Alors que les relocalisations des réfugiés de la “jungle” de Calais se poursuivent, les réseaux sociaux s’enflamment et grouillent de messages de haine. France 3 Midi-Pyrénées a décidé d’y répondre dans une lettre ouverte juste et humaine.
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Le gouvernement le crie sur tous les toits : le démantèlement de la “jungle” de Calais, c’est fini ! Et sans trop de problèmes, il faut bien le reconnaître. “L’opération bulldozer” que tout le monde craignait s’est en fait déroulée avec calme et de manière humaine, sous l’œil attentif des ONG et des médias présents en masse sur place. L’un des principaux enjeux était de relocaliser quelque 5 600 réfugiés dans 80 centres d’accueil et d’orientation (CAO), répartis dans toute la France. Seules deux régions ne sont pas concernées par cet accueil : l’Île-de-France (surchargée) et la Corse (géographiquement isolée et donc trop chère d’un point de vue logistique).
Pour beaucoup de réfugiés, quitter la “jungle” revient à abandonner leur rêve d’Angleterre. Calais est en effet un nœud névralgique dans les migrations entre le sud de l’Europe et le Royaume-Uni, un point de transit pour les réfugiés. Si certains se font à l’idée de s’installer en France, beaucoup ne souhaitent pas y rester. Au vu de ce qui les y attend, on ne peut pas vraiment leur en tenir rigueur…
Les relocalisations ont suscité de nombreuses réactions enflammées, souvent aux antipodes de toute forme de rationalité et, c’est plus grave, de solidarité humaine. Aujourd’hui, la rédaction de France 3 Midi-Pyrénées a donc décidé d’alerter sur l’avalanche de haine qui s’est déversée sur sa page Facebook suite à l’arrivée de 270 réfugiés dans leur région, qui compte presque 3 millions d’habitants. Soit une goutte d’eau. Les réactions épidermiques d’internautes en colère oscillent entre racisme, préjugés infondés et haine de l’autre.
“La France est une terre d’asile”
Face à la situation, la chaîne a donc publié une lettre ouverte, rappelant les valeurs d’accueil et de solidarité qui font l’ADN de la France. France 3 Midi-Pyrénées estime par ailleurs ne pas avoir eu d’autre choix que de supprimer certains commentaires, au risque de porter atteinte à la liberté d’expression, qui leur est chère :
“Nous sommes, en tant que service public d’information, profondément attachés à la liberté d’expression. Les commentaires sur notre page facebook sont modérés a posteriori. Cela signifie que ceux qui franchissent la ligne jaune, en matière de respect de la loi (incitation à la haine, insulte, etc) sont supprimés après intervention de nos modérateurs. C’est un travail fastidieux surtout sur certains sujets dits “sensibles” et encore plus à l’approche des élections.
Il y a la loi. Et puis il y a l’esprit. L’esprit, redisons-le, c’est celui de permettre au plus grand nombre de s’exprimer. Mais laisser le droit à l’expression n’empêche pas d’avoir un avis. La rédaction de France 3 Midi-Pyrénées, tout au long de l’année, à la télévision ou sur son site internet, a l’ambition de montrer la vie des gens qui habitent dans notre région, d’expliquer les faits d’actualité, de les contextualiser.
Nous avons fait le choix de ne pas fermer les commentaires sur facebook mais sur certains sujets, des internautes, sous pseudonymes ou leur véritable identité, font tout pour nous pousser à restreindre la liberté d’expression. Nous ne voulons pas nous y résoudre mais nous ne pouvons pas laisser dire des choses fausses et laisser publier des propos insupportables sur notre page facebook sans réagir.
La France est une terre d’asile. Chacun d’entre nous a dans sa famille ou connaît une personne qui a des origines espagnoles, italiennes, maghrébines, africaines, asiatiques… La région Occitanie a été et reste une terre d’accueil des peuples, au gré de l’histoire : guerres civiles, guerres mondiales, immigration économique, etc. L’histoire de notre pays est comme cela, que ça plaise ou non, et sans ces mélanges de population, sans cette ouverture sur le monde, la France ne serait pas la France.
Cette “haine de l’autre” est irrationnelle. Elle ne repose sur rien d’autre qu’un sentiment. Peu importe comment on le nomme, “de peur”, “d’insécurité”. Irrationnel. Ce ne sont pas 27 hommes, démunis de tout qui vont changer la vie d’un quartier, d’une ville comme Toulouse. Ce ne sont pas 250 ou 270 personnes qui vont mettre en péril l’équilibre de notre région. Vous qui voyez dans ces images des violeurs ou des agresseurs, dites-vous qu’y figurent peut-être le médecin qui sauvera demain votre enfant ou le maçon qui construira votre maison ! “
Justement, à l’approche des élections, de nombreux responsables politiques n’hésitent pas à s’emparer des relocalisations de la “jungle” pour enfoncer un peu plus la France dans un climat de peur. Ainsi, mardi dernier sur RTL (première radio de France), c’est Marion Maréchal-Le Pen qui n’hésitait pas à multiplier par deux le nombre de réfugiés accueillis par la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, le faisant passer de 30 à 60. Un mensonge contré du tac au tac par l’intervieweuse. Mais à voir les commentaires haineux qui inondent Facebook, on se dit que la stratégie de désinformation paye…
Fort heureusement, on peut encore compter sur l’humanité de certain-e-s internautes pour s’opposer à la vague de haine.
Mesdames, je vous dis merci.