Le Liban est sur le point d’abolir un article de loi qui permet aux violeurs qui épousent leur victime d’échapper à la justice. Un grand pas dans l’histoire des femmes, et l’Histoire tout court, au pays du Cèdre.
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L’article 522 du code pénal libanais, datant de 1948, permet à un violeur d’échapper à toute poursuite judiciaire s’il épouse sa victime. Un double crime, pour celle qui en plus d’être violée se voit contrainte d’être liée à son agresseur qui lui, ne sera jamais jugé. Mais cela pourrait heureusement bientôt être de l’histoire ancienne puisque cet article à vomir est bien parti pour être enfin abrogé. Hier, mercredi 7 décembre, la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice s’est réunie pour poursuivre l’examen d’une proposition de loi visant à annuler l’article 522 du code pénal. Comme le rapporte L’Orient-Le Jour, le député Robert Ghanem, qui préside cette commission a annoncé :
“La commission parlementaire de l’Administration et de la Justice s’oriente vers l’abrogation de l’article 522 du code pénal.”
Cependant, certains détails relatifs aux autres dispositions de la loi seront débattus mercredi prochain.
Une campagne décisive
Alors que depuis des années les activistes militent contre l’article 522, la campagne s’est intensifiée ces derniers mois. L’ONG Abaad, qui lutte pour le droit des femmes, a décidé de prendre les choses en mains. “On a commencé la campagne il y a sept mois en récoltant des données et des statistiques”, nous explique Soulayma Mardam Bey, chargée de communication pour l’ONG. Depuis quelques jours, Abaad a tapissé le pays d’affiches représentant des mariées ensanglantées. Le slogan de la campagne était “Le blanc ne couvre pas le viol”. Sur les réseaux sociaux, le hashtag #undress522 a fait résonner la campagne.
Very important campaign in #Lebanon to ban the article 522 enabling the rapists to escape their crime if they marry their victim #undress522 pic.twitter.com/0P1HvgMBan
— Ouarda وردة (@Ouardaiqbal) 4 décembre 2016
Traduction : “Une campagne très importante au Liban pour abroger l’article 522 qui permet aux violeurs d’échapper à la justice s’ils épousent leur victime.”
Abaad a également produit une vidéo terrible mettant en scène une jeune fille pansant ses blessures. Les bandes de pansement finissent en robe de mariée. Une vidéo choc pour mettre en lumière l’horreur de cet article de loi :
Mardi 6 décembre, des activistes de l’ONG Abaad, vêtues de blanc mais ensanglantées, ont manifesté devant le Parlement :
إذا عقد زواج بين مرتكب المُغتصِب وبين المُعتدَى عليها أُوقفت الملاحقة - المادة 522 من قانون العقوبات اللبناني #Undress522 pic.twitter.com/JqfnUcVKCz
— Carmen Joukhadar (@CarmenJoukhadar) 6 décembre 2016
Un grand soulagement pour les femmes libanaises
L’annonce faite par la commission parlementaire a bien sûr suscité beaucoup d’espoirs dans les rangs des militants. “On est très heureux évidemment. C’est un grand pas qui vient d’être franchi. Maintenant, on attend la prochaine réunion parlementaire pour voir la décision finale”, nous confie Soulayma Mardam Bey. Elle ajoute : “Entre la douleur du viol, le mariage forcé et la pression sociale, très peu de femmes osent s’exprimer. L’abrogation de cet article devrait donc être un énorme soulagement pour beaucoup de jeunes filles.”
Depuis hier, beaucoup de jeunes femmes nous ont témoigné leur soulagement face à cette décision. C’est le cas de Lilian Alawar, 25 ans, qui nous a confié son émotion face à cette victoire pour le droit des femmes :
“En tant que jeune Libanaise vivant au Liban, je crois que cette loi aurait dû être abolie il y a déjà bien longtemps. Chaque agression doit être punie surtout quand il s’agit d’un viol. Je trouve ça fou qu’en 2016, les femmes doivent toujours se battre pour leurs droits tout en sachant qu’elles accomplissent beaucoup dans cette société.
Au lieu d’aider les victimes, la loi 522 les rapproche de la mort tous les jours. Nous savons tous que chaque femme est exposée au risque de viol et la loi doit être avec elle pas contre elle. Aujourd’hui, je suis heureuse que la loi 522 soit arrivée à sa fin. C’est vraiment un grand pas réalisé.”
Dans le reste du monde
Au Maroc, jusqu’en 2014, l’article 475 du Code pénal proposait également que l’homme soit gracié s’il épousait la victime. En 2012, Amina al-Filali, une adolescente de 16 ans s’était donné la mort après avoir été contrainte d’épouser celui qui l’avait violée. Son suicide a provoqué une grande mobilisation qui a poussé les députés marocains à supprimer l’article en question.
Rappelons, que récemment, en Turquie, le gouvernement a proposé une loi qui gracierait les hommes condamnés pour viol, s’ils épousaient leurs victimes. Le projet a été retiré, après des manifestations, mais la question reste sensible.
Comme le rappelle Le Figaro, il y a encore de nombreux pays où des lois de ce genre sont en vigueur, en Malaisie, en Indonésie et au Venezuela notamment.
Chez nous, même si les lois ont évolué depuis peut-être plus longtemps, la culture du viol reste une réalité du quotidien surtout en matière de viol conjugal.
La bataille est loin d’être gagnée.
La lutte continue.