Le sexisme se porte toujours très bien dans la publicité, merci

Le sexisme se porte toujours très bien dans la publicité, merci

À l’occasion du festival international de la créativité Cannes Lions, une étude s’intéressant à une décennie de publicités anglophones a démontré le sexisme bien ancré dans ce milieu. Un rapport alarmant, mais accompagné d’une bonne nouvelle.
Début mars, une campagne d’Yves Saint-Laurent avait été dénoncée pour son sexisme : l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) avait alors reçu près d’une quarantaine de plaintes, et finalement fait retirer les affiches incriminées. Ces dernières s’inscrivaient dans un contexte publicitaire sexiste, récemment analysé par le Geena Davis Institute, un institut de recherche spécialisé dans la représentation des genres dans les médias.

À voir aussi sur Konbini

Avec l’agence J. Walter Thompson et l’école d’ingénieurs USC Viterbi School of Engineering, cet institut a étudié dix années de représentation des femmes dans plus de 2 000 publicités en langue anglaise de 2006 à 2017 grâce à des outils modernes. “Les progrès de la data-science et du machine learning nous offrent des moyens inédits pour analyser avec un niveau de précision sans précédent les contenus médiatiques”, a en effet déclaré le superviseur de l’enquête data à Usbek & Rica. L’étude a été dévoilée à l’occasion du festival de la publicité Cannes Lions, qui s’est tenu du 17 au 24 juin. Elle s’est intéressée aux temps de présence et de parole des femmes représentées, ainsi qu’à leurs âges, leurs tenues, ou encore les qualités qui leur étaient associées… Et les résultats montrent qu’il n’y a eu “aucune amélioration pendant une décennie”.

Un sexisme très ancré

De manière générale, les femmes sont quatre fois moins montrées à l’écran que les hommes, et parlent sept fois moins. Il y a deux fois plus d’hommes que de femmes dans les pubs, et la majorité d’entre elles a une vingtaine d’années alors que les hommes ont droit à bien plus de diversité, les personnages masculins ayant entre 20 et 40 ans. Ces derniers sont également deux fois plus susceptibles d’être drôles que les femmes, tandis qu’elles portent une tenue “sexualisante” six fois plus que les hommes.
Les hommes sont d’ailleurs plus montrés comme “intelligents” que les femmes, qui, elles, sont plus susceptibles d’être filmées dans la cuisine. Enfin, 25 % des publicités exposent uniquement des hommes, tandis que seulement 5 % ne montrent que des femmes. Ces dernières, encore souvent cantonnées à des rôles domestiques ou objectifiées, sont donc sous-représentées.

Si les femmes ne sont plus uniquement montrées en ménagères comme dans les années 1960, Usbek & Rica rappelle les déclarations que Brigitte Grésy, alors secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, avait faites quand les affiches de Saint Laurent avaient été retirées. Elle avait alors expliqué au Monde que les publicités “créent des modèles, des habitudes de comportement”.

Un manque effarant de campagnes de sensibilisation

Brigitte Grésy déplorait également le manque de campagnes de sensibilisation et regrettait le comportement de “la plupart des professionnels”, qui niaient le sexisme de leurs publicités et leur rôle dans celui de la société. Selon Madeline Di Nonno, la PDG du Geena Davis Institute :

“En changeant la narration, les images que nous utilisons, les histoires que nous racontons sur les femmes, nous pouvons radicalement changer la façon dont le monde estime les femmes, et dont les filles et les femmes se perçoivent. Cela ne suffit pas de représenter plus de femmes. Il nous faut une représentation plus progressiste et inclusive.”

Un avis que des professionnels du milieu partagent. Mardi 20 juin, à l’occasion du festival Cannes Lions, plusieurs grands groupes se sont engagés à faire évoluer la représentation des femmes. Ils ont lancé ensemble Unsterotype Alliance, à l’initiative d’Unilever et d’UN Woman (une entité des Nations unies consacrée à l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes).
Afin d’“éliminer les stéréotypes” dans la représentation des genres dans le secteur de la publicité, une dizaine de grands groupes se sont engagés − de Publicis à Google, en passant par Facebook, Mattel ou Microsoft −, ainsi que la fédération mondiale des annonceurs, la World Federation of Advertisers, et le géant mondial de la publicité WPP. Les publicités de la prochaine décennie pourraient donc peut-être s’annoncer moins sexistes.