Nombreux sont ceux qui fantasment d’aller un jour au festival Burning Man dans le désert du Nevada aux États-Unis. Malheureusement, nous n’avons pas tous ni le temps, ni l’argent pour nous y rendre. Plus proche, plus facile d’accès, le festival du Midburn s’appuie exactement sur les mêmes principes et se déroule dans le désert du Néguev en Israël.
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Depuis qu’il a été fondé à San Francisco en 1986, le célèbre festival du Burning Man qui accueille désormais plus de 70 000 “burners” a fait des petits. Plus de 65 festivals régionaux du Burning Man ont vu le jour un peu partout autour du monde. Si AfrikaBurn, qui se déroule en Afrique du Sud est le deuxième plus grand rassemblement de “burners” du monde, le Midburn, qui se déroule en Israël, arrive en top 3 sur la liste des plus populaires.
Créé il y a seulement trois ans, en 2014, le Midburn grandit à une allure exponentielle. Il accueillera cette année du 28 mai au 2 juin 2017 environ 10 000 personnes dans une ville éphémère plantée dans le désert israélien.
Intriguée et inspirée, j’ai décidé d’aller à la rencontre de ceux qui ont monté ce cousin du Burning Man.
Comment fait t-on pour monter en l’espace de trois ans un cousin prospère du Burning Man dans son propre pays ?
Il est midi, j’ai rendez-vous avec l’équipe du Midburn dans le quartier de Shapira à Tel Aviv. Ce quartier, vous ne le trouverez pas dans les guides, il abrite beaucoup de réfugiés africains. Mon taxi me dépose devant la “Redhouse”, un vieux bâtiment qui abrite des expositions ainsi que les bureaux du Midburn. C’est Itamar Cohen, l’un des fondateurs du Midburn avec qui j’ai échangé des mails qui me reçoit. Il est déguisé en dinosaure. “Viens, tu vas participer à la première réunion de l’année où tous les chefs de départements se rencontrent pour tout planifier”, m’explique-t-il.
10 000 festivaliers et seulement 3 salariés
Dans une salle, une trentaine de jeunes Israéliens se présentent. Ils décrivent chacun à leur tour leurs fonctions, tout en donnant aussi la couleur de leurs sous-vêtements. Certains s’occupent de l’électricité sur le festival, d’autres de l’organisation des camps à thèmes, de la propreté des lieux ou de la logistique. Nir Adan, le CEO donne les directives afin de s’organiser.
Mais ce qui m’épate véritablement, je dirais même ce qui m’en bouche carrément un coin, c’est quand on m’annonce qu’ici presque tout le monde est bénévole. Ces jeunes gens ont tous un job à côté et pourtant ils ont tous un rôle crucial au sein du Midburn, un rôle qui leur prend un temps fou (chaque chef de département gère ensuite des centaines d’autres bénévoles) et qui leur rapporte zéro centime. Le Midburn compte seulement 3 salariés pour un festival qui rassemble 10 000 personnes. Wow !
Car au Midburn, personne ne doit être un simple spectateur. Toute l’idéologie du festival repose sur la participation, la contribution et l’échange. Deux mots-clés : communauté et autonomie. La communauté est entièrement responsable de la construction et du bon déroulement de la ville éphémère qui va être construite dans le désert. Chaque participant est donc acteur du projet à part entière. Ici tout le monde s’improvise architecte, peintre, dessinateur, sculpteur, interprète, ingénieur…99,9 % des gens qui bossent pour le Midburn sont des volontaires. Je demande à Nir le CEO, comment est-ce qu’il a réussi cet exploit.
“Tout le monde peut devenir ce qui lui chante. Tu veux être un artiste ? Sois un artiste. Tu veux être un manager, alors sois un manager ! Ça m’est égal d’où tu viens et ce que tu as sur ton CV. Si tu en es capable, alors fais-le”
“Le modèle du Midburn est l’opposé du modèle des festivals classiques car l’équipe de production ne crée pas le contenu. Ce sont les participants qui l’amènent”, ajoute t-il en faisant allusion aux “Themes Camps”. Au Midburn, comme au Burning Man, pas de grande scène qui accueille des grandes stars. Ce sont les festivaliers qui proposent le contenu du Midburn en créant des camps à thème. Musique, danse, espaces familiaux, espaces de détente, yoga, etc… Chacun peut créer un camp selon sa propre vision.
“Toute notre culture est basée sur la participation. Il n’y a pas que les chefs de départements. Ce que tu ne vois pas à cette réunion, ce sont tous les gens qui créent des camps à thème pour le Midburn, ils passent des heures à construire leur camp autour de la musique, du yoga ou autre, c’est une forme de cadeau à la communauté.”
Gifting, faire des cadeaux est effectivement l’un des 10 principes fondamentaux du Burning Man et donc du Midburn.
Obtenir le feu vert des dirigeants du Burning Man
Les principes fondateurs du Midburn sont exactement les mêmes que pour le Burning Man. En résumé, pendant une semaine, une ville dédiée à l’art éphémère et à la fête se crée dans le désert. Dans ce lieu d’utopie où tout est centré sur l’expérience de vie en communauté et l’expression de soi, l’argent n’existe guère. Une fois que le billet d’entrée a été payé pour une somme allant de 480 à 520 shekels, il n’y a sur place plus aucun échange financier.
Les participants emmènent sur place avec eux tout ce dont ils auront besoin : eau, nourriture, générateurs, carburant, etc. Ils ne laisseront rien sur place, il ne faut laisser aucune trace. Musée à ciel ouvert, symbole de l’art éphémère, à l’image du Burning Man, littéralement “l’homme qui se consume, le Midburn, contraction du terme hébreu ‘midbar’, signifiant ‘désert’ et de l’anglais ‘burn’, disparaît aussi vite qu’il est né.”
Mais on ne réplique pas le concept du Burning Man sans autorisation. Nir, le CEO du Midburn me dit:
“Après l’évènement du Octoburn (event non officiel organisé par la même équipe, prémices du Midburn), les Américains du Burning Man se sont rendu compte que quelque chose se tramait ici. Du coup, ils ont envoyé deux représentants du Burning Man sur place pour nous rencontrer .Nous avons signé un contrat avec eux et nous allons 2 à 3 fois par an aux États-Unis pour les voir. Nous ne leur reversons pas d’argent même s’il est suggéré de leur reverser 10 % des revenus”.
La genèse du Midburn
C’est en 2011 sur un groupe Facebook destiné aux Israéliens ayant vécus l’expérience du Burning Man que tout a commencé pour le Midburn. Ils ne se connaissaient pas mais partageaient tous l’envie de créer une communauté autour de l’esprit qui les avait tant séduits dans le Nevada.
“C’est en 2001 que j’ai été au Burning Man, je bossais à l’époque pour les services secret israéliens. Aller au Burning Man a totalement changé ma vie. Je suis revenue du Burning Man et j’ai quitté mon job. J’ai grandi dans une famille militaire, et vivre le Burning Man m’a fait réaliser qu’il existait une autre façon de voir le monde et que je n’étais pas au bon endroit dans ma vie”, me dit Nir, l’un des fondateurs et CEO.
Quant à Giora, qui s’occupe des relations stratégiques (relation avec la police, le gouvernement, etc.) et qui est l’un des trois salariés du Midburn, il dit : “Le Burning Man m’a fait croire au sens de la communauté. Ça m’a donné un sens de l’utopie. On a toujours des désaccords dans la vie, mais j’ai vu le bon côté, j’ai vu le possible.”
Itamar, l’un des fondateurs et salarié qui m’a accueillie à la réunion ajoute : “Le Burning Man est un évènement transformateur. J’y ai été en 2006 et quand je suis revenue, je me suis dit que je devrais vraiment sourire plus souvent à des inconnus et que je voulais que quelque chose de similaire existe en Israël.”
C’est avec cet état d’esprit qu’une dizaine d’Israéliens ont décidé ensemble de créer en 2012 un premier événement à Tel Aviv sur la plage, intitulé le Mama Burn ou 600 personnes ont festoyé. Six mois plus tard, ils organisaient l’Octoburn. Un véritable succès, avec ses 1500 participants. “C’est à ce moment-là qu’on s’est dit qu’on devait créer quelque chose d’officiel. On a crée une ONG, on a contacté une municipalité dans le désert pour trouver un terrain et on a créé le premier Midburn !”, me dit Nir.
Ce sont les tickets vendus qui ont financé la location du terrain, la logistique et les frais obligatoires réglés à la police et aux pompiers. Aujourd’hui, les fonds provenant de la vente de billets sont aussi utilisés pour financer l’infrastructure (tel que les 70 toilettes, la clôture autour du périmètre, etc.), pour payer les salaires de ses 3 salariés mais aussi pour financer l’art exposé au Midburn.
“Nous finançons jusqu’à 50 % du prix des œuvres du Midburn. Nous voulons aider les artistes au mieux. C’est un effort communautaire. Aux États-Unis, il ne finance que jusqu’à 10 % des œuvres”, m’explique Sharon Avraham, l’un des fondateurs et artiste qui fait partie du collectif d’art interactif Fugara.
L’engouement des Israéliens pour la culture Burn
Mais alors, qu’est-ce qui explique un tel engouement pour le Midburn chez la jeunesse israélienne ? Nir a sa petite idée.
“Selon moi, il y a deux raisons principales. La première est notre besoin de vivre en communauté. Depuis toujours, nous vivons en communauté en Israël, le Kibboutz, l’armée. C’est comme ça que nous avons construit ce pays. La deuxième raison est le besoin de s’évader. Nous vivons dans un pays sous haute tension. Au Midburn, il n y a pas de tension, ni d’agenda politique. C’est pour ça que ça prend autant d’ampleur ici. “
Le succès du Midburn n’est cependant pas forcément facile à gérer. Le lieu actuel dans le désert du Néguev ne pourra pas accueillir plus de 15 000 personnes et l’armée israélienne qui possède presque tout le désert du Néguev refuse de les laisser s’installer ailleurs pour qu’ils puissent s’agrandir. “Nous sommes très sensibles à la façon dont nous nous développons. Nous avons eu des mauvaises surprises, trop de gens qui viennent et qui ne connaissent pas bien la culture Burn. Nous avons décidé de ne pas grandir plus de 25 % par an”, dit Nir.
Le focus pour les fondateurs est désormais de faire vivre l’esprit du festival tout le long de l’année. Gia conclut:
“Le Midburn est un évènement qui t’aide à révéler une meilleure version de toi-même. Beaucoup de gens en reviennent avec le besoin d’être meilleur avec les gens, avec l’environnement. Nous voulons aider notre communauté à faire de bonnes actions. Demain, nous lançons une plateforme qui s’appelle “The Generator”, nous avons fait un appel à la communauté et 23 projets ont été proposés. Nous allons mettre à disposition des outils, des entrepreneurs sociaux et des experts pour aider à la réalisation des projets”
Pour vous rendre sur place :
À compter d’avril 2017, la compagnie aérienne française XL Airways reliera Paris-CDG à Tel Aviv avec deux vols directs par semaine. Billets à partir de 199 euros TTC aller-retour, bagage en soute et repas compris. Infos et réservations : xl.com ou en agence de voyage.