Le PDG d’Amazon et Blue Origin investit chaque année un milliard de dollars dans sa société spatiale.
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“Un petit peu plus” d’un milliard de dollars de dépenses chaque année. Une alliance renouvelée avec le ministère américain de la Défense. Du tourisme lunaire en 2019. Un billion (mille milliards) d’êtres humains dans le Système solaire, quelque part dans un futur distant. Jeff Bezos ne se contente pas, avec Amazon, de nous vendre tout ce qui a une valeur marchande sur Terre, car il a dorénavant l’intention de tous nous envoyer dans l’espace. Le 15 octobre, l’homme s’est invité au Wired Summit de San Francisco, qui célèbre les 25 ans du magazine spécialisé, pour partager ses nouvelles ambitions spatiales. Attention, ambitions démesurées.
Priorité absolue pour l’homme aux 150 milliards de dollars : nous faire quitter la Terre, alors que l’urgence climatique devient vitale. Pour ce faire, l’entrepreneur compte sur Blue Origin, son entreprise d’aérospatiale privée qui, rappelons-le, avait battu sur le fil le SpaceX d’Elon Musk, en 2016, dans la course au lanceur réutilisable – même si la fusée de Bezos, New Shepard, était conçue pour des ambitions plus modestes.
En juillet, son entreprise faisait encore mieux en faisant atterrir son lanceur et une capsule d’équipage, inhabitée lors du test. Quelques mois plus tôt, Bezos avait déjà annoncé la couleur en expliquant vouloir construire une base lunaire permanente dans les années à venir. En d’autres termes, préparons-nous à entendre plus souvent parler de Blue Origin.
Des touristes spatiaux en 2019 ?
En attendant de mener à bien ce qu’il décrit comme “la chose la plus importante sur laquelle il travaille”, selon Recode, Bezos doit néanmoins s’entraîner à envoyer des gens dans l’espace et les faire revenir en un seul morceau ; ce que Blue Origin n’a pas encore essayé. D’où la phase de tourisme spatial. “Je suis optimiste sur le fait que ça se produise en 2019”, a-t-il confié lors du Wired Summit. “J’espérais que ça arriverait en 2018. Je répète à mon équipe que ce n’est pas une course. Je veux que ce soit le véhicule spatial le plus sûr de l’histoire.” Selon lui, la capsule peut envoyer six touristes dans l’espace.
S’il s’est refusé à donner des précisions sur la nature du voyage ou le prix du ticket, il a néanmoins affirmé que le vol se ferait sans personnel Blue Origin à bord – la capsule serait soit autonome, soit contrôlée depuis la Terre – et que les astronautes amateurs n’auraient besoin que “d’un jour ou deux jours d’entraînement.” En d’autres termes, peu de chances de voir ses touristes spatiaux sortir de l’orbite terrestre, du moins dans un premier temps, ce qui place la stratégie de Blue Origin plus proche de celle du Virgin Galactic de Richard Branson que de SpaceX, qui espère toujours envoyer son équipage d’artistes autour de la Lune en 2023.
L’appel du JEDI
Très bien, mais comment financer de telles expéditions ? Ce n’est pas un problème pour Bezos, qui compte dépenser un milliard de dollars chaque année pour son programme spatial et également multiplier les partenariats avec le ministère américain de la Défense. Le 11 octobre, Blue Origin annonçait qu’elle faisait partie des gagnants, avec Lockheed Martin et Boeing, d’un appel d’offres de l’United States Air Force à 2,3 milliards de dollars pour développer des lanceurs de satellites militaires. Montant du contrat : 500 millions de dollars.
Une nouvelle victoire qui ne va pas vraiment dans le sens du consensus moral de la Silicon Valley. Plusieurs entreprises du monde de la tech, comme Google, Microsoft et… Amazon, ont dû faire face à une vague de contestations internes après la divulgation de leurs projets gouvernementaux respectifs – le projet militaire Maven pour Google, une collaboration avec la police pour Amazon. Le 22 juin, des centaines de salariés signaient une lettre interne à l’intention de Jeff Bezos pour exprimer leur désaccord vis-à-vis de cette collaboration, plusieurs cadres menaçant même de démissionner. Aucune réaction de la part du PDG.
Contrairement à d’autres géants de la tech, qui jurent désormais leur dégoût des contrats militaires au nom de supposées valeurs morales, Bezos a le mérite d’être clair : il compte bien rafler un maximum d’appels d’offres gouvernementaux, tant avec Amazon que Blue Origin. Le 16 octobre, il s’est même permis de faire la leçon à Google : “Nous allons continuer à soutenir le ministère de la Défense”, a-t-il assuré, en brandissant l’argument du devoir patriotique. “Si certaines compagnies de la tech tournent le dos à la Défense, le pays va avoir des problèmes.”
Ce que Jeff Bezos oublie un peu vite de préciser, c’est que son entreprise tient la corde pour remporter un contrat d’hébergement cloud avec le Pentagone, appelé JEDI, au nez et à la barbe de Microsoft et d’IBM. Un contrat de dix ans… et de dix milliards de dollars. Une somme à la hauteur de ses ambitions spatiales. Tant pis pour les états d’âme.