Allongé(e) au bord d’une piscine, un cocktail à la main et les doigts de pied en éventail : c’est l’image-type que véhiculent des millions de comptes Facebook, Twitter et Instagram. Face à la tyrannie de la perfection, un contre-mouvement émerge. Et si la lose était le nouveau cool ?
À rebours de la mise en scène de soi constante qu’imposent les réseaux sociaux, la nouvelle tendance de la Toile consiste à briser l’hypocrisie ambiante. Revaloriser le côté “loser” qui sommeille en chacun de nous. C’est ce que font des comptes Instagram comme @girlwithnojob (2,4 millions d’abonnés) et @officialseanpenn (350 000 abonnés), à coups de gifs, mèmes et réflexions acérées.
Les deux femmes se moquent d’elles-mêmes, avouent volontiers préférer manger un donut plutôt qu’aller à la gym, binge-watcher Girls au lieu d’aller en soirée et avoir de temps à autres des pensées dépressives. Le hashtag #honestgram a aussi fleuri sur Insta et permis aux utilisateurs de raconter leurs galères en tout genre.
L’expression JOMO pour “Joy of Missing Out” (“joie de manquer quelque chose”) cristallise ce nouvel état d’esprit. À l’inverse du “Fear of Missing out” (“peur de rater un événement”), le JOMO, c’est s’inscrire à des soirées hype et ne pas y aller par flemme. C’est accepter que votre canap’ devienne votre meilleur ami. Et c’est ok.
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Les célébrités aussi ont des fêlures
Chez les célébrités, l’heure n’est plus à la perfection permanente. “J’ai dû arrêter parce que j’avais tout mais j’étais totalement brisée à l’intérieur”. Selena Gomez a évoqué sa dépression sur la scène des American Music Awards ce week-end, devant des millions de téléspectateurs.
La chanteuse était absente des radars depuis trois mois pour soigner sa santé physique et mentale. D’autres célébrités comme le rappeur Kid Cudi, la chanteuse Demi Lovato ou encore Justin Bieber ont publiquement fait part de leurs penchants dépressifs sur Twitter et Instagram.
Les losers, ces nouveaux héros
La tristesse revendiquée
Plusieurs créations artistiques sont nées de cette réaction aux diktats du bonheur sous filtre Lo-Fi. La journaliste Dora Moutot (qui travaille à Konbini) a créé le Tumblr Webcam Tears en 2012 qui réunit des vidéos de personnes (dont elle-même) se filmant en train de pleurer. “Instagram et les réseaux sociaux sont une vitrine de soi. Pourquoi ça devrait être une vitrine lisse ? La fragilité peut être intéressante”, explique-t-elle. Dora a reçu plus de 200 vidéos du monde entier pour son projet. “Les gens se sentent plus proches.”
Dans la même optique, l’artiste américaine Audrey Wollen a monté le projet Sad Girl Theory pour lequel elle poste des selfies sur Instagram qui la montrent dans des poses vulnérables ou en pleurs, le maquillage défait. Pour elle, la tristesse est un acte de résistance politique.
Preuve que ce message résonne, le compte Twitter @SoSadToday tenu par Melissa Broder qui enchaîne les réflexions mélancoliques a tellement bien marché qu’il a donné naissance à un livre. Et si c’était ça la win, être capable d’accepter la lose ?
take a selfie at my funeral
— so sad today (@sosadtoday) 22 novembre 2016