La tour Eiffel partout, Paris nulle part.
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Des Vélib’, de magnifiques musées où des gens rient et s’émerveillent d’une culture faite de tableaux de grands maîtres, la tour Eiffel en arrière-plan comme un placement de produit visuel, des images de la place de la République avec quelques skateurs qui rentrent un trick au ralenti, les murs de la fondation Louis-Vuitton, des gamins qui dansent sur les toits de Paris, l’Arc de Triomphe, l’avenue déserte des Champs-Élysées, des selfies près de la pyramide du Louvre, un drone qui survole le 16e arrondissement ou encore les buttes de Montmartre et son imposante basilique du Sacré-Cœur.
On danse, on est heureux, on s’embrasse dans une 2CV, on se dirige vers des défilés, on marche sur des ponts, on boit et on discute sur les quais. Notre-Dame n’est pas très loin, les marques de luxe sont représentées, tout comme la gastronomie française, alors que le soleil se couche. Et le final : David Guetta, digne représentant de la musique française, accompagné d’un feu d’artifice monstrueux explosant au-dessus de… la tour Eiffel.
Non, ce n’est pas la dernière publicité de Kenzo avec Robert Pattinson et Natalie Portman qui finissent sur la grande dame de fer pour mieux surplomber Paris. Il s’agit bel et bien d’un élément de communication produit par la mairie de Paris et réalisée par le cinéaste français Jalil Lespert, avec une apparition d’Anne Hidalgo, sur la musique “Just Need Your Love” des Niçois de Hyphen Hyphen. L’intention est louable : rendre à nouveau la capitale attractive, près d’un an après les attentats du 13 novembre.
Cette vidéo, intitulée Paris, je t’aime, publiée sur Facebook et bientôt disponible dans les avions Air France, dans les hôtels Accor et aux Galeries Lafayette, donne une vision biaisée et surréaliste de la capitale française. Si le propos est rationnellement compréhensible, soit attirer des touristes alors que les chiffres 2016 sont mauvais – avec une chute, à Paris, de 10 % des nuitées réservées sur les premiers mois de l’année 2016 et une diminution des visiteurs japonais de l’ordre de 56 % –, l’image donnée est terriblement cliché.
En chiffres, voilà ce que donne la vidéo :
- 17 plans de la tour Eiffel
- 3 défilés de mode
- 1 restaurant gastronomique
- 1 canal (Saint-Martin)
- 1 cathédrale (Notre-Dame)
- 1 2CV
- 2 places (République et Opéra)
- 1 Vélib’
- 13 plans de musées (Louvre et Grand Palais notamment)
- 1 basilique (Sacré-Cœur)
- 3 avenues vides de voitures (dont les Champs-Élysées)
Un Paris coincé dans ses monuments
“On avait besoin d’un beau film féerique, esthétique, qui provoque le désir de Paris. Car il existe une dimension irrationnelle dans le choix d’une destination.”
Voilà ce qu’a déclaré au Parisien Jean-François Martins, adjoint au tourisme de la mairie de Paris, lors de la présentation de ce clip sur pattes qui fait de la capitale une ville-musée, fermée sur elle-même et ses quais, propice à une créativité cliché attribuée classiquement à la France (mode, gastronomie, danse, théâtre). Dans Paris, je t’aime, Paris ne se résume qu’à quelques arrondissement triés sur le volet, du 16e au quartier du Marais, tous cités pour mieux revendiquer la richesse des monuments de la cité et de son patrimoine culturel – vieillissant.
Si le skate, en une rapide image de soirée, laisse entendre que Paris inclut aussi une partie de la jeunesse, n’essayez pas de trouver des références au sud de Paris (le 13e et son amour revendiqué pour le street art) comme aux quartiers vivants du 18e, ou encore à des initiatives culturelles (dans le 19e avec le 104), pour ne citer qu’eux, elles n’y seront pas.
Oui, la mairie de Paris entend faire savoir au monde entier que la capitale française est toujours une fête. Le problème, c’est que cette “fête” semble coincée dans les carcans poussiéreux d’un imaginaire collectif limité à des monuments et des images d’Épinal. Alors qu’il y a un autre Paris, plus moderne, plus vivant, moins consensuel, et tout aussi attirant et créatif. D’ailleurs, La Place, un nouveau centre culturel centré sur le hip-hop, va bientôt ouvrir.