La célèbre photographe Mary Ellen Mark nous a quittés à l’âge de 75 ans ce lundi 25 mai. Retour sur son parcours, des plateaux de tournage de grands films aux bordels de Bombai.
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“Dès le premier instant où j’ai pris une photo [dans les rues de Philadelphie], j’ai adoré ça, confiait Mary Ellen Mark à The Inquirer en 1988. Le simple fait d’être dans la rue, de tourner à un croisement et de chercher quelque chose à voir m’excitait. C’était juste un sentiment incroyable. La photographie est devenue une obsession“.
Une obsession qu’elle entretiendra toute sa vie pendant une carrière de plus de quarante ans. La première photo qui a propulsé sa carrière à l’international est celle d’Emine, 9 ans, habillée comme une petite fille mais posant comme une adulte. Nous sommes alors en 1965, à Trabzon en Turquie et Mary Ellen Mark confiera au sujet de ce cliché des années plus tard dans la série The picture that made me, réalisée par le Times :
Lorsque je suis rentrée de Turquie et que j’ai développé la pellicule, j’ai vu cette photo et j’ai su qu’elle avait quelque chose de spécial.
Des portraits avant tout humains
La singularité de cette grande photographe réside certainement dans toute l’humanité qu’elle mettait dans ses clichés. De la vie peu attrayante des héroïnomanes de Londres au début des années 1960, aux fugueurs et enfants de rue de la ville de Seattle en passant par les patients d’hôpitaux psychiatriques ou encore les prostituées d’Inde qu’elle a shootées alors même qu’elles travaillaient, Mary Ellen Mark n’a eu de cesse de photographier l’intimité de la société marginalisée et bien souvent incomprise.
“J’ai une affinité avec les gens qui n’ont pas eu de chance dans la société. Je suis toujours de leur côté, je les trouve peut-être plus humains“, avouait-elle au New York Times magazine en 1987. Au sujet des prostituées d’Inde qu’elle a côtoyées à plusieurs reprises, elle confiait il y a deux ans au magazine Snatch :
J’ai passé beaucoup de temps avec elles. J’ai fini par très bien les connaître. C’était une histoire incroyable. Je les aimais énormément. Ces femmes étaient fantastiques, de vraies survivantes.
C’est cette admiration et surtout cette connexion qu’elle créait avec ses sujets qui font de Mary Ellen Mark une photographe reconnue pour ses portraits humanistes. L’exemple le plus frappant est certainement cette rencontre avec Erin Blackwell, surnommée Tiny, une jeune fille de 14 ans addict au crack et prostituée qu’elle a suivie pendant près de trente ans, et dont le documentaire Streetwise, réalisé par son mari Martin Bell, dresse le portrait aux côtés d’autres jeunes sans-abris de Seattle, ville pourtant considérée comme la plus supportable des États-Unis.
Mary Ellen Mark savait tout aussi bien se fondre aux côtés de grands cinéastes tels Truffaut, Fellini, Forman, Iñarritu, Burton ou encore Coppola pour lesquels elle immortalisait les plateaux de tournage.
Une dizaine de livres publiés, quelques documentaires et surtout des milliers de portraits poignants, la plupart du temps en noir et blanc et surtout “sans retouche” ont fait de la photoreporter – dont les clichés apparaissaient régulièrement dans Life,Vanity Fair, Rolling Stone, The New Yorker et le New York Times magazine – une des pointures de la photographie de ces cinquante dernières années. Ce qui lui a valu notamment, parmi de nombreuses récompenses, le Lifetime Achievement in Photography de la George Eastman House.
Pour découvrir davantage de clichés de Mary Ellen Mark, rendez-vous sur son site officiel.