Immersion à Guantanamo et gavage forcé
Il y a quelques mois, les détenus capturés par l’armée américaine lors de ses dernières interventions ont engagé une grève de la faim pour protester contre les conditions de détention et la profanation religieuse à Guantanamo. Mais dans cette prison – que le droit international ne reconnaît pas – cette grève est considérée comme un risque de débordement. La solution pour éviter tout “excès” ? Attacher les prisonniers et les gaver de force. C’est ce qu’indique un manuel d’instruction militaire qui a récemment fuité sur les procédures appliquées par les militaires américains de la prison de Guantanamo.
Le gavage forcé est une procédure d’une extrême brutalité, un véritable acte de torture que l’association de défense des droits de l’Homme Reprieve a tenu à dénoncer (pour rappel, c’est cette association qui avait révélé en 2006 dans le journal The Independant que 60 prisonniers avaient été capturés alors qu’ils étaient mineurs). Pour éveiller la conscience internationale aux scandales qui entourent le centre de détention, Reprieve a fait appel à Mos Def.
Le rappeur a accepté d’être filmé par le réalisateur Asif Kapadia en train de subir le même sort que les prisonniers gavés. Âmes sensibles s’abstenir.
À voir aussi sur Konbini
Le mal par le mal ?
À la veille du ramadan qui commence le 9 juillet et alors que les prisonniers protestaient contre les conditions d’incarcération et la profanation religieuse subies, cette procédure de gavage est une torture à double tranchant. Le gavage par voie nasale est d’une douleur sans nom. Le produit infiltre violemment le cerveau avant de se répartir dans le corps, une torture aussi insidieuse que lente. En effet, si la vidéo dure 4 minutes, le gavage a duré plus de 2 heures. Et dans la réalité, cela se passe 2 fois par jour.
Si la protestation s’entend, elle confirme la tendance – questionnable d’ailleurs- pratiquée par les campagnes de prévention à savoir la prise de conscience de la violence par la simulation de la violence. Mais la prévention par le choc est-elle systématiquement justifiée ? Est-il besoin de ces images pour savoir qu’il relève de l’essence même de la dignité humaine que d’être maître de son propre corps et que le gavage est une torture ?
Beaucoup semblent le croire et n’hésitent pas à jouer le crescendo d’images chocs pour toujours plus percuter. Entre la diffusion des morts de guerre et des viols récents sur la place Tahrir, cette réflexion nous traverse forcément à un moment ou à un autre : notre époque est-elle si anesthésiée pour être à l’affût de tant d’intensité ? C’est une question que l’on peut se poser…