Pologne : l’Insurrection de Varsovie est-elle “pop” ?

Pologne : l’Insurrection de Varsovie est-elle “pop” ?

L’insurrection de Varsovie : un “mythe pop-culturel” ?

Le visage de Mickey accroche pas mal le regard, déjà parce qu’il est symbolique – tout le monde le connait et il n’y a pas besoin d’explication pour le nommer, mais aussi par le contraste entre la photo d’archive, en noir et blanc avec la main clairement armée.

À voir aussi sur Konbini

Par ailleurs, elle remarque que “l’annonce de ce sujet assez sérieux de l’histoire polonaise associé à l’imagerie Disney est surprenante. L’utilisation de la couleur rouge est intéressante, en ce qu’elle renvoie tout autant à l’idée du sang qu’à l’idée de la pop culture”. 
Selon Charles Hubert, Français installé à Varsovie, l’idéalisation de l’insurrection de Varsovie par la culture polonaise a été introduite par des films réalisés après la Seconde Guerre Mondiale :

Les grandes œuvres liées à l’insurrection (films surtout) sont assez anciennes : Ils aimaient la vie Andrzej Wajda date de 1957, et la série télévisée Kolumbowie de Janusz Morgenstern date de 1970, les auteurs ont eu un lien plus ou moins fort avec l’insurrection, et ont pu idéaliser le combat.

Il émet cependant une réserve : “Les films en question n’hésitent pas à montrer des scènes de viols et de massacres. On est loin de Disney et de la culture de masse aseptisée.”

Les insurgés polonais, ces rock stars du Club des 27

Traumatisés par l’insurrection, certains artistes polonais ont cherché à réécrire les lignes de leur passé conflictuel avec l’Allemagne. A contre-courant des essais historiques, ces derniers dressent le portrait utopiste d’une génération de Polonais.
Dans les romans et les films actuels sur l’insurrection de 1944, les insurgés sont décrits comme des “super-héros plutôt que comme des personnes désespérées” d’après l’hebdomadaire polonais.
Le mythe pop-culturel polonais se caractérise donc par une promiscuité évidente entre la jeunesse et la mort :

Commençons à absorber la version “pop” de ce soulèvement. Cette version se doit d’être à propos de l’amour, et si elle concerne la mort, alors elle se doit d’être belle. Prenez par exemple la vidéo “Let’s Go Into The Night” de Marika & Maleo Reggae Rockers, extraite de l’album “Mighty Ladies”. On y voit des jeunes “EMO” perdus dans la ville, seuls. C’est l’histoire d’une jeunesse idéalisée, relève l’hebdomadaire.

[iframe src= “http://prod-3.konbini.com/embed/culture-fr-marika-maleo-reggae-rockers-idziemy-w-noc-morowe-panny” width=”620″ height=”349″]
L’hebdomadaire fait de surcroît un parallèle entre les rocks stars du Club des 27 morts prématurément (Jimi Hendrix, Kurt Cobain ou encore Amy Winehouse) et les insurgés polonais. Ils sont tous “jeunes, beaux, amoureux et meurent prématurément”. C’est ce qui leur confère une dimension légendaire.
L’hebdomadaire poursuit le fil de son raisonnement en citant l’écrivain polonais Baczynski :

À la lecture d’un poème de Krzysztof Kamil Baczynski le jeune homme prend conscience de sa mort imminente. Celle-ci s’affiche en couleurs pastels. On n’est pas face aux phrases cassées de l’assassin du livre “Journal du soulèvement de Varsovie”, qui fait sentir au lecteur la violence, la peur, les blessures ouvertes ou les morceaux de corps lacérés dans la cour.

Un “mythe pop-culturel” controversé :

Si la culture reste un remède idéal pour se libérer du poids du passé, les conséquences de l’insurrection, désastreuses, sont bien réelles : 250 000 Polonais (majoritairement des civils) et 8000 soldats allemands y trouvèrent la mort. C’est face à la réalité de l’Histoire que le « mythe pop culturel » atteint ses limites.
Ainsi, bien qu’idéalisée par la culture polonaise, l’insurrection reste l’évènement le plus dramatique de l’histoire moderne de la Pologne. L’hebdomadaire Wprost ajoute :

C’est une révolte qui s’est terminée en massacre et n’a pas atteint son objectif, comme les soulèvements de Kościuszko en 1794, celui de novembre 1830, ou de janvier 1863. Et tout comme ces autres insurrections, elle perpétue la tradition du héros romantique, sacré et détaché de la réalité. Un héros qui ne connait ni la peur ni le sexe.

Par ailleurs, Charles Hubert note que le lien entre super-héros et l’insurrection de Varsovie n’est pas toujours évident :

On a déjà vu récemment des films remettre à plat l’histoire telle qu’habituellement vue par les Polonais. Par exemple, le film Pokłosie va à contre-courant du mythe des Polonais comme perpétuelles victimes innocentes et remet le massacre de Jedwabne au centre des débats.

Et de conclure :

Je ne suis pas certain qu’on puisse comparer Disneyland et le Musée de l’Insurrection. Le rapport à l’insurrection est peut-être exagéré (fresques murales en ville, T-shirt « Insurrection » et autres joyeusetés) face au bilan final de l’insurrection (échec militaire, politique, humain et culturel).