Depuis hier, une vidéo fait le tour de la Toile. À l’occasion d’une soirée de mobilisation du monde de la culture contre la xénophobie au théâtre du Rond-Point à Paris, l’illustratrice Pénélope Bagieu a pointé du doigt le racisme ordinaire véhiculé par la publicité à travers une anecdote personnelle.
Un monde qu’elle raconte avoir fréquenté de près et dont elle s’attelle à démonter l’hypocrisie et les stéréotypes, tout en employant – et expliquant – son jargon propre, le tout illustré par un Powerpoint.
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À la recherche de la femme “ni-ni”
Il y a deux ans, Pénélope Bagieu travaillait donc pour “une grosse, grosse marque d’électroménager française” qui souhaitait faire une campagne avec la dessinatrice afin de promouvoir un nouveau robot de cuisine. La jeune femme raconte qu’on lui avait alors demandé d’imaginer une “héroïne” sans autre consignes spécifiques que celles-ci : “ni jeune, ni vieille“, “ni grosse, ni maigre“, “ni belle, ni moche“, “ni trop rurale, ni trop parisienne“. En d’autres termes (publicitaires) : la femme “ni-ni”. Une femme qui n’a rien de trop spécifique et à laquelle tout le monde peut facilement s’identifier, sur un fond bleu s’il vous plaît.
Armée de ses crayons et de son imagination, l’illustratrice propose donc à son client un premier dessin d’une femme noire (“car sur fond bleu ça ressort mieux” explique-t-elle). Refusée, parce qu’elle est “métisse, car il faut savoir que dans la publicité, on ne dit jamais noire” explique la jeune femme. S’en suit alors une partie de ping-pong avec le client, car aucune des femmes proposées par Pénélope Bagieu ne convient.
Une femme blanche aux cheveux bouclés? “Trop méditerranéenne“. Elle lui lisse les cheveux mais “trop chinoise“. Elle lui éclaircit les cheveux ? “Trop con-con” car, comme le souligne l’illustratrice, le client, en plus d’être raciste, est aussi ouvertement misogyne. Et une femme blonde, c’est forcément bête ! Les aller-retours s’achèvent après que Pénélope Bagieu a rendu son héroïne rousse.
“On préférerait qu’elle soit blanche”
Évidemment, depuis le début, le client voulait une héroïne à la peau blanche mais n’osait pas le demander, comme le déplore l’illustratrice :
On aurait pu gagner du temps, mon client aurait pu me dire : “fais ce que tu veux, mais évidemment, on préférerait qu’elle soit blanche”. Mais ça, vous comprenez, c’est raciste. Alors qu’y aller en louvoyant […] au final, ni vu, ni connu, on est raciste, mais pas vraiment raciste.
Pour s’excuser de toutes ces demandes, le client a finalement adressé un mail à la dessinatrice dans lequel il concluait : “tu comprends c’était important qu’on fasse un personnage auquel toutes les Françaises vont pouvoir s’identifier“. Blanche, quoi.