Cofondatrice de la marque Ambush et directrice des bijoux Dior Homme, Yoon Ahn dévoile sa collab’ avec le géant du sportswear.
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De passage à Paris le 3 décembre dernier, Yoon Ahn a présenté sa collection Nike x Ambush. (© Nike)
Lundi 3 décembre, 14h30, au showroom parisien de Nike. Dans les couloirs de l’appartement haussmannien se croisent tour à tour Grace Ladoja, fondatrice de Metallic Inc. et manager du prolifique Skepta, Kiddy Smile, chanteur, producteur et figure phare de la scène voguing, ou encore Sita Abellan, connue pour ses looks extravagants qui ont su séduire près d’un demi-million de personnes sur Instagram.
Originaires de Paris, Londres ou Madrid, ces figures de la scène mode et musique se sont donné rendez-vous pour célébrer la première collaboration entre l’équipementier américain et leur amie Yoon Ahn, l’une des créatrices les plus convoitées du moment. Et pour cause : à 41 ans, cette Américano-Coréenne désormais installée à Tokyo possède un CV prestigieux.
Cofondatrice (aux côtés de son mari Verbal) de la griffe Ambush, dont les colliers porte briquet ou cadenassés ont été aperçus au cou d’artistes comme Kanye West et Rihanna, finaliste du prix LVMH 2017, nommée directrice de la création des bijoux Dior Homme par Kim Jones en avril 2018, la joaillière vient de donner vie à une détonante collaboration avec la marque à la virgule : Nike x Ambush. Un parcours inspirant, sur lequel elle revient pour nous.
Pantalons aux bandes 3M et vestes réversibles : un aperçu de la collection Nike x Ambush. (© Nike)
“Tu ne peux que te trouver en te cherchant”
Konbini | J’aimerais d’abord revenir sur tes débuts. En 2008, tu décides, aux côtés de ton partenaire Verbal, de créer la marque de bijoux Ambush. Qu’est-ce qui vous a encouragés à vous lancer dans cette aventure ?
Yoon Ahn | Nous nous sommes lancés parce que nous en avions besoin. Je crois que, lui comme moi, nous avions en nous cette irrépressible envie de créer, tout en sachant que nous avions un goût très prononcé pour le DIY. C’est via cette mentalité DIY que nous avons d’ailleurs commencé à créer des bijoux. Nous avions le désir de bijoux spécifiques mais que ne trouvions pas sur le marché, et du coup, nous avons décidé de les créer nous-mêmes. Au départ, ça a été un collier, puis une paire de boucles d’oreilles… Et puis on ne s’est plus jamais arrêté. Et Ambush est née.
Les inspirations de vos créations avec Ambush semblent très variées, puisque provenant aussi bien des objets du quotidien que de la pop culture ou du hip-hop…
Oui c’est vrai, il n’y a jamais eu une seule et unique inspiration. Je crois que nous avons simplement été honnêtes dans nos créations, sans chercher à calculer ce qui pourrait être cool ou non, ni à penser en termes de vente. Tu sais, nous n’avions aucune idée de ce que le marketing était en nous lançant là-dedans ! Il s’agissait simplement de créer des choses que nous avions envie de porter nous, à un certain moment de nos vies.
Et puis comme tu le sais, les gens, les créatifs notamment, passent par de nombreuses phases au cours de leur vie, et ça se ressent forcément dans leurs créations. En ce qui me concerne… J’ai eu de nombreuses phases [rires]. Il y a eu une période où j’étais très rockabilly, et puis je suis passée par une phase plus club et EDM, après ça j’étais davantage portée sur l’électro… Et donc, tous les projets étaient le résultat de ces phases par lesquelles nous passions. Nous ne réfléchissions pas tellement à ce que nous faisions : nous le faisions, simplement.
Yoon Ahn. (© Nike)
Qu’est-ce que cette expérience avec Ambush t’a apporté, à titre personnel ?
Je crois qu’en un sens, le fait de ne pas penser outre mesure à la direction que nous prenions nous a aidés à conserver notre inspiration, notre motivation, et à nous trouver aussi je crois, en tant que personnes. Je dis souvent cela aux jeunes gens : quand tu es jeune, tu as le temps, alors utilise ce temps pour t’amuser et créer le plus de choses possibles. Parce que ce n’est que comme ça, en vivant réellement les choses, que tu vas finir par te façonner ta propre esthétique, par te tracer ton propre chemin.
Ça ne sert à rien de suivre les tendances, de suivre ce que le monde nous dicte, ou de simplement collecter des images sur Internet, tranquillement assis derrière ton écran . Au contraire, il faut suivre ses envies personnelles, et les vivre pour mieux se connaître et avancer. C’est vraiment important. Tu ne peux que te trouver en te cherchant, et en vivant les choses à fond.
“Les rappeurs m’ont toujours fascinée pour leur grande liberté”
Les bijoux que vous avez créés avec Ambush ont été portés par des rappeurs tels que Kanye West ou A$AP Rocky. La culture hip-hop, c’est quelque chose qui vous inspire ?
Oui, beaucoup ! Si tu remontes aux origines du hip-hop, et au message que celui-ci véhiculait au début… Cette culture a notamment porté l’idée qu’il était possible de partir de rien et de parvenir à ses fins par l’art. Il y a une vraie puissance dans ce message, quelque chose d’inspirant et d’élévateur, que les artistes hip-hop véhiculent, encore aujourd’hui, à travers leur performance, leurs attitudes… Ils incarnent réellement ce message.
Et puis, si tu regardes des gens comme Big Daddy Kane, Ghostface, Slick Rick… Ces mecs-là ont toujours porté énormément de bijoux, et c’est assez fou quand on y pense ! Parce que la société a tendance à vouloir définir ce qui doit être considéré comme masculin et comme féminin, mais quand tu vois ces mecs-là, avec leurs énormes colliers en or… Ils n’ont pas peur d’être associés à des choses considérées comme “féminines” par la société. Et les rappeurs m’ont toujours fascinée pour ça, pour leur grande liberté.
En 2015 avec Ambush, vous décidez de lancer une collection de vêtements qui s’adresse aussi bien aux hommes qu’aux femmes… L’idée d’une ligne unisexe est donc quelque chose d’important pour vous ?
Oui ! Avec Ambush, nous avons effectivement commencé par faire des bijoux, et pour moi ce ne sont pas des accessoires genrés. Une bague est une bague, un collier est un collier, une boucle d’oreille est une boucle d’oreille… Tout le monde peut les porter. Et quand nous avons commencé à faire des vêtements, nous avons poursuivi ce mode de pensée. Je n’avais pas envie qu’il y ait de séparation entre les hommes et les femmes dans mes créations. Sans doute parce que je porte moi-même beaucoup de vêtements destinés aux hommes.
Et puis, je pense que le fait que nous vivions au Japon joue aussi beaucoup dans cette décision. Chez nous, l’idéal masculin ou féminin est un peu différent de vos conceptions occidentales. Les hommes asiatiques ont totalement le droit d’être ce que l’on considère encore comme “féminin”, c’est même normal. En Corée par exemple, personne ne trouve ça bizarre que les hommes se maquillent ! Donc le fait de venir de cette culture nous a sans doute encouragés à nous affranchir des barrières de genre.
Nike x Ambush. (© Nike)
“Des vêtements qui puissent m’aider à rester performante tout au long de la journée”
Cette idée de vêtements unisexes, tu la poursuis aujourd’hui à travers la collection Nike x Ambush, qui sort ce 6 décembre. Comment est née cette collaboration ?
Nike m’a contactée il y a environ un an et demi, juste après la finale du prix LVHM [Yoon Ahn a fait partie des huit créateurs finalistes du prix LVHM 2017, NDLR], en me proposant de collaborer avec eux. Je connaissais certains membres de l’équipe depuis quelque temps à cette époque, mais quand ils m’ont concrètement fait cette proposition… C’était un rêve devenu réalité [rires] ! Sincèrement.
Parce que pour moi, Nike s’est toujours battu pour mettre en lumière les plus grands athlètes de notre époque. Et pour moi, ces grands athlètes incarnent des genres de super-humains, de super-héros qui t’encouragent toi-même à devenir le meilleur dans ta catégorie, dans ton domaine. Donc quand ils m’ont contactée… Je me suis juste dit : “Ok, donc je vais travailler avec les meilleurs. Let’s do this !” [rires]
En découvrant la collection Nike x Ambush, les deux mots qui me sont venus à l’esprit sont “confort” et “futuriste”. Est-ce que ce sont des notions qui t’ont inspirée pour créer cette ligne ?
Oui, tout à fait ! J’ai eu beaucoup d’échanges avec l’équipe de Nike durant la création de cette collection, je me suis plongée dans leurs archives… Les ressources me paraissaient infinies, parce qu’ils sont à l’origine de tonnes et de tonnes de produits inspirants. Et puis les budgets étaient plus importants que ceux avec lesquels j’ai l’habitude de travailler chez Ambush, où je suis habituée à me limiter.
Donc j’ai essayé de ne pas me laisser submerger par toutes ces informations, et au bout du compte, ma réflexion a été celle-ci : en tant que consommatrice, en tant que femme, qu’est-ce que j’aimerais qu’une collaboration entre Ambush et Nike m’apporte ? Si j’entre dans une boutique Nike demain, qu’est-ce que j’aimerais trouver, moi qui ne suis pas une athlète ?
Et donc j’ai commencé à réfléchir en fonction de mon mode de vie personnel, en me disant : “Ok, j’ai des journées super chargées : je vais au sport, au travail, j’ai des rendez-vous, je vais boire un verre… Et je n’ai pas toujours le temps de rentrer chez moi pour me changer. J’ai donc besoin d’une tenue qui puisse me suivre dans toutes ces activités.”
L’idée de cette collection était donc de créer des vêtements qui puissent m’aider à rester performante tout au long de la journée, dans mon domaine à moi. De penser une ligne qui va au-delà du sport, mais qui garde cette idée de performance. D’où la veste reversible par exemple, qui offre plusieurs possibilités. Et bien sûr, l’idée de confort a été au cœur de ma réflexion ! De façon générale, les vêtements devraient toujours être confortables.
L’Air Max 180 revisitée par Yoon Ahn. (© Nike)
On a parlé des vêtements de cette collection Nike x Ambush, mais il y a aussi des baskets. Pourquoi avoir choisi de revisiter l’Air Max 180 ?
Pour la simple et bonne raison que c’est la première paire de baskets que je me suis achetée quand j’étais enfant. Je suis littéralement tombée amoureuse de cette paire [rires]. Je ne suis pas une grande experte en matière de sneakers, mais je me souviens très bien du jour où j’ai découvert les Air Max 180, dans un magazine… Elles avaient quelque chose de tellement futuriste, avec ce coloris rose et bleu ciel ! Elles m’ont vraiment marquée.
C’est pour ça que je voulais travailler sur ce modèle, parce qu’il symbolise quelque chose de moi. Et puis ça m’a permis de le revisiter à ma manière aussi, en y apportant ma vision. L’idée de la fermeture Éclair que l’on ouvre et qui laisse apparaître un motif différent de celui qui habille l’extérieur était une façon de nous symboliser nous tous, les êtres humains. De rappeler qu’il y a toujours quelque chose de plus profond à l’intérieur, et qu’il ne faut jamais s’arrêter sur les apparences.
“Travailler avec une marque de sport comme Nike a été très enrichissant”
Je crois que 2018 a été une année importante pour toi : il y a cette collaboration avec Nike, mais tu as également été nommée directrice de la création des bijoux Dior Homme au printemps. Comment as-tu réagi quand Kim Jones, directeur artistique de Dior Homme depuis mars 2018, t’a approchée ?
J’étais très heureuse ! Et je suis extrêmement reconnaissante envers Kim [Jones], qui a cru en moi. C’est vraiment génial de pouvoir travailler sur une plateforme aussi imposante que Dior, d’autant plus que l’équipe est constituée de gens réellement bienveillants. Sérieusement, il y a un super esprit d’équipe, tout le monde a conscience de la tâche à accomplir. Nous travaillons main dans la main, conscients du fait que nous devons écrire un nouveau chapitre pour la maison, dans l’idée de dessiner un nouvel héritage. C’est très excitant.
Nike x Ambush. (© Nike)
Est-ce si différent du travail que tu mènes avec Ambush ?
En fait, c’est un peu plus facile, parce que je n’ai pas à décider de quoi que ce soit [rires] ! Kim décide de la direction à prendre, donc je n’ai plus qu’à venir ensuite avec mes idées. Je pense que c’est beaucoup plus dur quand il s’agit de ta propre entreprise, parce que c’est à toi de prendre les décisions, seul, de prendre le risque, seul, et d’en assumer les conséquences (seul)… Tu as sans doute plus de liberté en un sens, mais tu as aussi tous les risques possibles.
Mais tu sais au final, le business, c’est le business, et tout ce que j’ai appris avec Ambush, je l’applique aujourd’hui chez Dior. Et puis, au-delà de la partie business, j’ai aussi ma propre boutique [Ambush a ouvert sa première boutique à Tokyo en 2016, NDLR], et donc j’ai également acquis cette connexion avec le client, et je pense que c’est un avantage par rapport à une personne qui ne serait restée que du côté du design, dans un bureau, tu vois ? D’une certaine façon, j’ai une vision à 360 degrés sur la façon dont tout cela fonctionne.
Du coup, quelle est la suite pour toi, pour 2019 ?
Tu sais, je prends les choses comme elle viennent, une par une. J’ai envie de continuer à faire des projets qui comptent. Pour moi, il ne s’agit jamais de faire du buzz, ou de faire des choses par vanité : je veux être sûre de travailler sur des projets dont je resterai fière, même dans dix ans. Des projets qui ont du sens, et qui m’apprennent également des choses. J’ai envie de continuer à évoluer.
Ce qui me guide depuis le début, finalement, c’est cette question : “Que vais-je pouvoir apprendre ? Quel nouvel enseignement vais-je pouvoir tirer de cette nouvelle expérience ?” En tout cas, travailler avec une marque de sport comme Nike a été très enrichissant pour moi. Parce que c’était totalement nouveau, et plein de challenges. Nous verrons bien quelle sera la prochaine leçon à apprendre !
Nike x Ambush. (© Nike)
Les vêtements de la collection Nike x Ambush sont disponibles depuis le 6 décembre sur l’e-shop de Nike. L’Air Max 180 tirée de la collaboration sera quant à elle commercialisée au printemps 2019.