À l’occasion de la mise à disposition de la discographie complète de Jay-Z sur les plateformes de streaming hors Tidal (enfin !), on vous offre notre classement définitif de tous ses albums ainsi qu’une playlist pour naviguer parmi ces centaines de titres, classiques ou moins connus. Bienvenue dans le monde incroyable de Hova, vous allez (re)découvrir de véritables folies.
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14. Magna Carta… Holy Grail (2013)
L’album où Jay-Z essaie de rattraper le rap contemporain. Parfois ça marche bien comme sur “Somewhere in America” ou “Oceans” avec Frank Ocean mais Jay-Z se met au diapason de l’après Watch The Throne sur la plupart des titres. Et sans Kanye West, c’est un peu fantoche. Son obsession pour l’art contemporain et les signes de richesse, de pouvoir, semble devenir trop importante dans son écriture et dans sa composition.
En le réécoutant six ans après, il ne reste pas grand-chose de l’album, si ce ne sont les apparitions de ses amis Rick Ross, Justin Timberlake qui étaient eux aussi un peu en perte de vitesse à cette époque. Alors que la pochette nous vend la grandeur de l’antiquité, le marbre ne semble pas vraiment fait pour Hova, c’est plutôt la décadence d’un monde déchu qui transparaît en filigrane. Sûrement son album le plus poussif.
13. The Blueprint²: The Gift & The Curse (2002)
La suite de son Blueprint classique n’évite pas l’écueil du double album. Les quelques bons morceaux sont noyés dans un océan de chutes de studio dispensables. Il y a des moments historiques comme ce premier morceau avec Beyoncé “03 Bonnie & Clyde” ou encore le “Guns & Roses” avec Lenny Kravitz mais l’ensemble reste bricolé entre couplets recyclés de Biggie, suite de succès évidents (“The Watcher 2”, “Blueprint 2”, “What They Gonna Do part II”).
Et la version 2.1 en un seul CD force encore le trait avec des remix de “U Don’t Know”, “Excuse me miss”, ou son morceau avec Panjabi MC. Le résultat ressemble vraiment à une compilation sans queue ni tête, loin des standards du rappeur originaire des Marcy Projects. Un mini-flop.
12. The Blueprint 3 (2009)
Décidément, les suites de son Blueprint semblent bien fades face au mastodonte premier volume. The Blueprint 3 est loin d’être un mauvais album mais il souffre d’une vision globale devenue très vite ringarde. Avec ses positions sur l’auto-tune un peu grincheuses sur “D.O.A.” face aux produits formatés de “Run This Town”, “Empire State of Mind” ou même “Young Forever”, l’album paraît complètement disproportionné, vrai témoin d’une époque de renouveau.
Malheureusement, les collaborations de Jay-Z avec les acteurs de cette renaissance comme Kid Cudi, Drake ou J. Cole sont passables, voir décevantes, très loin d’être marquantes. Son abrasif “On To The Next One” avec Swizz Beatz reste la note la plus positive de ce grand mélange des époques et des genres. Jay-Z se cherche un statut qui n’existe pas encore en cette fin d’année 2000. Avec le recul, il réussit à l’avoir, notamment avec “Empire State of Mind” son premier single numéro un au Billboard mais il a tout de même du mal à se renouveler. Un album qui relance le jeu mais pas avec les meilleures cartes.
11. Kingdom Come (2006)
L’album du retour du roi un peu fainéant. Après une retraite de trois ans, Jay-Z relance sa carrière d’artiste en grande fanfare avec Just Blaze et Dr. Dre dans le coin du ring. L’entrée “The Prelude” est vraiment excellente mais certains morceaux tournent en rond et il y a un ventre mou, le fameux bidon flasque.
La collaboration tant attendue avec Dre est assez décevante mais si “30 something” ou “Lost One” sont devenus des classiques du rappeur. Et il y a beaucoup de remplissage pour un album de retour. L’effet est réussi mais le fond n’est pas vraiment là, on ne retrouve pas le Jay-Z d’avant Fade to Black, le DVD de son concert final. Le contraste est saisissant même si certains titres restent ancrés dans notre mémoire, la force du Hova.
10. American Gangster (2007)
Après un Kingdom Come un poil en dessous, Jay-Z revient avec un album concept, accompagnant la sortie du film American Gangster de Ridley Scott. En choisissant la bande-son inspirée du biopic de Frank Lucas, Jay réalise une pirouette qui lui permet de reparler de son passé de vendeur de crack et de revenir à la source de sa musique de rue. Cette association lui donne aussi la possibilité de rendre son style encore plus cinématographique. Et pour donner cette dimension, Hova a les Hitmen derrière lui, les producteurs incroyables de la maison Bad Boy, à l’origine des albums de Notorious B.I.G., Ma$e ou The LOX.
Le résultat est très immersif, un parfait contrepoids de Kingdom Come un an plus tôt. Il comporte un single fort, “Roc Boys”, avec une symbolique énorme dans le clip. Et il a aussi des apparitions triées sur le volet : Lil Wayne, Nas et Beanie Sigel. Des amis devenus ennemis pour finalement refaire la paix derrière l’American Gangster. Un véritable hommage à l’héritage d’Harlem dans son ensemble, un projet assez confidentiel et crypté mais important dans la discographie de Jay-Z.
9. Watch The Throne (2011)
Il est difficile de voir cet album comme un de Jay-Z tellement l’empreinte de Kanye West est partout. Alors qu’Hova sort d’un Blueprint 3 un peu pompier, Kanye est en état de grâce avec son chef-d’œuvre My Beautiful Dark Twisted Fantasy. Donc WTT se retrouve forcément assez haut dans ce classement. Il a tout changé, donné la note des années à venir, celles des collaborations outrancières, des concerts géants, des mélanges ultimes et plus grands que l’Homme.
Mais Jay-Z y paraît un invité de luxe, un parrain en tournée finale, Don Corleone qui achète des oranges. Pourtant “Otis”, “No Church in the Wild”, “Made In America” et surtout “Niggas in Paris” (12 fois même) vont donner un nouveau souffle au daron Hova. Elle est ici sa vraie renaissance et elle est signée de son petit frère hyperactif. Sûrement la plus belle collaboration rap de tous les temps, dans ses qualités comme ses défauts. Plus rien ne sera jamais pareil.
8. 4:44 (2017)
Alors que les années 2010 nous ont offert un Jay-Z pompeux et assez indigeste, une surprise va finir de polir sa légende. Avec 4:44, Hova livre son album le plus personnel. Chaque morceau est un moment important ou compliqué de sa vie, une vision de sa position dans la société, de son rôle auprès de sa communauté et un regard sur la condition des noirs dans le monde. Porté par l’excellent “The Story of OJ”, l’interprétation du rappeur est très intime, comme s’il parlait tout doucement à notre oreille.
Pourtant les rimes claquent toujours comme un coup de feu dans une pièce vide. La production de No I.D. est totalement faite sur mesure, reprenant les standards des principales influences de Jay-Z : Nina Simone, Stevie Wonder, Donny Hathaway, The Isley Brothers et même les Fugees. En jouant avec un répertoire aussi connu, Jay-Z joue avec nos propres classiques pour développer un journal intime brut et sincère. À 48 ans, Jay-Z a peut-être réalisé là le meilleur album de rap mature de l’histoire.
7. Vol. 2… Hard Knock Life (1998)
L’album de la consécration. En 1998, Jay-Z est le meilleur rappeur qui soit. Avec “Hard Knock Life”, il invente une nouvelle façon d’être un tube. En mélangeant tout le meilleur des années 1990, il arrive à être à la fois Biggie et Nas. Il réalise le vrai rap populaire de fin de siècle, porté par des productions expérimentales de Swizz Beatz et Timbaland. C’est aussi le début d’une nouvelle ère avec la première apparition de Beanie Sigel sur “Reservoir Dogs”. En mélangeant l’énergie de Bad Boy et Murder Inc, Hova réalise vraiment la suite du Life After Death de Biggie qu’il cherchait à faire déjà sur In My Lifetime, Vol.1 sans les singles un peu ratés.
Malgré cela, l’album semble construit autour de ses points centraux : “Hard Knock Life”, “Can I Get A…”, “Nigga What, Nigga Who” et “Money Cash Hoes”. La plupart sont d’ailleurs tirés de bande-son de films de l’époque comme Rush Hour ou Le Corrupteur, laissant un peu un arrière-goût d’inachevé sur l’album dans son ensemble. Mais cela reste un des pics dans la carrière de Jay-Z, il est totalement insolent en rap de la première à la dernière rime.
6. In My Lifetime, Vol. 1 (1997)
Biggie est mort. Jay-Z perd un ami, un collègue, un modèle. Absolument tout dans cet album de Jay-Z sorti en 1997 est habité par la personnalité de Notorious B.I.G. L’ambiance, le choix des instrumentaux et des singles, les thèmes, les featurings… Et le résultat est forcément un peu mitigé, emprunt d’une mélancolie étrange, d’un costume parfois trop grand, souvent trop étriqué.
Il y a pourtant parmi les meilleurs morceaux de Jay-Z sur ce disque : l’incroyable introduction (“A Million”) “Streets is Watching”, “Rap Game / Crack Game”, “Where I’m From”, “You Must Love Me”, “Imaginary Player”, la liste est longue. Mais il manque un supplément d’âme, des singles moins à côté de la plaque et une ligne directrice plus franche. Jay-Z est encore entre deux mondes, la rue et la pop. Le succès commence et l’adaptation est en cours. Mais In My Lifetime, Vol.1 reste une œuvre charnière sur laquelle on revient souvent pour retrouver le Jay-Z humain, avec ses petites imperfections.
5. Reasonable Doubt (1996)
Le premier album qui a failli être le dernier. Quand Jay-Z arrive avec cette ogive, le rap change. Quelques mois après ces acolytes Nas et Notorious B.I.G., le rappeur propose une version crapuleuse et cinématographique de New York. Avec DJ Premier, Ski et Clark Kent à la production, il réalise un véritable tour de force qui le met directement dans l’œil du cyclone.
Les classiques sont légion, entre “Dead Presidents II”, “Brooklyn’s Finest”, “Ain’t No Nigga”, D’Evils” ou encore “Friend or Foe”. Certains titres moins en vue sont devenus des incontournables cachés comme “Regrets” ou “Coming of Age” avec le jeune Memphis Bleek. Tout est d’exception dans cet album que Jay-Z délivre à 27 ans, un âge déjà avancé pour un nouvel artiste solo.
4. The Dynasty : Roc La Familia (2000)
La fausse compilation qui va tout changer. En 2000, Jay-Z traîne alors avec les membres du State Property de Philadelphie : Beanie Sigel, Freeway, les Young Gunz, Peedi Crack… Il va les signer un à un sur son label Roc-A-Fella. The Dynasty est un témoin de cette époque où Beanie Sigel et Memphis Bleek apparaissent sur quasiment tous les morceaux. Pour Bleek, ça gâche un peu l’ensemble mais avec Beanie c’est de la chimie pure. Et puis il y a Scarface sur le monumental “This Can’t Be Life”, un vrai plus.
Et la production divisée entre Just Blaze, Kanye West, Bink, The Neptunes et Rick Rock fait des miracles. C’est un parfait laboratoire qui va mener à la folle formule de Blueprint. Mais surtout avec Rick Rock et Snoop Dogg, il apporte un son plus West coast, dans la lignée bondissante du 2001 de Dr. Dre. Sûrement une des périodes les plus consistantes de Jay-Z.
3. The Blueprint (2001) / Jay-Z : Unplugged (2001)
Le classique indémodable. Tout est cohérent et magnifiquement amené dans Blueprint. Les sonorités sont plus chaudes que sur les précédents projets de Jay-Z. L’équipe composée de Just Blaze, Kanye West et Bink ! fait des miracles en créant une ambiance confortable sur tout le long du disque. Il y a ici parmi les titres les plus puissants du rappeur de Brooklyn : “Heart of the City”, “Never Change”, “Song Cry”. Il y a aussi quelques bâtons de dynamite comme “Hola’ Hovito”, “U Don’t Know” ou “Renegade”, son pugilat mythique avec Eminem.
Jay-Z est totalement imprenable sur chaque morceau. Il est à la fois plus apaisé et plus dur que jamais, notamment sur le beef contre Nas et Prodigy sur “Takeover”. Si on ajoute le superbe Unplugged sorti la même année qui reprend une grande partie de Blueprint avec The Roots en back band, on obtient le plus beau combo de la carrière du rappeur qui sonne comme une reconversion dans l’entrée des années 2000. C’est un véritable album de réconciliation, celui qui va réduire les écarts entre rap mainstream et rap plus indépendant. C’est aussi le projet qui rendra possible la carrière de Kanye West en solo, en mélangeant si facilement gangsta rap et ambiance Native Tongue. Un jalon indispensable du rap mondial.
2. Vol. 3… Life and Times of S. Carter (1999)
Le point culminant du rappeur gangster. Avec ce volume 3, Jay-Z termine son incroyable marathon des années 1990 où il passe de second couteau au flow vitesse lumière à véritable ambassadeur du rap crapuleux de New York. Ses quatre albums sortis dans cette période sont exponentiels jusqu’à ce sombre et brutal sommet. Tout est plus dur, plus fort. “So Ghetto” est la plus grosse collaboration avec son comparse DJ Premier, Timbaland propose ses productions les plus expérimentales et abrasives sur “It’s Hot”, “Snoopy Track”, “Is That You Bitch” et l’incroyable “Big Pimpin'” avec UGK.
En invitant le duo texan, Jay-Z prouve aussi son ambition pour le sud des USA qu’il confirme en invitant aussi Juvenile des Hot Boys et Cash Money. C’est la dernière période avant l’ère Just Blaze/Kanye West et elle reste puissante et immersive comme cette introduction “Hova Song” qu’on retrouve à trois endroits différents sur l’album. La rappeuse Amil ajoute une touche d’efficacité et Beanie Sigel prend un peu plus de place pour donner l’album le plus hardcore du rappeur, contrebalançant le volume 2 beaucoup plus populaire. Niveau interprétation, Jay-Z est intouchable, chaque couplet est ciselé, brillant. Toute la fin des années 90 est emprisonnée dans ces 16 morceaux. Une pièce historique.
1. The Black Album (2003)
Le final incroyable qui n’en sera finalement pas un. En 2003, Jay-Z annonce sa retraite de rappeur à 34 ans. Il veut juste faire un dernier album, celui de la consécration, un blockbuster, un biopic avec un début et une fin. The Black Album est tout ça en même temps. 14 titres avec uniquement les producteurs phares de Jay-Z : Just Blaze, Kanye West, The Neptunes, Timbaland. DJ Premier n’est pas de la fête mais on retrouve DJ Quik, Rick Rubin et même un jeune 9th Wonder. Tout est fabriqué pour devenir un événement incroyable. Et ça marche.
Chaque morceau a sa propre histoire, son parcours unique. A voir et revoir dans l’excellent DVD Fade To Black où on perçoit une célébration unique de tout le rap de l’époque au Madison Square Garden. Tous à côté de Jay-Z pour son départ, pour son dernier moment de clairvoyance. Il est impossible de décrire toutes les réussites de Jay-Z mais celle de cette retraite à son top reste sûrement son plus beau tour de magie. Tout ce qu’il y aura après n’aura plus le même goût. Jay-Z est retourné dans l’obscurité et sa dynastie était exceptionnelle. Il ne peut que finir premier. Car c’était le dernier. Et les derniers seront les premiers.
Pour compléter ce top, voici une playlist qui revient sur la carrière exceptionnelle de Jay-Z avec 2h30 de tubes, morceaux cachés et incontournables. Elle a été diffusé sur Konbini Radio jeudi 5 décembre à 18h. Bonne écoute !