À 26 ans, Alizé Carrère est une Exploratrice du National Geographic. Au cours de ses missions, elle parcoure le monde et effectue des recherches afin de diffuser la “connaissance géographique de la Terre”.
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Il y a environ cinq ans, je rencontrais Alizé à un festival en Corse. On s’est ajoutées sur Facebook et depuis j’ai presque dû bloquer son profil tellement ses photos et son actu me rendent malade de jalousie !
Un mètre quatre-vingt, quasi trilingue, élevée dans une “maison-arbre” dans la petite bourgade d’Ithaca, au nord de l’État de New York, Alizé semble avoir des prédispositions naturelles à vivre une vie de rêve, en phase avec la nature. Après un cursus en Science de l’environnement et Développement international puis d’un master en Gestion de l’eau à la prestigieuse université McGill, à Montréal, les conditions étaient réunies pour qu’elle se lance dans le grand bain de l’aventure.
Rencontre avec une aventurière qui travaille dur, malgré les apparences, et dont la joie de vivre est contagieuse.
Konbini | Comment t’es-tu retrouvée à travailler pour National Geographic ?
Alizé Carrère | À la fac, j’ai assisté à un atelier organisé par National Geographic, “L’Atelier des jeunes explorateurs”. Ils cherchaient des gens âgés entre 16 et 18 ans avec une idée de projet pour candidater à leur bourse de recherche. Les autres candidats qui ont pris la parole pendant l’atelier m’ont tellement inspirée que je suis immédiatement rentrée chez moi et j’ai présenté ma candidature pour faire une recherche sur la déforestation à Madagascar, un sujet qui m’intéressait depuis des années.
J’ai reçu la bourse et j’ai passé quatre mois à faire des recherches sur Madagascar. Depuis, j’ai reçu une subvention généreuse de la part de la National Geographic Society pour continuer mon travail sur l’adaptation au changement climatique. Je travaille actuellement sur une série Web.
En quoi consiste ton quotidien, en tant qu’Exploratrice du National Geographic ?
En tant qu’Exploratrice pour National Geographic, je suis principalement une créatrice de contenus. Je viens avec des projets qui entrent dans mon domaine de recherche, et je les présente à la branche qui s’occupe des subventions au National Geographic pour recevoir des fonds.
Donc, soit je prépare des documents pour mon prochain projet, soit je suis sur le terrain, soit je travaille sur le suivi d’un projet, afin qu’il soit publié sur une des plateformes de National Geographic. J’ai aussi pas mal de présentations orales, je vais dans des écoles ou je participe à des conférences pour parler de mes recherches, dans l’espoir d’encourager les enfants à préserver la planète et leur donner envie de devenir des explorateurs eux-aussi.
À quoi ressemble une de tes missions ?
C’est beaucoup d’organisation en amont. Je me fixe un budget, je passe des coups de fils, je prépare des documents, je vais faire des vaccins. Une fois que je suis sur le terrain, rien ne se passe comme prévu ! Surtout quand c’est à Madagascar ou au Bangladesh. Il y a toujours des obstacles inattendus, mais c’est toujours des bonnes histoires à raconter après.
Dans combien de pays as-tu voyagé, grâce à ton travail, et dans ta vie en général ?
C’est une question difficile. Tu sais, je ne pense pas avoir déjà fait le compte ! Ce que j’ai en tête : le Pérou, Madagascar, le Panama, l’Argentine, la Croatie, le Maroc, Israël, la Palestine, la Jordanie, la Turquie, l’Espagne, la France, le Portugal, l’Italie, l’Inde, la Chine, l’Irlande, le Bangladesh, le Canada, le Mexique, l’Uruguay, les Philippines, l’Indonésie, le Japon, les îles Salomon, les îles Fidji, les îles Cook, l’Australie… Je suis sûre que j’en ai oublié !
Combien de voyages fais-tu par an ?
Eh bien, mon travail consiste à voyager, donc je pense qu’il faudrait mieux me demander, combien de temps je ne suis PAS en vadrouille chaque année… La réponse, c’est que je suis “chez moi” peut-être trois mois au total. Et encore.
Explorer le monde, c’est aussi rencontrer des gens de tous les horizons : qu’est-ce que cette diversité t’apprend ?
À prendre du recul. C’est banal, mais c’est vrai : plus je voyage, plus j’élargis mon horizon. Je suis devenue plus compatissante, plus compréhensive. J’ai toujours dit que prendre du recul permettait d’en apprendre plus sur le monde. C’est ce qu’offre le voyage, et c’est pour cela que j’adore ça. Le seul inconvénient, c’est que le monde ne me semble plus noir et blanc… Tout est plus gris. Le monde devient plus nuancé quand tu commences à superposer les couches avec autant de perspectives. Mais c’est ça être humain, non ?
Dans tes missions, tu œuvres beaucoup pour la protection de l’environnement : qu’est-ce que l’on peut tous faire au quotidien pour protéger la planète ?
C’est une bonne question, et on me la pose souvent. En plus des petites choses, comme faire attention à ce que l’on consomme, recycler, penser à son empreinte écologique, je pense qu’il faut être ouvert d’esprit face aux plus grands défis environnementaux. On ne protège plus notre environnement avec des scénarios traditionnels, simples, c’est-à-dire, un problème-une solution. Les défis sont bien trop complexes. Il faut se montrer créatif, accepter des résultats inattendus, mettre en question des vérités établies dans certains domaines… Depuis quand une idée révolutionnaire est-elle une réponse attendue à un problème ? Ce n’est presque jamais le cas. En plus, il faut se battre contre la corruption. La corruption est une grande menace pour l’écosystème de notre planète.
Est-ce que tu considères ton travail comme des vacances ?
Parfois ! Pas toujours, mais la plupart du temps, oui. C’est probablement un peu moins relaxant que les vacances de la plupart des gens, mais je suis hyperactive donc, dans tous les cas, pour moi les vacances parfaites ne consistent pas à rester sur la plage à ne rien faire.
Je dois dire que les “vacances”, c’est un état d’esprit. Tu peux transformer de nombreuses expériences en vacances si tu restes optimiste et si tu tires des leçons de n’importe quelle expérience. Pas besoin d’aller très loin pour ça.
C’est quoi le truc le plus fou que tu aies fait ?
Mon Dieu, je ne sais pas ! Peut-être voyager pendant trois jours pour aller dans un village à Madagascar alors qu’il y avait une peste bubonique mortelle qui venait de se propager, tout ça juste pour prendre des arbres en photo pour ma recherche ? Certains pensent que c’est stupide, mais j’appelle ça “l’amour de la science” !
Le plus bel endroit que tu as vu ?
J’aime répondre à cette question, parce que ma réponse surprend en général. White Sands : c’est un désert de gypse formé de dunes, situé en plein milieu du Nouveau-Mexique, à l’ouest des États-Unis. C’est 520 kilomètres carrés de sable blanc pur qui donne l’impression de marcher sur la Lune. Je suis allée faire du camping là-bas, une nuit en plein orage. Mes amis et moi, on était les seuls cette nuit-là. Il faut voir des photos pour comprendre, c’est incroyable.
Tu conseillerais quoi à ceux qui rêvent d’avoir ta vie ? Quel est le secret d’une vie professionnelle réussie ?
Faites ce que vous aimez ! Je sais qu’on nous dit souvent ça. Mais ne vous engagez pas dans une carrière qui ne vous plaît pas. Je préfère gagner moins d’argent chaque année et faire ce que j’aime plutôt que de gagner des tonnes d’argent en faisant un métier qui ne me plaît pas. La vie est trop courte pour être réduite à un train-train quotidien… Il y a tellement de belles choses dans le monde que je ne voudrais pas manquer. Et il faut rester en alerte… J’aime le dicton qui dit : “La chance ne sourit qu’aux esprits bien préparés.” Plus vous rencontrez des gens, plus vous entretenez des conversations et des relations, plus vous aurez de chances de tomber sur des opportunités excitantes.
Traduit de l’anglais par Hélaine Lefrançois.
Retrouvez plus d’informations sur les travaux d’Alizé sur son blog www.alizecarrere.com, sa page Facebook, ses comptes Twitter et Instagram.