Depuis la création du programme Mural Arts Philadelphia (MAP) dans les années 1980, plus de 3 800 œuvres collectives ont été peintes par les habitants dans les rues de la ville. Cette initiative unique est basée sur un message fort : “Nous croyons que l’art initie le changement.”
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Lorsqu’il remporte la mairie de Philadelphie en 1984, Wilson Goode est bien décidé à faire disparaître les graffitis des rues de sa ville. Il embauche une jeune diplômée en arts, Jane Golden, qui va proposer aux auteurs de ces inscriptions griffonnées un projet plus abouti, et surtout plus utile à la communauté : recouvrir de larges fresques les murs austères ou défraîchis de Philly. Le programme, intitulé Mural Arts Philadelphia (MAP), vise ainsi à responsabiliser les habitants et à redonner vie aux quartiers, tout en recréant du lien social.
Plusieurs fresques voient rapidement le jour, et la ville reprend peu à peu des couleurs. En 1989, Jane Golden parvient à lever des fonds privés auprès d’une fondation et commande une œuvre au muraliste californien Kent Twitchell, célèbre pour ses portraits d’artistes et de célébrités. Sa représentation de l’ex-basketteur des 76ers Julius Erving (alias Dr. J) en costume cravate, au 1219 Ridge Avenue, va donner au MAP une dimension nouvelle… et lui offrir un sérieux coup de projecteur.
Des fresques par centaines, à admirer sans modération
En 1998, alors que le quartier de Grays Ferry connaît de fortes tensions raciales − les policiers sont soupçonnés de violence envers la population noire −, Jane Golden et les membres de la communauté locale font du porte-à-porte pour convaincre les habitants de travailler sur une œuvre collégiale. Ceux qui se sont portés volontaires, en dépit des hésitations, vont réaliser le bien nommé Peace Wall. Devenue symbole d’espoir et d’unité, cette fresque au message humaniste a aidé à rétablir le dialogue et à apaiser les esprits.
D’autres fresques emblématiques vont contribuer à la réputation du street art local, à l’image de la série de Steve Powers intitulée A Love Letter For You (2009), déclinée sur une cinquantaine de toits et de panneaux le long du Market Street corridor, ou bien de l’œuvre du collectif d’artistes Amber Art & Design en collaboration avec Tatyana Fazlalizadeh, Legendary (2013), qui rend hommage au groupe The Roots, originaire de la ville.
Une initiative qui séduit jusqu’au pape François
Le succès de ce programme artistique à vocation sociale a inspiré de nombreuses autres villes, mais aussi attiré l’attention des grands de ce monde. Le prince Charles et son épouse Camilla ont ainsi profité de leur présence à Philadelphie en 2007 pour venir admirer la fresque de Donald Gensler Reading: A Journey. De passage en 2015, le pape François a quant à lui dédicacé l’œuvre que Cesar Viveros avait imaginée pour commémorer sa visite historique, The Sacred Now: Faith and Family in the 21st Century, et sur laquelle ont travaillé des dizaines d’écoliers.
Initiation des jeunes à l’art, mais aussi réinsertion d’anciens détenus, accompagnement des victimes de violence et des personnes souffrant d’une maladie mentale ou d’addiction : le MAP poursuit ses actions auprès d’un public toujours plus large. Aujourd’hui, l’institution fédère environ 250 artistes et 20 000 habitants chaque année autour de dizaines de nouveaux projets de fresques. Ici, le street art n’a pas seulement changé la ville, il a aussi changé la vie.
Le MAP en quelques chiffres
12 000 : C’est le nombre de visiteurs qui, chaque année, découvrent les fresques du MAP dans le cadre de tours organisés, privatifs ou collectifs (à pied, à vélo, en trolley).
7 897 : C’est, en mètres carrés, la dimension de la plus grande fresque de la ville (et la deuxième plus grande du monde), How Philly Moves, peinte le long d’un parking de l’aéroport international.
113,5 : C’est, en litres, la quantité moyenne de peinture nécessaire pour chaque œuvre.
1 000 : C’est le nombre d’adultes dits “vulnérables” que le MAP accompagne chaque année dans leur réinsertion.
25 000 à 30 000 : C’est, en dollars, le coût moyen d’une fresque (la plus chère, Philly Painting (2012), signée par les artistes néerlandais Haas & Hahn, en valait près de 500 000).
Pour prolonger l’expérience à Philly
Pour en savoir plus sur ce programme artistique exceptionnel, vous pouvez vous rendre sur le site officiel du MAP.
Cinq autres spots à ne pas manquer : l’Independence Hall, le Philadelphia Museum of Art (ne serait-ce que pour monter les escaliers comme Rocky), la Barnes Foundation, l’Eastern State Penitentiary, les Philadelphia’s Magic Gardens.
Un bon plan pour y aller : Icelandair propose un vol Paris-Philadelphie (A/R) dès 615 euros TTC, avec possibilité de prolonger l’escale en Islande sans frais, le temps d’un petit séjour.
Une adresse pour dormir : l’hôtel Cambria, tout neuf et très central, il est à deux pas du City Hall (dès 120 euros pour une chambre “King Bed”).
La valeur sûre pour manger : le Reading Terminal Market, ouvert en 1893, couvert et opérationnel tous les jours, de 8 à 18 heures.
Des infos pratiques sur le tourisme local : le site Discover Philadelphia dispose d’une version française.