Microsoft ouvre une école d’intelligence artificielle pour les étudiants en reconversion

Microsoft ouvre une école d’intelligence artificielle pour les étudiants en reconversion

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Crédit: Microsoft

Dans son campus d’Issy-les-Moulineaux, Microsoft accueille 24 élèves pour la première promotion de son cursus en intelligence artificielle, gratuit et ouvert à tous les profils.

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Ah, l’IA… À force d’en entendre parler quasiment tous les jours, on a fini par comprendre : la prochaine révolution technologique, déjà bien entamée, devrait offrir un ravalement de façade radical au paysage professionnel des décennies à venir, annihilant des dizaines des centaines de millions d’emplois pour en créer autant d’autres – du moins, c’est ce qu’espèrent ses apôtres politiques les plus bruyants. Pour le moment, impossible de quantifier la transformation en cours, encore moins de donner un chiffre sur ces futures créations d’emplois (c’est le problème avec les boulots qui n’existent pas encore : ils sont difficiles à compter).

Un flou artistico-économique qui n’empêche pas les multinationales de la tech de se placer sur le créneau de l’IA et les gouvernements des pays industrialisés de leur ouvrir la porte avec le sourire, à commencer par la France, que le président Macron rêve en championne européenne de l’algorithme.

De la start-up nation à l’IA nation, il n’y a qu’un pas de côté, que les pouvoirs publics sont allègrement en train de franchir en nouant partenariat sur partenariat avec Google, Facebook et consorts, à la fois pour développer l’éducation et la recherche et garder une forme de souveraineté sur une ressource qui s’annonce de plus en plus stratégique à l’avenir. Mardi 6 mars, c’est Microsoft qui est rentré dans la danse en dévoilant, dans son campus d’Issy-les-Moulineaux, sa nouvelle formation aux métiers de l’IA.

Les cols bleus de l’algorithme

En présence du secrétaire d’État auprès du Premier ministre chargé du Numérique, Mounir Mahjoubi, le président de Microsoft France, Carlo Purassanta, a détaillé les modalités de la formation, entièrement gratuite, qui comprend 24 élèves, recrutés en partenariat avec la formation Simplon.co, Pôle emploi et la Grande école du numérique, un réseau qui regroupe 419 formations à travers le pays.

Destinée aux profils “singuliers”, notamment à ceux qui se reconvertissent après un premier cursus étudiant et/ou professionnel, la formation sélectionne ses candidats sur dossier, selon plusieurs critères : la compétence technique (la maîtrise d’au moins un langage de programmation va de soi), les connaissances en mathématiques et la motivation, selon le communiqué de l’entreprise (Carlo Purassanta, durant la conférence de presse inaugurale, y ajoutera les “skills de communication et de collaboration”, les étudiants étant rapidement appelés à travailler avec des clients). Un diplôme ? Pas besoin.

Côté programme, la formation se déroulera en deux phases : sept mois de formation sur le campus de Microsoft, en compagnie de data scientists, pour apprendre aux étudiants à devenir des “techniciens de l’IA”, avant d’enchaîner avec 12 mois en contrat de professionnalisation en alternance dans une des sept entreprises partenaires de la formation. À la clé, trois certifications professionnelles en data et IA, et une qualification en équivalent bac+3 ainsi qu’une certification (non officielle) en machine learning, reconnue par Microsoft.

Attention, cependant, l’école de Microsoft ne forme pas des data scientist (qui viennent de cursus plus poussés), mais des “techniciens de l’IA” – en gros, des petites mains, qui manipulent les ensembles de données, développent les interfaces, assurent la mise en production, etc. Néanmoins, au cours de la formation, chaque élève doit obligatoirement proposer et développer un projet personnel, dans le secteur qu’il/elle souhaite.

Anticiper des besoins qui n’existent pas encore

En misant sur cet “artisanat de l’IA”, Microsoft entend répondre à une demande croissante des entreprises, qui n’auraient pas assez de ces techniciens à disposition pour manipuler les précieuses données. Le communiqué de l’entreprise explique que “85 % des emplois qui seront exercés en 2030 n’existent pas encore aujourd’hui”, sans trop citer de source – et Carlo Purassanta l’assure, la France “manque de skills”.

Pour répondre à cette pénurie de skills, donc, 24 élèves, âgés de 19 à 39 ans, et 30 % de femmes (un bon point, alors que la “discrimination technologique” devient encore plus un problème dans l’IA, dès lors que les algorithmes commencent à présenter les mêmes biais que leurs créateurs, généralement hommes et blancs). Tous ont un point commun : la formation représente une sorte de deuxième chance après une première expérience dans un autre secteur.

Pour Nathalie, 25 ans, cette première expérience est un master de droit à Assas, un choix pragmatique mais pas si passionné que ça. Elle explique comment, même en 2018, il reste difficile pour une femme d’assumer son choix originel : “Au lycée, on pense aux études supérieures, et […] on peut recevoir des réflexions quand on dit qu’on veut devenir informaticienne.” Pendant ses études, elle trouve quand même le moyen de se mettre au code (HTML, JavaScript, CSS) avec des cours en ligne, avant de sauter le pas et de quitter sa boîte.

Depuis deux semaines, elle code de 9h30 à 17h30 avec son petit groupe de camarades – un déroutant patchwork de hoodies, de cravates et de vestes de tailleur qui rappelle à qui en douterait qu’en 2018 le codeur a bien quitté l’uniforme obsolète que le grand public lui prête encore parfois — avec pour but, dans sept mois, de présenter un “juriste de poche”, un coup de pouce algorithmique pour aider le quidam à résoudre ses problèmes légaux et administratifs.

Ne reste plus qu’à savoir si, une fois devenue “technicienne de l’IA”, elle trouvera un métier conforme à ses qualifications dans le marché de l’emploi… avant 2030. C’est tout ce qu’on lui souhaite.