La justice brésilienne a annoncé lundi 7 août qu’elle suspendait la procédure pénale pour crime environnemental et homicide visant les responsables de la catastrophe du Rio Doce, advenue en novembre 2015 dans l’État du Minas Gerais, au sud-est du pays.
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Le 5 novembre 2015, 40 millions de mètres cubes de boue hautement toxique, issue de la rupture d’un barrage minier dans l’État brésilien de Minas Gerais, se déversaient dans le fleuve Rio Doce. Cette fuite, qualifiée de “pire catastrophe environnementale de l’histoire du Brésil”, a conduit à la mort de 19 personnes, la disparition d’un village de 600 habitants, la dévastation d’une quarantaine d’autres villages et laissé des dizaines de milliers de personnes sans eau.
Par ailleurs, une pollution au plomb, à l’arsenic et au chrome avait en outre tué des milliers d’animaux, dévasté des zones de forêt tropicale protégées, et contaminé durablement la faune et la flore locale sur 650 kilomètres, jusqu’à l’océan Atlantique.
Cette tragédie inculpe 22 personnes et quatre entreprises : la compagnie minière Samarco, à qui appartenait le barrage, ainsi que ses gérants et actionnaires, c’est-à-dire l’entreprise brésilienne Vale (premier exportateur mondial de minerai de fer), la compagnie anglo-australienne BHP Billiton, ainsi que la société d’ingénierie VogBR. Ces entreprises ont été condamnées à nettoyer les dégâts et à s’acquitter d’une amende de 5,4 milliards d’euros pour reconstruire la communauté et restaurer l’environnement.
Sauf que, depuis 2015 et les grandes déclarations de l’ancienne présidente Dilma Roussef, qui affirmait que la “réparation serait intégrale”, pas grand-chose n’a été fait. Pire : la justice vient de suspendre cette condamnation, comme le rapporte entre autres Le Monde. Une impunité tragique sur fond de corruption des gouvernants, qui donne le plein pouvoir aux lobbies anti-environnement et ouvre un boulevard à la surexploitation des ressources et à une pollution hors de contrôle.
Les lobbies anti-environnement font désormais la loi
La suspension de cette condamnation fait suite à la demande de l’un des avocats des prévenus, qui réclame tout simplement l’annulation de la peine de ses clients, au motif de l’utilisation de preuves illégales. Si l’État estime que leur responsabilité ne fait aucun doute et que les coupables devront payer un jour ou l’autre, la procédure est dans tous les cas ralentie, pour ne pas dire au point mort.
Une complaisance de la justice qui révolte les parties civiles sans même les étonner. Pour Le Monde, qui a interrogé des militants du Mouvement des victimes des barrages (MAB), cette complaisance est “le symptôme de la dérive d’un pays devenu otage des intérêts des compagnies minières forestières et agro-industrielles”, ce qui “confirme la dégradation des engagements du [Brésil] envers son patrimoine naturel”.
En effet, depuis plusieurs années déjà, les observateurs notent la progression fulgurante des représentants des lobbies de l’agrobusiness et de l’industrie minière au sein du Congrès. Quand d’autres dénoncent la corruption des hauts fonctionnaires, à l’instar de l’actuel chef d’État Michel Temer, qui négocient leur survie en marchandant des amendements avec ces lobbies.
Exemples : la réécriture en cours du code visant à réglementer l’exploitation minière dans le pays, l’invention de nouvelles règles sur les pesticides, renommés à l’occasion “défense phytosanitaire”, rédigées par des parlementaires financés par les entreprises de pesticides et l’agriculture industrielle, ou encore la réduction des zones protégées et des terres indigènes.
Et pendant ce temps, les assassinats d’activistes environnementaux se multiplient dans le monde. Et le Brésil est en première ligne de cette recrudescence de la violence, favorisée par la corruption des élites et une culture de l’impunité. Côté environnement, il faudra au moins dix ans pour réparer les dégâts, à supposer que les responsables soient un jour contraints de le faire.