Lucie, 23 ans, est séropositive depuis trois ans. L’an dernier, elle avait expliqué sur Konbini comment l’infection au VIH avait changé sa vie, ses habitudes, son regard sur le monde. Dans ce nouveau témoignage, elle raconte sa vie amoureuse récente, comment parler de ce sujet avec ses flirts, quels types de réactions elle a rencontrées, et comment construire une relation malgré tout.
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Vous vous souvenez peut-être, dans ma lettre ouverte de janvier, j’écrivais que j’étais en couple et que je craignais le moment où j’allais devoir retrouver le célibat, la séduction et affronter l’annonce de ma séropositivité aux mecs et leur réaction.
Un mois et demi plus tard, le fameux garçon avec qui j’étais m’a quittée, après presque deux ans (ce sont des choses qui arrivent). Comme une bonne partie des gens de mon âge, je me suis tournée vers les sites de rencontres pour essayer de passer à autre chose et surtout à quelqu’un d’autre.
J’ai essayé Adopteunmec en premier, où j’ai commencé à discuter avec un Parisien de 32 ans, Charles. Il avait l’air décent, plutôt intelligent, le courant passait bien. On a décidé de se rencontrer. Parce que je savais très bien comment finirait la soirée et parce que j’avais envie de m’éviter la gêne IRL, je lui ai écrit sur le chat d’Adopte.
– Je te dis un truc, t’en fais ce que tu veux. Je suis séropositive, je prends un traitement, depuis deux ans et demi, ma charge virale est indétectable, et de toute façon on se protègera.
Passion ne pas tourner autour du pot. Il me pose quelques questions, puis me dit que ça ne le dérange pas, qu’on maintient le rendez-vous.
“Il a plus fait attention à la capote qu’à moi”
Le lendemain, il m’a envoyé un message pour me dire que ça le travaillait et qu’il n’était plus sûr de vouloir me voir. Merde. Ce mec ne signifiait rien pour moi, je le connaissais à peine, voire pas du tout, mais je l’ai mal pris. Je lui ai redit qu’il n’y avait aucun risque si on faisait ce qu’il fallait, à savoir pour moi prendre mes médicaments correctement et pour lui mettre la capote. Il y a réfléchi encore un peu et on a fini par se rencontrer.
On a papoté, on a fait semblant d’écouter de la musique, on a baisé. Il a plus fait attention à la capote qu’à moi. C’était étrange, j’avais l’impression qu’il ne s’intéressait pas à moi, qu’il pensait au virus plus qu’à ce qu’on faisait, que je ne servais à rien, et même si on a pris du plaisir, c’était frustrant de le voir vérifier qu’elle était bien placée toutes les deux minutes. Je ne l’ai jamais revu, je ne suis pas restée en contact avec. On n’a jamais reparlé de cette soirée.
Quelques semaines plus tard, c’est avec Julien que j’ai commencé à tisser des liens. On parlait beaucoup sur le chat, il était étudiant en cinéma, et quand je peux parler de cinéma avec quelqu’un, ça veut dire que c’est bien parti. Premier rendez-vous au vin blanc à une terrasse, un samedi après-midi ensoleillé, puis il m’a invitée chez lui, un soir. Il a cuisiné, on a discuté de son quartier, de sa collection de DVD, on s’est calé dans son canap’ devant Deep End, un classique que je n’avais jamais vu.
Devant le film, j’attendais qu’il s’approche, qu’il fasse quelque chose. Rien. Timide. A la fin, après avoir fait semblant de donner mon avis sur le film, je l’ai embrassé. Il avait envie de moi et vice-versa. Finalement, j’étais assise à califourchon sur lui quand je me suis dit qu’il serait peut-être temps de l’informer.
– Attends, faut que je te dise un truc avant qu’on continue ce qu’on est en train de commencer.
– Quoi ?
Là, comme avec mon ex, ça a pris trois plombes, mais j’ai fini par le dire.
– Je suis séropositive.
J’enchaîne avec mon speech habituel. Il n’a rien répondu. Je l’ai embrassé. Il n’a toujours rien dit.
– Tu t’en fous ?
– Ben, c’est dur de résister de toute façon.
– Okay.
Du coup, on a fait l’amour. Après cette soirée, nous nous sommes revus de temps en temps mais nous n’avons plus couché ensemble, parce que le courant ne passait pas plus que ça niveau sexe. On est devenu potes, en quelque sorte. Il avait raconté à des amis qu’il avait eu une mini-aventure avec une fille séropositive.
– Et ? Ils ont dit quoi ?
– Bah rien. Ils s’en foutent en fait. Ils posent quelques questions pour savoir comment ça se passe mais c’est tout.
– C’est même pas drôle…
J’étais presque déçue que les gens aient une réaction normale et décente (je rigole, c’est évidemment une très bonne chose).
“Ce soir-là, j’ai fait une connerie”
Puis il y a eu Antoine. Un mec d’Adopte, encore. Il avait l’air mignon, assez intéressant, et très porté sur la chose, comme on dit. Ça faisait maintenant deux bons mois que j’étais célibataire, et je n’avais toujours pas digéré la rupture, mais entre deux appels d’insultes et de larmes avec mon ex, j’essayais toujours de passer à autre chose, et pour être honnête, j’avais aussi tout simplement envie de sexe. On n’a pas perdu beaucoup de temps avant de se rencontrer, il m’a donné rendez-vous Porte de Vincennes, un vendredi soir.
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J’ai fait une connerie ce soir-là. Je voulais être une meuf ordinaire, je voulais être comme les autres, je voulais passer une soirée tranquille, je ne voulais pas me prendre la tête. Alors chez Antoine je me suis posée sur son canapé, il a mis de la musique, on a bu du vin blanc, il a fumé un joint, et on a baisé. On a mis la capote, bien sûr, mais je ne lui ai rien dit avant. Et je n’y ai pas pensé pendant.
– Tu reviens bientôt ?
– Euh. Je sais pas. T’as envie que je revienne ?
– Bah oui.
Là, je suis dans la merde. Je venais juste pour un coup d’un soir, passer un bon moment, rentrer chez moi. C’est tout. Mais le sexe valait vraiment le détour, je me sentais bien chez lui, je n’avais pas envie de lui dire non, pour une fois que j’avais envie de revenir chez quelqu’un. Si j‘allais le revoir et que ça devait devenir quelque chose de régulier, il fallait que je lui dise. Je ne sais plus comment on en est venu à parler de dépistage du coup, mais je me revois lui dire :
– Ben, pour moi, c’est pas la peine, je sais déjà.
– Comment ça ?
– Euh… Hum. J’ai le VIH.
J’ai fait mes yeux de biche et une grimace “désolééée” pour essayer de minimiser. On avait l’avantage d’être détendu par l’alcool et le sexe. On s’est rassis sur le canapé, et je lui ai expliqué la situation comme je l’avais déjà expliqué maintes fois.
– Mais t’as le sida, c’est chaud quand même.
– Alors non, c’est pas le sida, je suis juste séropositive, mais avec le traitement c’est contrôlé.
– Ouais mais quand même.
Je lui ai conseillé de se renseigner de son côté et je lui ai que j’étais là pour répondre à toutes ses questions et que s’il ne voulait plus me revoir, ce n’était pas grave, je comprendrais. Dans la semaine qui a suivi, il m’a envoyé des SMS pour me dire que j’avais merdé et que j’aurais dû lui dire avant. “Je sais.” On s’est revus. Il m’a redit en face à face que j’avais merdé. J’ai redit que je savais.
– De toute façon, t’es sous traitement et t’as la capote, donc c’est bon ?
– Oui.
Du coup, Antoine est devenu mon plan cul régulier, on se voyait à peu près deux fois par semaines, pendant près de deux mois. Puis on a arrêté de se donner des nouvelles, on n’avait plus le temps de se voir, et voilà, c’était fini.
Je devrais faire l’éducation des garçons avec qui je couche sous prétexte que je porte le virus ?
Un week-end, une amie est venue chez moi. On a passé une partie de la soirée à swiper sur Tinder. J’avais bien sûr entendu parler de l’application mais le concept ne m’attirait pas vraiment, puis je trouvais ce que je cherchais sur Adopte. Finalement, il y avait des garçons plutôt pas mal sur son écran, et donc près de chez moi. J’ai installé l’application et créé un compte.
J’ai été un soir chez Florent, il était plutôt cool, il ressemblait à sa photo, il avait un humour grinçant comme j’aime. On n’avait pas beaucoup discuté avant de se rencontrer mais comme les premières minutes n’étaient pas bizarres, on est allé chercher une bouteille de rosé et on est rentré chez lui. Ça s’est passé comme avec Julien, je l’ai annoncé “en embuscade”, quand j’étais déjà en soutien-gorge sur lui. Quand j’y repense, c’est plutôt cruel de dire ça quand le mec n’est déjà plus capable de réfléchir avec son cerveau.
On en a discuté rapidement, je lui ai expliqué pour le traitement, la charge virale indétectable, combien de temps ça faisait, et puis on a repris notre affaire. Il s’en foutait, en fait. Je suis restée un peu après, on a parlé de sa famille, de mon ex, comment ça se passait en couple. Puis je suis rentrée, et je ne l’ai pas revu, je ne suis pas restée en contact avec lui non plus. Ça n’a pas été compliqué (même si j’avais encore mis plusieurs minutes à prononcer les mots), j’ai passé une bonne soirée, c’était cool.
Avec Alban, ça a été un peu étrange. J’avais lié mon compte Instagram à mon profil Tinder, et dans ma bio Instagram se trouvait le lien de mon profil Medium et donc cet article . Il est venu me parler pour me dire qu’il l’avait trouvé intéressant, puis on a commencé à discuter, pendant quelques jours, et on a décidé de se voir. Je n’avais pas vraiment reparlé du virus en détails avec lui puisqu’il était déjà au courant et qu’il ne posait pas de question. Au cours de la soirée chez lui, il m’a dit :
– J’espère que t’en parles un peu plus que ça avec les autres garçons.
– Comment ça ?
– Ben je sais pas, on n’a pas vraiment parlé toi et moi, du VIH.
– T’as lu mes articles, donc t’es au courant, et puis ils sont clairs non ? Tu m’as rien demandé non plus. Tu veux que je dise quoi de plus ?
Je ne me souviens plus de ce qu’il a répondu ensuite, mais je me souviens que j’avais très mal pris cette conversation. Quoi, je devrais faire l’entière éducation des garçons avec qui je couche sous prétexte que je porte le virus ? Je devrais aussi porter la responsabilité de m’assurer qu’ils sont assez informés pour savoir ce qu’ils font ? J’ai quand même couché avec lui, c’était nul, j’ai regretté et je ne suis pas restée en contact.
“Il me signale qu’il ne met pas la capote systématiquement”
Après, il y a eu Théo. Ça a été toute une histoire, Théo. J’ai accepté de le voir très rapidement sans qu’on parle vraiment avant, sans savoir grand-chose. On s’est rejoint à la station de métro, il était beau, j’étais contente de ne pas avoir été trompée sur la marchandise.
On a été boire un verre en terrasse, on y a discuté de tout, de rien, de son job, du mien, de Paris, des loyers, de philosophie, des études, pendant près de deux heures. Je lui ai annoncé de manière assez biaisée. Je lui parlais de mes études de journalisme et je lui ai dit que j’avais écrit un truc récemment qui avait eu son petit succès. Il a voulu savoir ce que c’était.
– Un article qui parlait du VIH, parce que je suis séropositive, et je voulais en parler. J’avais des trucs à dire.
– Ah. Okay… Ça me touche que tu me le dises.
– Ben, tu sais pourquoi je suis là. C’est normal que je le dise.
Il fait partie de ceux qui ne m’ont pas posé de questions, et c’est aussi celui qui m’a sorti le plus de conneries. On est allé chez lui, un tout petit appartement. A un moment, je lui demande s’il a fait le test et s’il est sûr d’être négatif. “Oui je suis sûr.” Dans la discussion, il me signale qu’il ne met pas la capote systématiquement.
– Pourquoi ?
– Je baise que des jolies filles, et puis je vis dans un beau quartier. Ça me concerne pas trop.
Alors… Comment dire. Si, en fait. Ça concerne tout le monde partout tout le temps. Si t’as un corps humain, ça te concerne. Point. Par la suite, Théo a voulu me revoir, je lui ai dit non, il l’a mal vécu, et c’est parti en chantage au revenge porn, mais c’est une autre histoire.
Puis j’ai matché avec Eric. Il avait les yeux bleus, des cheveux châtains, il y avait assez de photos sur son profil pour se faire une idée claire de ce à quoi il ressemblait, et il m’intéressait. On a commencé à parler de séries et de cinéma, ça partait bien. Pendant un mois on a passé nos journées à se parler, sans pouvoir nous voir parce qu’il est parti en vacances et parce que nous n’avions simplement pas le temps.
J’adorais discuter avec lui, on avait toujours des choses à se raconter, des conneries à se dire, des anecdotes à partager. Puis enfin on s’est fixé rendez-vous un jeudi ou mercredi soir sur l’avenue de France. C’était bien. On est resté deux bonnes heures au bar, il m’a accompagnée à l’arrêt de bus. On s’est fait la bise. Je ne lui ai pas dit ce soir-là.
On s’est revus le samedi suivant, avec une bouteille de blanc et quelques trucs à grignoter, posés au bord de la Seine. Il était tard, il faisait bon, et on voyait le Soleil se coucher sur Notre-Dame. J’étais bien, il était beau avec ses yeux bleus et son petit sourire en coin.
Il m’a parlé de sa petite sœur. Elle était à une soirée chez des amis à elle, dans Paris. Il me disait qu’il n’avait aucune idée d’où elle dormait, si elle rentrait chez lui, ou si elle restait chez ses potes, qu’elle était dans la période où on sort beaucoup, on boit beaucoup, on profite de l’émancipation à bloc.
– Ça t’inquiète pas un peu ?
– Non, elle gère, t’inquiète. Elle m’appellera si elle a besoin.
– Ouais.
Je ne me sentais pas super bien parce que je me revoyais comme elle à son âge à faire un peu n’importe quoi, ce dont j’avais envie, sans me poser trop de questions. Mais on n’a pas toujours envie des bonnes choses avec les bonnes personnes. Je lui ai dit ça.
Puis je lui ai dit que c’est dans cette période, quand j’étais étudiante, quand j’avais mon propre appartement, mon indépendance financière, que j’avais été contaminée. Il n’y a pas forcément de lien de causalité, bien sûr, mais je ne peux pas m’empêcher d’avoir une petite crainte pour ces jeunes dans lesquels je me retrouve et qui me rappellent que c’est un peu à cause de mon insouciance que je me suis retrouvée séropositive au VIH à 20 ans. Et puis ça faisait un bon prétexte pour lui dire.
Ça l’a troublé. Il ne savait pas quoi dire alors, comme d’habitude, je lui ai tout raconté. Il n’a pas posé beaucoup de questions parce que je pense que j’avais déjà répondu à tout ce qu’il pouvait se demander. On a fini la soirée sur son canapé. On n’a pas couché ensemble ce soir-là. On s’est embrassé, on avait envie, mais il n’était pas prêt.
Le dimanche il m’a envoyé des messages pour me dire qu’il se sentait mal, qu’il y pensait tout le temps. Il était sérieusement hypocondriaque, et m’a confié que quelqu’un de sa famille était décédé des complications du sida. Comme je l’appréciais vraiment, j’ai insisté pour qu’on se revoie, et je l’ai rassuré et informé comme j’ai pu. On quand même fait l’amour dans la semaine qui a suivi. C’était bien. Très bien.
Ce qui aurait pu être une jolie histoire est mort-né à cause de mon virus
Dans les jours qui ont suivi, malheureusement, son angoisse et son appréhension ont empiré, et j’ai eu beau lui dire de toutes les manières possibles qu’il ne risquait rien avec moi, lui envoyer des liens, lui conseiller d’appeler Sida info service, bref faire tout ce que je pouvais faire pour qu’on soit ensemble, il n’a pas su gérer.
On s’est tout de même revu quelques fois, parce que j’aimais passer du temps avec lui, puis au bout de quelques semaines de tergiversations, on a décidé que ça ne servait à rien, qu’il n’y arriverait pas et que je ne pouvais rien y faire.
Ce qui aurait finalement pu être une jolie histoire avec un mec vraiment bien, qui me plaisait beaucoup et avec qui le courant passait est mort-né à cause de mon virus. C’est un peu (beaucoup) dur à digérer.
Peu de temps après, je suis allée boire un verre avec un mec de Twitter. J’y allais sans arrière-pensées. Juste comme ça, parce qu’a priori on allait bien s’entendre. Il avait lu mon article de janvier, on avait déjà discuté un peu de mon virus en ligne, entre autres choses.
On s’est effectivement bien entendu, et on a continué à se voir, c’est allé très rapidement : à peine une semaine après notre premier rendez-vous, je passais le week-end complet chez lui, et on passait une nuit sur deux ensemble la semaine d’après. On n’a pas traîné non plus pour commencer à coucher ensemble, et ça se passait bien. C’est le premier avec qui je commençais à construire une sorte de vraie relation de couple depuis mon ex.
Et puis il y a eu ce moment pénible, juste avant de dormir : on est tranquillement au lit quand il me confie que ça le terrifie et que quand il me fait l’amour, il pense au VIH, que la capote le saoûle. Et moi je ne peux toujours rien y faire.
Je lui réexplique le traitement, la charge virale indétectable, que je ne suis pas contaminante, encore, toujours, comme je l’ai fait avec tous les autres avant et comme je devrai le faire avec tous les autres après. Un autre jour on aborde le thème du cunnilingus. Mon ex aussi avait eu du mal avec ça. Et je comprends parfaitement pourquoi.
– T’as besoin de quoi ? D’explications ? De temps ? De rien et t’y arriveras jamais ?
– De temps oui.
C’est assez perturbant d’avoir l’impression de repousser son partenaire, de se sentir toxique, d’imaginer que mon corps lui fait peur au point qu’il appréhende d’y passer sa langue.
Je me retrouve dans la même situation qu’avec mon ex, à me prendre la tête parce qu’il se plaint de la capote, qu’il n’a pas envie, que moi je ne me sens pas désirée, ça me vexe, je suis têtue, je mets de la mauvaise foi, je me sens impuissante, je ne sais pas quoi faire et à minuit et demie on se retrouve à s’engueuler parce que je le “fais flipper” et parce que “ce serait plus simple si t’avais pas le VIH” et parce que “t’es nul, il faut que je t’explique en quelle langue que tu risques rien putain de merde ?”
Bonne ambiance. (Oui, je suis une emmerdeuse, ça joue aussi.) Je suis toujours avec lui au moment où j’écris ces mots.
Je ne supporte pas d’entendre que je suis un danger
Ce que je retiens de tout ça, c’est que les gars s’en foutent un peu quand il s’agit juste de sexe, on fait ce qu’on a envie de faire en prenant peu de risques et puis voilà. Et c’est aussi beaucoup plus simple pour moi de le dire à des mecs avec qui je sais qu’il ne se passera rien de romantique.
C’est quand on sent qu’il y a plus qu’un rapport physique entre nous que ça se complique. Eric n’a pas voulu s’engager avec moi par peur du virus mais aussi parce qu’il craignait l’aspect émotionnel de tout ça, il avait peur de devenir parano, de s’inquiéter pour moi, de me voir prendre les médicaments.
Avec le garçon que je fréquente en ce moment, c’était simple au début, je faisais un peu la maligne “je le vis bien t’inquiète”. Mais quand il m’a dit qu’une amie lui avait rétorqué qu’il était un peu fou de coucher avec moi et qu’il se mettait en danger, j’ai fondu en sanglots parce que je ne supporte pas d’entendre que je suis un danger. De la bouche d’un tiers, et encore moins de la bouche de la personne que j’aime et que je désire.
Le rejet d’inconnus me peine parce que ça montre bien qu’il y a encore des gens mal informés et soumis aux stéréotypes vivaces, mais je passe outre car ils ne représentent rien pour moi. Quand dans une relation amoureuse et sur la durée mon virus vient foutre la merde indépendamment de ma volonté, quand je ne m’y attends pas et que mon partenaire a des réactions irrationnelles, c’est une autre histoire.
Et je ne sais pas si j’aurai les mots un jour pour faire comprendre à des garçons traumatisés par la génération sida, et les années de campagnes qui n’ont pas toujours su s’adapter aux avancées médicales et aux réalités de l’infection au VIH, que je ne suis pas un danger pour eux.