Dîner, cadeaux… Petit guide de survie pour affronter Noël

Dîner, cadeaux… Petit guide de survie pour affronter Noël

La période des fêtes n’est pas seulement synonyme de champagne et d’explosions de joie. Judith Duportail a la solution pour vous aider à aborder ces quelques jours en toute sérénité.

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Tout a commencé un matin de décembre, alors qu’il faisait encore nuit, que ton nez coulait mais que tu n’avais pas de mouchoir et que tu sentais le goût de ta morve sur ta lèvre supérieure. Le fil qui maintenait liées tes deux moufles était emmêlé dans ton dos et te coupait la circulation si tu tendais le bras droit en entier, alors tu le gardais légèrement plié et du coup la bretelle de ton cartable n’arrêtait pas de tomber et tu la remettais, la remettais encore.

Tu avançais du coup façon pantin désarticulé, légèrement penché sur la gauche pour ne pas que la bretelle tombe, t’avais mal au cou, ta bataille était perdue d’avance. C’est à cet instant, alors que tu étais déjà vulnérable, que ton monde a basculé :

“Bah évidemment qu’il existe pas le Père Noël, ce sont les parents !”

Tu t’es pris cette phrase en pleine tronche par ce grand de CE1, et là ce fut un baptême pour toi, un baptême de tout à la fois. La honte de pas savoir ce que tout le monde semblait savoir vu comment ils rigolaient autour, la désillusion, la fin d’un mythe, l’embryon d’une remise en question de la parole toute-puissante de tes parents puisqu’ils t’avaient raconté n’importe quoi.

Ça s’appelait grandir, ça avait le goût de la morve et ce n’était pas sans raison. Maintenant qu’on est pas loin d’être vieux, qu’on a digéré cette désillusion, ce n’est pas pour autant que Noël est moins une épreuve.

Ça commence avec l’achat des cadeaux. Comment mieux prendre conscience de son égocentrisme délirant qu’en se rendant compte, année après année, qu’on est bien incapable de savoir ce dont les personnes qui nous sont le plus chères ont envie ? Ces gens qui nous ont élevés, ces gens avec qui on passe nos week-ends, nos pause déj et pour certains nos nuits, qu’aiment-ils ? De quoi ont-ils besoin ?

Nostalgie d’une enfance idéalisée

Il faut l’entendre ce vide qui résonne dans nos têtes au moment de se poser ces questions. Il faut l’assumer de se pointer le 24 avec des chèques-cadeaux à offrir. Car comment mieux crier au monde “Je ne suis qu’un monstre de vacuité, je ne suis qu’un misérable égo sur pattes” qu’en offrant des chèques-cadeaux ?

Mais ce n’est rien, rien, à côté du sacerdoce du 24. Déjà parce qu’on y arrive tout gonflé d’attentes irréalistes, comme tes joues après deux semaines de traitement à la cortisone. Biberonné par la pression médiatique et les 14 fois où tu as maté Love actually tu t’attends à retrouver une famille unie, heureuse, bienveillante et toute simple.

T’es tout nostalgique d’une version idéalisée de ton enfance, t’aurais envie de mettre un noeud papillon à ton chien et d’instagrammer ton père à côté du sapin. Les tiens dans la vraie vie ils sont là, fidèles à eux-mêmes, à patauger dans leurs névroses comme des canards dans une mare, accentuées comme les tiennes par les années qui passent et le pinard qu’ils ont descendu. Et ton clébard a une putain de collerette pour pas qu’il gratte ses puces.

Noël réunit les familles à large spectre. Te voilà donc contraint de répondre à la question toute aussi anodine que cruelle : “Comment ça va toi ? Quoi de neuf de ton côte ?”, au sombre mec de ta cousine issue-germaine. Je ne parle pas ici des gens qui t’aiment vraiment, qui t’écoutent quand ils te demandent comment tu vas, avec qui tu fais péter les masques sans honte. Nan.

Je te parle des autres. Ceux avec qui tu as l’impression à chaque fois qu’ils te posent une question de passer chaque année une interro sur ta vie. Que la personne te décerne des notes sur ton évolution dans ta carrière, tes fringues, ton corps, ta vie sentimentale. Qu’elle scanne dans ton discours les failles pour mieux s’y engouffrer.

L’angoisse des retrouvailles imposées

Rassure-toi, ce n’est pas toi le problème. Tout le monde y passe. Pense à ce petit couple qu’essaie de faire un môme depuis 15 plombes à qui Tonton bourré vient de dire avec l’oeil vicelard pour la 40ème fois “Bah alors toujours pas de bébé ? Vous savez plus comment on fait ?”

Ou ceux qui ont eu le malheur de gagner un peu plus de tune que les autres cette année auprès de qui belle-mamie multiplie les appels du pieds pour que ce soit eux qui payent toutes les courses. “Ah bah tu peux quand même te le permettre, hein, hein avec ce que tu gagnes !” Cette meuf qui répond à tous ces mails pro fissa le 24 parce qu’elle culpabilise d’avoir des enfants pendant que sa grand-mère la fait culpabiliser de répondre à ses mails et de pas s’occuper de ses enfants.

Alors prends le pouvoir. Deviens le grand de CE1. Dans un premier temps, lâches-toi. Noie-les sous les détails. Sois précis. Sublime ta loose. Ne dis pas que tu es au chômage et que tu passes tes journées sur Netlfix. Nan nan, tu explores les formes narratives des nouveaux diffuseurs.

“Lis ‘Mein Kampf’ à haute voix, propose une partouze uro au mec de ta sœur”

T’as plus une tune ? Tu apprends à te libérer des faux besoins de notre société de consommation. Ta vie sentimentale se résume aux photos de bite que tu reçois sur Tinder ? Tu t’es mis au body art. T’as un journal intime ? Tu bosses sur un format court pour la télé. Ta meuf te trompe ? Tu te lances dans le poly-amour. T’es tellement obsédé par ton image que tu passes ta vie au Club Med Gym et voit plus personne ? T’as ouvert une chaîne fitness sur Youtube.

Puis picole et balance, dépasse tout. Dis à cette meuf qui a eu un bébé que tu vas lui refiler ton déguisement de Père noël, elle sera à l’aise dans le pantalon, vu la place pour le bide. Demande lui ensuite si tu peux goûter son lait. Dis à cette femme mariée devant son mec que tu l’as aperçue dans tel bar d’hôtel et que tu voulais pas la déranger car elle avait l’air occupée, même si c’est faux. Surtout si c’est faux, t’auras toujours instillé le doute.

Lis Mein Kampf à haute voix, pour “ne jamais oublier”. Propose une partouze uro au mec de ta sœur. Offre du porno aux enfants pour “leur apprendre”. Donne tout. Et l’année prochaine, tu passeras enfin Noël peinard à mater des séries. Enfin, à explorer les formes narratives des nouveaux diffuseurs.

Judith Duportail