En novembre dernier, Adèle Haenel accusait Christophe Ruggia de harcèlement sexuel et d’attouchements à l’issue d’une grande enquête lancée par Mediapart. Depuis son puissant témoignage, l’actrice s’était faite très discrète.
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Mais à quelques jours de la cérémonie des César, où la nomination du réalisateur Roman Polanski dans douze catégories a suscité une vive polémique qui a conduit à la démission en bloc de la direction de l’Académie, Adèle Haenel a décidé de s’exprimer dans les colonnes du New York Times.
#MeToo en France : un véritable paradoxe
Interrogée sur le mouvement #MeToo, l’actrice reconnaît que son témoignage a pu bénéficier d’une telle réception médiatique grâce au travail de réflexion entamé par la société française au sujet de #MeToo.
“J’ai reçu énormément de lettres manuscrites, de messages, de mails, majoritairement de femmes, mais aussi de garçons, victimes ou non, qui avaient été touchés par le témoignage, et qui m’ont fait réaliser le manque de récits médiatiques de victimes de violences sexuelles en France.”
Mais elle pointe également du doigt un véritable paradoxe. Malgré le fait que le mouvement ait infusé les esprits et les discussions, “la France a complètement raté le coche” de #MeToo, parasité notamment par le débat autour de la liberté d’importuner, regrette l’actrice.
Un manque de moyens
Adèle Haenel profite également de cette interview pour dénoncer la lenteur du gouvernement sur les questions de justice face aux agressions sexuelles.
Bien qu’Emmanuel Macron ait fait de l’égalité femmes-hommes la “grande cause du quinquennat”, “la lenteur de la réactivité du gouvernement face au phénomène #MeToo laisse penser que les pouvoirs publics tolèrent une marge de violence sur les femmes“, dénonce-t-elle.
Le cas des César
À l’approche des César, où elle est nommée dans la catégorie meilleure actrice aux côtés de sa partenaire de jeu Noémie Merlant pour Portrait de la jeune fille en feu, Adèle Haenel met en garde l’Académie qui a choisi de nommer le réalisateur accusé de viol sur mineure dans la majorité des catégories.
“Distinguer Polanski, c’est cracher au visage de toutes les victimes. Ça veut dire, ‘ce n’est pas si grave de violer des femmes’.”
Elle profite également de cette tribune pour adresser une petit pique au cinéma français et au manque de diversité dans ses représentations.
C’est cette absence de diversité qui était d’ailleurs à l’origine de la tribune parue dans Le Monde signée par 400 personnalités du cinéma, dont Céline Sciamma, la réalisatrice de Portrait de la jeune fille en feu.
“Et les hommes riches, blancs, rassurez-vous : vous possédez tous les moyens de communication“, a conclu Adèle Haenel.