Radio Caroline, station pirate légendaire, fête ses 50 ans

Radio Caroline, station pirate légendaire, fête ses 50 ans

Une histoire mouvementée

Le succès est sans appel : trois semaines après son lancement, elle compte pas moins de 10 millions d’auditeurs. De nombreuses radios concurrentes font alors leur apparition en mer, comme Radio Atlanta avec laquelle elle fusionnera pour donner naissance à deux entités distinctes : Radio Caroline South et Radio Caroline North. Voyant d’un mauvais oeil leur succès, l’Etat imagine alors une loi pour faire taire ces voix dissidentes : interdiction de travailler à bord, interdiction de les ravitailler, interdiction de dealer de la publicité avec eux, etc.
Le 14 août 1967, le gouvernement fait entrer en vigueur le Marine Broadcasting Offences Act. Et alors que la plupart des petites stations offshore cessent d’émettre à minuit, l’animateur vedette Johnnie Walker clame au micro : “Radio Caroline va rentrer dans une nouvelle phase de son histoire, Radio Caroline vous appartient et nous vous aimons… Radio Caroline continue” et lance “All You Need Is Love” des Beatles. Plus de 50 millions d’auditeurs sont témoins : les pirates font de la résistance. 

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Malheureusement, Radio Caroline se retrouve criblée de dettes et se voit obligée de cesser d’émettre dès mars 1968. Mais Ronan O’Rahilly ne s’avoue pas vaincu et fait renaître Radio Caroline de ses cendres en 1972, toujours à bord du Mi Amigo. Encore une fois, l’argent manque et le bateau finit par couler en 1980. À son arrivée à terre, l’équipage est arrêté par les autorités anglaises.
Trois ans plus tard, Ronan O’Rahilly décide de s’installer sur un nouveau bateau, le Ross Revenge. Mais lors d’une tempête en 1987, le mât de transmission casse. Finalement, il faut attendre fin 1990 pour que la station offshore soit définitivement interrompue et le navire abandonné par son équipage, faute de ravitaillements. Aujourd’hui, la radio diffuse toujours, même si ses studios sont désormais à Londres.

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Christian Verwaerde, un pirate français

Et ailleurs ? Si Radio Caroline, cette fréquence légendaire, émettait jusqu’au Pas-de-Calais et léchait la côte de la Normandie, l’Europe n’a pas attendu que la pionnière anglaise étende sa diffusion pour se réveiller. Pas en reste, les peuples des Pays-Bas, de la Suède ou encore du Danemark s’arment tous contre les programmes institutionnalisés et pendant les années 60, de nombreuses stations germent en Europe du Nord. Offshore ou non, les ondes diffusent un contenu alternatif à celui de la radio à papa, à l’image de Radio Campus en France, première radio pirate de l’Hexagone.
A l’époque, la France compte six stations émettrices : France Inter, France Musique et France Culture, trois radios d’État ; mais aussi, déjà, RTL, RMC et Europe 1, ondes privées et commerciales. Christian Verwaerde, originaire de Dunkerque, bouleverse la donne. Le jeune homme, étudiant à l’université de Lille 1, installe un petit émetteur dans sa résidence. Bien que dans un périmètre restreint, il réussit l’exploit de diffuser et déchaîne les passions. Ce sont des centaines de jeunes qui l’écoutent à chaque fois que cela est possible. En 1969, Christian Verwaerde ne s’en rend pas compte, mais il change le paysage radiophonique français à tout jamais.
Alors que le jeune homme réussit à émettre tous les mardis et les jeudis, de 20h à 23h, un véritable événement dans l’histoire de la jeune station se produit dans la nuit du 3 au 4 mars 1970, lorsqu’une grande nuit de diffusion “non-stop” est organisée. Verwaerde et son équipe l’animent en hommage à sa cousine britannique Radio Caroline, sabordée voilà deux ans tout pile. Cet acte militant de l’histoire radiophonique française génère la diffusion des programmes, sans interruption, de 20h à 10h du matin. Une première.

Un pluralisme nécessaire

Radio Campus aura ouvert la voie à d’autres stations pirates françaises, telles Azur 102, Radio Continentale, Radio Verte Paris, Radio Verte Fessenheim. Petit à petit, elles auront imposé la soif de pluralisme, également sur les ondes. En 1981, l’élection de François Mitterrand conduit à la fin du monopole d’Etat : les radios pirates deviennent des radios libres.
A l’image de l’exemple anglais Radio Caroline, ces stations nées du désir de jeunes Européens de transmettre une autre culture que celle de la norme représentent un symbole. La preuve : Radio Campus et Radio Caroline émettent encore.
Article co-écrit par Sarah Barbier et Theo Chapuis