Jusqu’au 21 mai, la Maison Rouge accueille une exposition sur la contre-culture française, intitulée “l’esprit français”. On part à la découverte de notre culture underground nationale !
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Mais l’esprit français, qu’est-ce que c’est ?
De la bouillabaisse, de la mouclade charentaise, de la carbonnade flamande peut-être ? Non, l’esprit français, selon l’exposition, serait en fait notre légendaire désinvolture, l’esprit français ou l’insatisfaction chronique qui rend le Français ronchonneur et acariâtre.
Un esprit qui se forge entre 1969 et 1989
Il y a 70 artistes dans l’exposition. Et environ 700 œuvres et documents qui datent de 1969 à 1989. À l’époque, des mouvements d’émancipations et de contestations se révèlent et les cultures populaires foisonnent (cinéma, rock, bande dessinée, télévision, graphisme, etc.).
Au sein de cette période choc où la création contre-culturelle bouillonne, deux époques se dessinent : deux virages underground naissent de deux désillusions face à un espoir de révolution dans les sphères politiques françaises. “Les contre-cultures se nourrissent d’une morosité politique”, explique Guillaume Désanges, un des commissaires de l’exposition.
La première période de désillusion débute en 1969. En mai 1968, la France s’agite pendant un mois. Lassés d’une société autoritaire et paternaliste, les jeunes dénoncent le capitalisme et l’austérité morale gaulliste, manifestent en faveur de la libération sexuelle et de plus de droits pour la femme. Une grève qui marquera l’Histoire et fera couler beaucoup d’encre.
La deuxième phase de désillusion arrive en 1981. C’est l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir, c’est un espoir, mais son mandat ne convainc pas. C’est un soufflet qui retombe et laisse la France dans un sentiment de colère.
C’est dans cet univers politico-sociale de déception que germe une bonne partie de l’underground français. On y voit naître une presse subversive et nihiliste.
Les radios libres complètement déjantées pullulent et la bande dessinée prend des airs rebelles. Des personnages anti-système se présentent comme candidats à l’élection présidentielle comme Coluche, l’humoriste en salopette.
“On a voulu mettre en avant les postures rebelles et contestataires de 1969 à 1989. Des formes d’oppositions ironiques, sarcastiques et destructrices qui s’atomisent en micro-groupes autonomes au sein d’une politique sociale déterminée”, analyse François Piron, commissaire de l’exposition. Micro-groupes qui structurent ce fameux ”esprit français”.
Œuvres rares et jamais montrées
À travers l’exposition, on découvre des artistes trash comme Jean-Louis Costes, Clovis Trouille, Roland Topor qui symbolisent le côté subversif, anticlérical et rock’n’roll de cette période. On redécouvre les provocations poétiques de Serge Gainsbourg et le punk criard des Bérurier Noir.
Sans oublier de mentionner les illustrations de Laul ou du collectif Bazooka, ainsi que les ouvrages révolutionnaires de la maison d’édition Champ Libre créée par Gérard Lebovici, assassiné en 1984.
On navigue aussi dans l’époque du Palace et on prend connaissance des personnalités transversales qui ont fait la popularité du club. On écoute des journalistes de l’époque complètement barrés comme Alain Pacadis et on se laisse subjuguer par les œuvres géantes représentant des femmes de Raymonde Arcier.
Marie France, mascotte des mouvements révolutionnaires
Marie France, connue pour son clin d’œil fatal, incarne l’affiche de l’exposition. “Elle a connu tout le monde : de Copi à Gainsbourg en passant par Jean Eustache, c’était un visage important du monde de la nuit”, précise François Piron. Muse d’artistes comme Pierre et Gilles, comédienne de théâtre, elle touche à tout avec légèreté.
“Dans les années 70, j’ai été la mascotte de mouvements très révolutionnaires chez les femmes, comme chez les homosexuels.”
“Marie France était au départ un homme et a pu vivre le changement de sexe”, explique-t-elle en parlant d’elle-même à la troisième personne lors de l’inauguration de l’exposition.
L’histoire de l’art des opprimés
“Je voulais raconter une autre histoire que l’histoire de l’art qu’on nous raconte”, explique François Piron, commissaire de l’exposition. Cette autre histoire prend en compte les lieux oubliés de l’Histoire, les prisons et les banlieues. On est loin de l’histoire de l’art que la France aime à se raconter. Au cours des années 1970, la France assiste à l’arrivée du chômage de masse et les banlieues changent d’image, c’est la ghettoïsation des “cités-dortoirs” et des émeutes naissent.
Tout un sentiment anti-police et plus généralement anti-autorité… que retrace avec brio l’exposition.
L’exposition “L’esprit français. Contre-cultures, 1969-1989” se déroule du 24 février juqu’au 21 mai 2017 à la Maison Rouge. Plus d’informations sur le site de la Maison Rouge.