Frappé par sa prestation dans le brut et merveilleux Shéhérazade, en salles le 5 septembre, on a rencontré l’envoûtant Dylan Robert, jeune caïd qui renaît de ses cendres, mordu par le cinéma.
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“Avant de faire ce film, j’avais des idées très noires. La télé, les jouets, ce n’était pas mon truc.” Dylan Robert vient de fêter sa majorité et le premier jour du reste de sa vie. Attablée dans un café du 16e, entre deux émissions de Radio France, je l’écoute me raconter sa remarquable ascension, d’un quartier chaud du 3e arrondissement de Marseille, au Festival de Cannes, en passant par la case prison.
Ce millennial pas comme les autres commence par m’avouer qu’il ne connaît pas très bien les médias, le cinéma en tant qu’art, les costards… et ne maîtrise pas encore également l’exercice des interviews. Mais j’ai confiance dans le franc-parler et l’impudeur de cette jeune révélation.
Dylan Robert, ado cash au visage abîmé, est sorti de prison le 10 mars dernier. Entre ses deux incarcérations, il a traversé une sale période, fait un film et est sorti du trou. Comme de nombreux jeunes délinquants, il avait juste besoin d’un peu d’aide pour calmer sa colère. Derrière lui, sa mère – avec qui il dormait dans le même lit jusqu’à ses 16 ans – qui lui a dégoté son premier rôle et, évidemment, Jean-Bernard Marlin, le cinéaste de Shéhérazade qui lui a fait découvrir le métier d’acteur, sa nouvelle vocation.
Une pépite de La Fémis
Le metteur en scène, qui signe son premier long-métrage à 38 ans, est diplômé de La Fémis, après y avoir suivi le parcours “scénario”. Nommé au César du meilleur court-métrage en 2013, il prend sous son aile cet apprenti comédien, lui enseigne le jeu, avant même de se pencher sur le scénario. Complètement formé, Dylan a même été suivi par un orthophoniste pour améliorer son expression orale. Les dialogues ont d’ailleurs été réenregistrés en post-prod :
“Je n’arrivais pas à quitter le langage de la cité. Quand j’essayais, j’avais vraiment un problème d’articulation. Comme la cité me comprenait très bien, je ne me posais pas la question. En travaillant ces petits détails, ma personnalité a fini par changer. Je me suis vraiment remis en question. J’étais un petit con. Je voulais être un canaletto, ça veut dire être un vatos (un dur) : je me suis même tatoué sur le cœur ‘vatos un jour, vatos toujours‘” (Rires)
“Tu as les pieds sur terre mais tu n’es plus de ce monde”
Depuis sa cité au tapis rouge, puisque le film a été présenté à la Semaine de la Critique, Dylan a été confronté à un monde qu’il ne connaissait pas :
“La ville de Cannes ? Pour moi c’est comme Dubaï : une ville de riches. Mais c’était magique d’être de l’autre côté de la barrière où tu ne fais plus partie du public. Tu as les pieds sur terre mais tu n’es plus de ce monde.”
Finalement, le personnage que joue Dylan dans Shéhérazade lui ressemble sur bien des aspects. Comme dans le film, il est sorti de prison avant d’y retourner, juste après le tournage, “parce qu’il avait encore des choses à payer après le film”. Incarcéré deux fois, peu de temps mais juste assez pour comprendre le sens de la vie, la seule chose qu’il veut, désormais, c’est vivre simplement :
“Je veux fumer mon joint le soir, après avoir vu et vécu de belles choses toute la journée. Je vis tous les jours comme si c’était le dernier parce que quand t’as connu la prison… (il s’arrête.) La prison noircit ton âme. T’as qu’une envie, c’est de sortir. Et vivre.”
Derrière les barreaux, c’était l’ennui total. Surtout la deuxième fois, après avoir goûté aux plateaux de cinémas et à l’énergie de l’équipe d’un film. Les autres prisonniers le regardaient d’un mauvais œil, à cause de ce statut de “vedette de cinéma”. Reclus dans sa cellule, il était face à cette bande rivale et jalouse, mais aussi avec sa conscience et l’impression de revivre toujours le même jour.
Jusqu’au 10 mars dernier, il était plongé dans un ennui profond, à méditer sur ses actes face à un mur. Libre, il a ensuite pu attaquer la promo du film en repensant à ses proches :
“Mes amis n’ont pas fait de film, pourtant ils ont fait la même chose que moi. Eux, ils ont pris 10 ans. Mes frères, mes potos, c’est toujours les mêmes depuis que je suis tout petit. À cette heure-ci, ce sont eux qui me font voir le vrai côté des choses. Leur opinion de moi est restée la même qu’avant. C’est vraiment mon oxygène. “