Un nombre grandissant d’études scientifiques montrent l’impact de la précarité sur la santé des enfants, notamment sur leurs capacités cognitives.
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En 2017, le monde compte 385 millions d’enfants vivant dans un état “d’extrême pauvreté” – soit, selon le rapport de l’Unicef qui établit cette statistique, autant d’enfants vivant avec moins de 1,90 dollar par jour. Et si les proportions d’enfants touchés par la misère sont plus importantes dans les pays en développement qu’en Occident, le fléau reste présent absolument partout : en France, 3 millions de mineurs vivraient ainsi sous le seuil de pauvreté, soit 1 sur 5.
Au-delà des effets évidents sur la santé au quotidien ( les risques de mortalité infantile, soit avant 5 ans, sont deux fois plus élevés chez les enfants des foyers les plus pauvres), les difficultés matérielles ont une autre conséquence, plus profonde et bien plus néfaste : elles affectent le développement du cerveau humain. Difficile, pourtant, d’établir précisément un lien entre statut socio-économique (SES) et évolution des capacités cognitives, intellectuelles et émotionnelles. Du moins jusqu’à ce que les neurosciences entrent en scène.
L’histoire de ce champ de recherche, magistralement retracée par les journalistes Pascale Santi et Sandrine Cabut du Monde, est aussi récente que chaotique, tant le sujet est délicat. Pourtant, ces dernières années, des résultats tangibles sont apparus, et les “neurosciences de la pauvreté” se solidifient progressivement dans le ciment de la légitimité scientifique. La dernière étude d’importance, publiée en 2015 dans Nature par une équipe canadienne, montrait ainsi que la pauvreté avait un impact sur le développement prénatal du cerveau, notamment sur les zones liées au langage ou à la prise de décision. Et c’est loin d’être la seule étude.
Un impact sur le volume de matière grise
En 2013, rappelle Le Monde, le chercheur américain Seth Pollak étudiait 77 enfants de 4 mois à 5 ans, divisés en trois groupes de SES, avant de publier ses résultats dans la revue Plos One : les enfants issus de SES “bas” présentaient des diminutions du volume de matière grise dans les lobes frontaux et pariétaux, avec des différences exponentielles à mesure de la croissance. En 2015, enfin, une étude publiée dans Nature Neuroscience effectuée sur un millier de jeunes de 3 à 20 ans montrait une relation claire entre le SES et la surface du cortex, particulièrement dans les zones du langage et de la lecture. Et ces résultats ne forment qu’une petite partie du corpus de données neuroscientifiques accumulées ces dix dernières années.
Pourtant, le sujet continue d’être délicat, comme en témoigne le scepticisme d’une partie de la communauté scientifique : des chercheurs de Stanford affirment ainsi, dans la revue scientifique Developmental Cognitive Neuroscience, que “les différences de structure observées dans les régions supportant le langage n’indiquent pas nécessairement des différences sur les habiletés neurocognitives”.
Les “neurosciences de la pauvreté” ont donc beaucoup de travail devant elles, le premier d’entre eux étant d’identifier tous les paramètres relatifs à la pauvreté capables d’influencer le développement du cerveau de l’enfant – en bref : le niveau d’études des parents, le régime alimentaire, l’exposition au stress, la pollution atmosphérique et bien d’autres facteurs. L’essentiel, néanmoins, est là : la preuve, à l’irréfutabilité grandissante, que les séquelles de la pauvreté sont bien plus profondes qu’on ne l’imaginait.