personnalité avenante et au sourire accueillant. Aujourd’hui, il est constamment soucieux, anxieux, craintif et déprimé. Cela se voit dans son visage, la façon dont il marche, sa voix affaiblie, son manque d’appétit.”
Ce passage pourrait s’expliquer par la peur d’un père de voir son fils derrière les barreaux. Soit. Sauf que le reste du texte défend des actes qui ne devraient être ni excusés, ni légitimés, ni justifiés.
“Un prix élevé à payer pour 20 minutes d’action”
“La vie [de Brock] ne sera jamais celle dont il avait rêvé et pour laquelle il avait tant travaillé. C’est un prix élevé à payer pour 20 minutes d’action en 20 et quelque années de vie”.
D’emblée, on comprend que le père de Brock Turner minimise clairement l’agression dont a été victime la jeune femme, âgée à l’époque de 22 ans. Il estime donc que ces vingt minutes lui semblent bien anodines sur les vingt ans de vie sans histoire, de son fils :
“Il n’a aucun antécédent criminel et il n’a jamais été violent envers quiconque, y compris lors de ses actions de la nuit du 17 janvier 2015.”
Ainsi la prison ferme ne serait pas une punition adéquate pour le jeune garçon, tellement bouleversé par cet “évènement” qu’il en a perdu l’appétit. Alors non. Le juge a tranché, et même si Brock Turner n’ira que quelques mois en prison, il a été reconnu coupable d’agression sexuelle sur une femme inconsciente. Et peu importe s’il ne s’agit que de quelques minutes, elles ont suffit à transformer, de manière irrémédiable, toute la vie de la victime. Celle-ci raconte d’ailleurs, dans sa lettre à elle, que plus rien ne sera jamais comme avant, de ses relations personnelles jusqu’à sa personnalité.
Oui, c’est toujours la faute du violeur
Avant de continuer, une piqûre de rappel : un violeur est toujours responsable de son crime. Mais cette idée, le père de Brock Turner ne l’a pas comprise du tout. Dans son message, il explique que son fils pourra utiliser sa notoriété en tant que nageur professionnel pour sensibiliser aux dangers de l’alcool dans les universités. Ainsi, il remet la faute de ce crime sur une victime qui a trop bu et non pas sur son fils, lui, pleinement conscient de son acte :
“Brock saura être un contributeur positif pour la société et s’engage totalement à faire comprendre aux étudiants de son âge les dangers de l’alcool et de la liberté sexuelle.”
“Dangers de l’alcool” et “liberté sexuelle”. Il n’est donc pas question de viol ici pour le père de Dan. Comme le souligne très justement Slate : “Ce n’est pas l’alcool qui a agressé sexuellement Brock.” Quant à la “liberté sexuelle”, elle n’a rien à voir avec le crime dont Brock Turner s’est rendu coupable en décidant d’abuser d’une jeune femme inconsciente, qui ne pouvait donc pas consentir à un rapport sexuel.
Une fois encore, la victime devient en partie coupable de ce qui lui est arrivé. Ce genre de raisonnement la mène à se remettre en question sur un crime dont elle n’est, en aucun cas, responsable. Rappelons inlassablement qu’une relation sexuelle n’en est une que si un consentement oral et clair a été exprimé par les personnes concernées. La victime de Brock Turner l’explique clairement dans son discours :
“Le viol n’est pas une question de promiscuité, il s’agit de l’absence de consentement et cela me perturbe beaucoup qu’il ne puisse pas faire cette distinction.”