La photographe Erica Simone questionne la notion de la nudité en recréant des scènes de la vie quotidienne dans les rues de New York… sans vêtements.
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La série “Nue York” d’Erica Simone dans laquelle la photographe se promène dans la Grande Pomme en tenue d’Ève, a été récemment exposée à la galerie new-yorkaise Castle Fitzjohns.
Le but de la photographe ? Étudier la fonction des vêtements dans nos sociétés contemporaines. On la retrouve ainsi complètement nue dans des activités aussi banales que faire du shopping, déblayer la neige, prendre le métro ou réaliser un selfie.
L’artiste s’est confiée à Konbini et nous aide à mieux comprendre la portée de ce projet qui la passionne.
Konbini | Ce projet t’a-t-il libérée sur un plan personnel ?
Erica Simone | Ce projet m’a apporté énormément sur de nombreux plans ! Avant de me lancer dans ces photos, je ne me sentais vraiment pas à l’aise avec la nudité en public.
Je ne suis pas de nature exhibitionniste. Et cela m’a demandé beaucoup d’efforts et de conviction pour me lancer. Mais le temps passant, j’ai fini par ne plus avoir aucun problème à me déshabiller en public. C’est l’habitude je pense.
C’est en ce sens que ce projet a été extrêmement libérateur. Ne plus prêter attention au fait d’être observée ou à l’opinion des gens. Ça a été une expérience très enrichissante et épanouissante.
Comment un projet personnel comme “Nue York” est-il devenu un livre puis une exposition à la galerie Castle Fitzjohns ?
J’ai toujours eu en tête d’en faire un livre. Mais j’avais besoin de beaucoup de photos si je voulais vraiment raconter une histoire. Une fois que j’en ai eu soixante, je me suis dit qu’il était temps de me lancer.
Le livre m’a demandé une année entière, durant laquelle j’ai investi beaucoup de temps et d’argent. Je voulais donc fêter sa sortie en exposant des photos que personne n’avait encore jamais vues. Une amie à moi, Monica Watkins, m’a mise en relation avec la galerie Castle Fitzjohns et, de fil en aiguille, les choses ont pris forme.
Comment faisais-tu d’un point de vue logistique ? Tu étais accompagnée par une petite équipe, tu as utilisé différents appareils, fait des repérages, privilégié certaines périodes de l’année, etc. ?
En fait, je ne travaillais pas avec beaucoup de moyens. En gros, j’avais avec moi un ami ou un assistant, un appareil et un trépied. On se promenait et on repérait des endroits. Parfois, nous devions quand même planifier les choses. Si la séance se passait à l’intérieur, par exemple. Mais la plupart du temps, les choses se faisaient spontanément. Une fois l’endroit stratégique trouvé, je plaçais l’appareil sur le trépied et j’enclenchais le retardateur. Tout se jouait alors au timing. Il fallait que je me déshabille et que je me place devant l’objectif pour que l’appareil puisse prendre un maximum de photos.
On sait qu’il en faut beaucoup pour choquer un New-Yorkais mais, par curiosité, comment les gens réagissaient-ils ? As-tu des anecdotes marquantes?
Pour être honnête, la plupart des New-Yorkais ne me remarquaient même pas. Ils étaient obnubilés par leur smartphone ou absorbés par leurs pensées… Mais quand les gens me remarquaient, ils rigolaient ou applaudissaient. Personne n’a eu l’air choqué.
À New York, vous pouvez croiser un fou à chaque coin de rue. Alors qu’est-ce que ça peut faire qu’une fille se promène à poil pour se prendre en photo ? En fait, les gens qui voient les photos sont souvent plus choqués que ceux qui ont réellement vécu la scène.
Quel accueil ont reçu tes images sur les réseaux sociaux?
Ce projet a été très médiatisé et largement commenté. Je pense que la nudité, en public tout particulièrement, reste un sujet sensible sur lequel chacun veut faire entendre sa voix.
Je suis contente que “Nue York” ait ouvert un dialogue dans de nombreuses communautés du Web. Que les gens aiment ou non, ce n’est pas réellement ça l’important. Ce qui compte, c’est la réflexion qui en découle.
Ce que je veux à travers ce projet, c’est qu’en nous voyant, les gens prennent conscience qu’il y d’autres manières de s’exprimer. Les vêtements en disent long sur ceux qui les portent. Et je trouve intéressant de se demander comment les humains interagiraient s’ils vivaient nus.
Traduit de l’anglais par Erika Lombart