Les élections régionales ne sont pas le scrutin qui mobilise le plus les électeurs français. Pourtant, l’enjeu est de taille.
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À chaque fois, c’est la même chose : les élections régionales ne mobilisent que très modérément les électeurs français. Avec 53,67% au premier tour et 48,79% au second tour en 2010, l’abstention était la grande gagnante du dernier scrutin régional.
Cette année, l’enthousiasme républicain paraît tout aussi modéré. D’après un sondage Ipsos, l’indice de participation prévue pour le premier tour, dimanche 6 décembre, est seulement de 45%. Notons au passage que les électeurs les plus motivés sont ceux du FN, pour lesquels cet indice grimpe à 55%.
Vous doutez de l’intérêt de ces élections ? Vous avez tort ! Voici pourquoi il faut se déplacer les 6 et 13 décembre dans les bureaux de vote.
1. Les régions pèsent aussi lourd que certains Etats
Vous vous en souvenez peut-être, une réforme des régions a été votée il y a quelques mois. Parmi les nombreuses nouveautés, il y a la réduction du nombre de régions, qui passe de 22 à 13. Ces fusions inédites donnent beaucoup plus de poids à ces assemblées, d’autant que, nous le verrons, leurs compétences ont été élargies.
Un exemple ? Facile : selon l’Insee, la fusion Auvergne / Rhône-Alpes représente un produit intérieur brut de 239 milliards d’euros. Ce qui veut dire que si la “super-région” était un Etat, il s’agirait de la 57e puissance économique mondiale, au niveau du Danemark, et devant l’Irlande, la Tunisie ou la Nouvelle-Zélande. Choisir les élus qui la dirigeront n’est pas anodin.
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La tendance est ancienne : le budget des régions a presque toujours augmenté année après année. Comme le montre le graphique ci-dessous, qu’on trouve sur le site de l’Association des régions de France (ARF), si elles étaient dotées de 16 milliards d’euros en 2004, elles franchissaient la barre des 25 milliards en 2009. D’après France tv info, l’exercice 2014 porte leurs comptes à près de 28 milliards d’euros, soit autour de 7,5% des dépenses de l’Etat.
2. Leurs compétences nous concernent de près
Si certaines compétences échoient aux communes, le pouvoir des régions n’a cessé de se développer depuis 1982. Elles gèrent une grosse partie des transports, des aides versées aux entreprises, de la formation professionnelle (des actifs comme des chômeurs), de l’éducation, de la culture, etc. Dans ce cadre, elles doivent désormais présenter un schéma de développement économique.
Si le transport représente la plus grande part de son budget c’est parce qu’elle est aussi en charge des ports et des aéroports et des transports régionaux, notamment TER, et aura également à gérer le transport routier et scolaire à partir du 1er janvier 2016.
Autre gros budget, celui des lycées, dont la région s’en occupe de A à Z (construction, entretien et fonctionnement “à l’exception des missions d’encadrement et de surveillance des élèves”, comme dit la loi).
3. La réforme sera finalisée en fonction des résultats de l’élection
N’oublions pas que les Français votaient pour les conseillers de 22 régions en 2010… Or 16 d’entre elles ont fusionné avec une ou deux de leurs voisines pour donner une nouvelle carte à 13 régions (effective le 1er janvier 2016). Les détails de ces multiples fusions ne sont pas tous finalisés. Deux d’entre eux méritent notre attention : la désignation du nom des régions et du lieu de leurs capitales.
“Chaque conseil régional sera appelé à formuler un avis sur le chef-lieu définitif de la région (où siègent la préfecture de région et la majorité des services de l’Etat), ainsi que sur l’emplacement de l’hôtel de région (où siège le conseil régional), et sur le lieu où se tiendront les réunions”, note francetv info. Date limite : le 1er juillet 2016.
4. Il n’y aura pas de “Front républicain” au second tour
Si aucune liste n’obtient la majorité absolue au 1er tour, l’élection régionale se joue en deux tours. Peuvent se maintenir les listes ayant reçu au moins 10% des suffrages au 1er tour, avec des ralliements possibles. On assistera donc souvent aux fameuses “triangulaires”, quand trois partis différents parient sur leur victoire au deuxième tour.
Or, pour ces élections, ni la droite ni la gauche n’appelleront à former un “Front républicain” contre le Front national, en cas de triangulaire favorable au FN. Le parti de Marine Le Pen semble ainsi bien placé pour remporter trois régions : Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Alsace-Chapagne-Ardenne-Lorraine et PACA.
Une des raisons qui explique l’absence de “Front républicain” tient au mode de répartition des sièges au sein du Conseil régional, très favorable au vainqueur. La liste gagnante obtient en effet d’emblée un quart des sièges. Les trois quarts restants sont distribués à la proportionnelle entre tous les partis ayant remporté plus de 5% des voix, dont celui qui a gagné l’élection. Si le PS ou LR se retiraient, ils auraient un nombre très faible de sièges.
5. C’est la répétition générale en vue de 2017
Attention, dernier avertissement ! N’oublions pas que ces élections constituent le dernier scrutin auquel participeront les Français avant d’élire leur nouveau(elle) président(e) d’ici un an et demi. Il s’agit donc de la répétition générale avant la grande campagne présidentielle pour les partis.
On le sait, c’est également un scrutin qui a la réputation d’être particulièrement dur avec le parti au pouvoir. Selon un sondage relayé par France 3 Rhône-Alpes, les électeurs se fichent d’ailleurs pas mal que leur vote porte sur la politique de leur région : 56% d’entre eux tiendront compte de la politique nationale et non régionale pour faire leur choix dans l’isoloir. Ils sont préoccupés en premier lieu par les impôts et les taxes, puis par la sécurité et ensuite l’immigration – ce qui est un peu dommage car la région n’intervient pas ou quasiment pas dans ces domaines.
D’ailleurs l’Histoire le prouve : en 2004, le PS remportait 19 régions sur 21. En 2010, alors que Nicolas Sarkozy était Président de la République, le parti à la rose et ses alliés gagnaient les élections dans 22 régions sur 25. Effet inverse, plus tôt, lorsque la gauche était au pouvoir lors des scrutins de 1986 et 1992 : c’était alors l’UDF et le RPR qui raflaient la mise. Et en 2015 ?