Avant même d’avoir pu faire ses preuves sur la grande scène e-sport, la joueuse a quitté très rapidement son poste suite à du harcèlement.
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© Blizzard
On le sait, malgré une volonté explicite de harcèlement dans le règlement, l’e-sport demeure un domaine presque exclusivement réservé aux hommes. Si pendant longtemps, l’argument avancé était qu’il y avait de toute façon moins de joueuses en général, cet argument ne tient plus – si tant est qu’il ait un jour tenu. Le monde du sport électronique est à l’image de son grand-père le jeu en ligne : un espace où les femmes sont principalement rabaissées et considérées uniquement en fonction de leur genre.
Ces derniers jours, c’est la joueuse Overwatch “Ellie” (pseudo) qui en fait les frais. Elle avait rejoint fin décembre Second Wind, une équipe bien classée dans la ligue d’Amérique du Nord des “Overwatch Contenders” (compétition officielle). Or il n’aura fallu que quelques jours pour qu’un véritable déferlement de haine s’abatte sur la jeune femme, jusqu’à ce qu’elle finisse par quitter son poste par dépit avant même d’avoir pu participer au moindre match.
Unfortunately, due to some unforeseen reactions, Ellie has opted to step down from the team. We hope you continue to support her in her ventures in Overwatch as we will
— Second Wind (@SecondWindGG) 2 janvier 2019
Nouvelle arrivante sur la scène de la compétition, Ellie a été confrontée à de véritables théories du complot concernant l’authenticité de ses performances de jeu, et ce immédiatement après l’annonce. Une des principales hypothèses était qu’elle serait un joueur pro masculin se faisant passer pour quelqu’un d’autre avec une femme commentant à côté. Justin Hughes, propriétaire de Second Wind, a expliqué les “réactions inattendues” dans un thread Twitter :
“Lorsque nous l’avons intégrée à l’équipe, les gens ont vu un vrai symbole d’empowerement […]. Beaucoup étaient très positifs, mais d’un côté, nous avions des personnes qui remettaient en cause sa légitimité, proféraient des menaces, etc. et de l’autre côté, nous avions des gens qui agissaient comme s’ils avaient retrouvé leur Messie. […] Malheureusement la communauté Overwatch n’est pas prête à considérer une joueuse simplement et de la même manière qu’un autre joueur.”
En 2017, Kim “Geguri” Se-yeon avait dû subir les mêmes accusations en rejoignant les Shangai Dragons, devenant la première et unique femme de l’Overwatch League. Également accusée de triche, elle avait démenti et prouvé le contraire, rendant furieux nombreux de ses détracteurs, dont certains avaient même quitté la scène e-sport coréenne suite à cette affaire.
Ce phénomène de défiance et de sexisme généralisé dans la sphère e-sport n’est pas nouveau. Kate Mitchell, manager de l’équipe Washington Justice Washington Justice, déclare ainsi à Dot Esports :
“Nous avons vu cela dans les jeux depuis des années […]. Une génération de filles grandit en jouant ou en créant des jeux, elles réalisent vite que seule la réussite éclatante est un paratonnerre face au pire qu’Internet peut délivrer. Il faut beaucoup de courage pour se faire connaître.”
Mitchell rajoute que la responsabilité incombe aussi aux joueurs et au personnel de l’équipe d’agir en tant que “leaders moraux” :
“Les joueurs et les membres du personnel devraient s’exprimer davantage contre le harcèlement et faire savoir que cela n’est pas acceptable dans notre communauté. […] C’est quelque chose que nous pouvons tous mieux faire.”
Sur Twitter, les réactions sont nombreuses, beaucoup de joueuses témoignent par ailleurs de l’ambiance qui peut régner lorsqu’elles arrivent dans des équipes en ligne (que ce soit Overwatch ou League of Legends). Même dans des parties à classements et donc à niveau élevé, les réactions peuvent être très souvent puériles, agressives et démesurées, ce qui pousse beaucoup de femmes à tout simplement couper leur micro. Évidemment la communication étant plus difficile sans le vocal, la partie s’avère bien plus difficile pour elles ou leurs équipes qui peuvent allègrement leur retourner la responsabilité d’une défaite.
La scène e-sport est certes jeune mais elle évolue sans cesse, elle aspire à très grand. Cependant, avant de souhaiter par exemple rejoindre les Jeux olympiques, il lui faudra régler de manière bien plus radicale cet énorme problème de sexisme, que ce soit dans la communauté de fans ou des joueurs pro eux-mêmes.