En Belgique, l’euthanasie d’un mineur a été pratiquée récemment, soit deux ans et demi après la promulgation de la loi qui l’autorise. En France, la question de la fin de vie reste en partie taboue.
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C’est une première. D’après le journal belge (en flamand) Het Nieuwsblad, dans son édition du 17 septembre, un mineur a subi une euthanasie à sa demande en Belgique. Son nom, son âge, la date exacte, l’hôpital où cela s’est produit et le médecin qui a pratiqué l’acte sont des informations demeurées confidentielles. Le président de la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie, le professeur Wim Distelmans, a confirmé l’évènement au quotidien.
Tout ce qu’on sait de ce jeune homme est qu’il était atteint d’une maladie incurable, en phase terminale. La chaîne de télévision publique VRT croit savoir qu’il allait sur ses 18 ans (alors que Le Monde dit qu’il était âgé de 15 ans) et Het Nieuwblad qu’il était originaire de Flandre.
Premier cas en deux ans et demi
Depuis la modification de la loi sur l’euthanasie de 2002, en février 2014, l’euthanasie est autorisée en Belgique non seulement sur les personnes majeures, mais également sur les personnes mineures, sans seuil d’âge spécifique. Or, jusqu’ici, le royaume n’y avait encore jamais eu recours. Conscient de l’aspect polémique d’un tel acte, le professeur Distelmans a tenté de rassurer ses concitoyens dans la presse : si c’est le premier cas en deux ans et demi d’existence de la loi, c’est bien la preuve que les euthanasies sur mineurs ne seront pratiquées qu’en cas de circonstance exceptionnelle, sur des cas reconnus désespérés.
En 2015, il y a eu 2 000 euthanasies dans le pays, et il ne s’agit pas que de citoyens belges : d’après des médecins d’outre-Quiévrain qui s’expriment dans La Voix du Nord, de plus en plus de patients Français les contactent à cette fin.
“Situation médicale sans issue”
Pour que cet acte soit pratiqué, comme le relève France 3, le texte de loi belge précise que le mineur doit se “trouver dans une situation médicale sans issue entraînant le décès à brève échéance”, et être victime d’une “souffrance physique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui résulte d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable”.
Au demeurant, le mineur doit être conscient de ses actes et déclaré lucide, car l’initiative de la demande lui revient. Celle-ci est ensuite étudiée par une équipe médicale, puis un psychiatre ou psychologue indépendant. Ce n’est qu’ensuite que les parents de l’enfant ou adolescent doivent donner également leur autorisation.
Une loi controversée
Il aura fallu deux ans de débat législatif intense aux parlementaires belges pour autoriser l’euthanasie dite “active” (qui relève de la volonté du patient). La loi du 28 juin 2002, qui autorise “l’acte, pratiqué par un tiers, qui met intentionnellement fin à la vie d’une personne à la demande de celle-ci”, a donné lieu à de vives critiques, notamment de la part de réseaux catholiques.
Le cas Nathan Verhelst
Il y a trois ans, l’euthanasie de Nathan Verhelst, 44 ans, a ému la Belgique et ses voisins. Né femme, il a subi trois opérations de changement de sexe qui ont toutes échoué à faire de lui un homme. Son cas a été déclaré recevable, à la suite de la consultation de plusieurs spécialistes, et son euthanasie fut pratiquée le lundi 30 septembre 2013, dans un hôpital de Bruxelles.
Puisqu’il ne souffrait pas d’une maladie l’affectant physiquement à proprement parler mais d’une profonde dépression (son médecin parlait de “souffrances psychiques insupportables”), son cas a permis au camp anti-euthanasie de se faire entendre à nouveau. Ainsi, le professeur Étienne Montero, doyen de la faculté de droit de Namur avait déclaré dans les colonnes de La Croix :
“Le dispositif législatif belge permet de justifier presque toutes les situations d’euthanasie. La souffrance est une notion subjective et la notion de maladie grave est élastique”
En France, le mot “euthanasie” est un tabou…
En France, l’euthanasie telle que pratiquée en Belgique, ce n’est pas pour demain. Depuis le 27 janvier 2016, si l’aide active à mourir est formellement proscrite, les patients en fin de vie sur lesquels les anti-douleurs n’ont peu ou pas d’efficacité ont le choix de demander une “sédation profonde et continue”, en parallèle à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie, conduisant à la mort.
Jean Leonetti (LR), qui a planché sur ce texte de loi avec Alain Claeys (PS), appelle cette solution un “droit de dormir avant de mourir pour ne pas souffrir”. L’acte de donner la mort à un patient qui la réclame n’est donc toujours pas formellement autorisé. D’ailleurs, les mots “euthanasie” et “suicide assisté” ont été soigneusement évités lors des débats, signe du tabou qui règne sur ces termes.
Lors de la campagne de l’élection présidentielle de 2012, la promesse numéro 21 du candidat François Hollande évoquait déjà la fin de vie, admettant qu’elle devait être améliorée, mais sans aller jusqu’à l’autorisation de l’euthanasie :
“Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité.”
Pour l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), organisation dédiée au combat pour le choix dans la fin de vie en France, ce n’est encore pas assez. Jean-Luc Romero, président de l’ADMD et élu socialiste, réclame “la légalisation de l’euthanasie, du suicide assisté et de l’opposabilité réelle des directives anticipées, c’est-à-dire le respect de ce qui a été écrit lorsque le patient l’avait indiqué en ayant toute ses capacités et sa conscience”.
… alors que les Français y sont favorables
En France, on l’a vu avec le cas ubuesque de Vincent Lambert, la question de l’euthanasie déchaîne les passions, d’un bord politique comme de l’autre. Or, d’après les sondages, les citoyens français y sont très largement favorables.
D’après une enquête Ifop pour l’ADMD, dont les résultats ont été publiés fin octobre 2014, 96 % (!) des sondés se disent favorables à ce que les médecins soient autorisés, “à mettre fin, sans souffrance, à la vie de ces personnes atteintes de maladies insupportables et incurables si elles le demandent”. En 2012, un autre sondage montrait que 89 % des Français étaient déjà de cet avis.