Le crayon de Plantu a une nouvelle fois dérapé en se détournant du sujet ciblé, la mode islamique, pour dessiner une analogie entre islam et terrorisme.
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La mode islamique est un marché en pleine expansion, dont le potentiel financier attire de nombreuses marques : H&M, en premier lieu, suivie plus récemment d’Uniqlo et sa collection de hijabs, et de Marks & Spencer, qui lance un maillot de bain intégral (le burkini) pour les femmes musulmanes. Dolce & Gabbana lançait quant à elle au début du mois de janvier 2016 sa ligne Abaya, du nom de robes traditionnelles.
C’est cette dernière marque que vise Plantu dans un dessin publié ce mercredi 30 mars 2016 sur son Twitter. Mais, à défaut de railler la tendance par la satire, le dessinateur de presse de 65 ans se détourne du sujet pour s’autoriser un hors-piste regrettable. Deux femmes voilées sont mises en scène avec, à leurs côtés, le visage d’une jeune femme désemparée, cheveux et larmes au vent.
Le message qui accompagne la ceinture d’explosifs dont est équipée l’une des dames : “Dolce & Gabbana lance une collection de hidjabs… À quand la fashion ceinture ?” Soit une analogie entre femmes voilées et terrorisme, pour un message teinté d’islamophobie.
Certes, la liberté d’expression est plus importante que jamais. On peut rire de tout, mais certaines sorties de route méritent d’être remises entre deux fossés.
Un sujet qui fait débat
La mode islamique, sujet que le dessin aborde sans le commenter, est un mouvement qui soulève le débat : d’un côté, il y a ceux qui s’y opposent, certains d’entre eux ciblant non sans dérapages une machine à fric qui n’a pas à “enfermer les femmes dans des voiles, comme des prisons“.
Ces mots sont de Pierre Bergé, président de la Fondation Bergé-Saint Laurent et actionnaire du groupe La Vie-Le Monde, qui ose dire ne pas comprendre “pourquoi on va vers cette religion, ses habitudes, ses mœurs absolument incompatibles avec celles de la liberté qui sont les nôtres, occidentaux”. Des propos déplacés qui ne font rien d’autre qu’enfermer une religion dans une cage, pendant qu’H&M déclare que ses “collections permettent à chacun d’habiller sa personnalité mais n’encouragent pas un choix de mode de vie en particulier”.
De l’autre côté, il y a ceux qui défendent la liberté de création, et surtout la liberté des femmes musulmanes, de s’habiller d’un voile. Et qui plus est de recevoir l’offre de marques de prêt-à-porter (attirées par un marché fructueux), comme n’importe quelle femme consulterait un catalogue de mode pour se vêtir librement en fonction de sa culture vestimentaire. Pour ce qui est de la question du voile dans la religion, c’est un tout autre débat.
Comment peut-on en venir à s’égarer autant en bifurquant sur un sujet tout autre comme le voile dans l’islam ? Avec, qui plus est des comparaisons et des termes qui n’ont pas lieu d’être. De la même manière que les derniers propos de notre ministre des Droits des femmes, Laurence Rossignol, qui comparait, ce matin au micro de RMC, les femmes choisissant de porter le voile aux “nègres qui étaient pour l’esclavage” ; accusant au passage certaines marques de participer à l‘”enfermement du corps des femmes”.
Plantu, quant à lui, arrive à détourner une critique du sujet vers une comparaison entre islam, représenté par deux femmes voilées, et terrorisme. Un rapprochement difficile à digérer. Des coups de crayon pour le coup indéfendables, qui ont naturellement suscité l’indignation et l’ire des internautes.
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Les femmes voilées ne sont pas des kamikazes potentielles
Si la satire, du latin satira, se définit par un “écrit, un propos, une œuvre par lesquels on raille ou on critique vivement quelqu’un ou quelque chose”, ici, le dessinateur de presse fait passer des pensées quelque peu effarantes.
Et on ne peut pas se permettre d’automatiquement balayer la poussière d’un propos raciste sous le tapis de la caricature. Une liberté d’expression qui se couvre ici d’un voile sombre dissimulant un message stigmatisant, qui renforce une vague d’amalgames déjà bien alimentée en ce moment par certains représentants politiques.
Donc non, Plantu : les femmes voilées ne sont pas des kamikazes potentielles, les musulman(e)s qui se respectent ne sont pas des terroristes, et les terroristes ne sont pas des musulman(e)s qui se respectent. Et non, Plantu, ton devoir, qui se veut pointu, responsable et décrypteur d’une actualité incessante, n’est pas rempli. Tu dois pourtant le savoir, toi qui, défenseur de la caricature et dessinateur reconnu, es doté d’un bagage conséquent dans le monde du dessin de presse.
Toi, le pacifiste, militant pour la paix israélo-palestinienne, qui est devenu, au fil des années, une référence dans ton domaine. Un dessinateur dont l’œuvre est étudiée à l’école, à la responsabilité et à l’influence si importantes qu’il ne peut se permettre une telle polémique à défaut de se faire remarquer pour son talent, pour son engagement. Et ce n’est pas la première fois Plantu, malheureusement. Ni la deuxième fois. Ni la troisième…
Au regard d’une main aussi imposante, au coup de crayon pesé avant d’être publié dans un journal national de référence, Plantu ne peut être défendu sous couvert de maladresse, d’égarement ou d’ironie. Bien que la liberté d’expression permette parfois à certaines personnes de diffuser des messages qui s’écartent de leurs valeurs.