Interview : bienvenue dans l’ensorcelante nébuleuse de Kwamie Liv

Interview : bienvenue dans l’ensorcelante nébuleuse de Kwamie Liv

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Kwamie Liv

Avec son premier album Lovers That Come and Go, la Danoise nous transporte dans une atmosphère sensuelle et envoûtante, où les relations humaines se font et se défont au ralenti.

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© Kwamie Liv

Elle nous accueille avec le même sourire chaleureux que nous lui trouvions il y a quatre ans, quelques heures avant son passage sur la scène du Pitchfork Avant-Garde Paris. “Je suis trop contente de vous revoir !” Toujours enveloppée dans un confortable ensemble noir, coiffée de son éternelle chevelure ébène, l’interprète de “5 AM”, remarquée pour en 2015 pour son EP Lost in the Girl, semble ne pas avoir changé d’un fil. Un peu comme si nous l’avions quittée hier.

Sa musique, sorte de R’n’B indie qu’elle précise aujourd’hui à travers son premier album Lovers That Come and Go, semble ne pas avoir changé, elle non plus. Bien que plus acoustique que par le passé, elle continue de nous envelopper dans une ambiance vaporeuse et lascive, mélancolique bien souvent, qui nous transporte dans les émotions les plus enfouies de sa créatrice. Cette dernière nous en raconte la genèse, le sens, et la mission.

“J’ai appris à être patiente, à autoriser l’inspiration à entrer en moi”

Konbini | La dernière fois que nous discutions ensemble, c’était en 2015 sur le tournage de ton clip “Higher”, quelque temps après la sortie de ton premier EP Lost in the Girl. Que s’est-il passé pour toi depuis ?

Kwamie Liv | Oh mon Dieu… tellement de choses ! J’ai d’abord sorti deux autres singles, “Perfect Grace” et “Pleasure This Paint”, en collaboration avec Angel Haze. J’ai également composé un morceau pour la bande-originale d’un film danois, Gold Coast, et réalisé par mal de concerts, un peu partout. Et puis bien sûr, et c’était le plus important, j’ai passé énormément de temps à travailler sur ce premier album, Lovers That Come and Go.

Justement, à une époque où les artistes sont encouragés à sortir leur premier album très rapidement, tu sembles avoir eu le désir de prendre ton temps…

Oui, c’est vrai. J’avais envie de créer quelque chose qui me satisfasse pleinement, et cela peut aussi bien prendre trois mois que deux ans ! Donc j’ai appris à être patiente, à autoriser l’inspiration à entrer en moi quand je le sentais, pour finalement atteindre ce point où je me suis sentie pleinement satisfaite. Où j’ai eu l’impression d’avoir réussi à donner vie à une œuvre personnelle et entière. Donc ça a pris le temps que ça a pris, mais je suis très heureuse d’avoir laissé à ce projet la place de mûrir, et de devenir ce qu’il est aujourd’hui devenu.

Ton album sort ce 9 novembre. J’imagine que tu es traversée par plein de sentiments différents : l’excitation sans doute, l’appréhension aussi peut-être… comment te sens-tu ?

J’espère évidemment que les gens aimeront cet album, qu’il réussira à les séduire, après tout c’est tout ce qu’un artiste fier de sa création peut espérer. Mais… je ne peux pas vraiment dire que je suis nerveuse. Si je n’avais pas pris le temps dont j’avais besoin pour mettre sur pied cette œuvre dont je suis aujourd’hui si fière, alors oui, je le serais sans doute. Mais à l’heure actuellement, je suis surtout super excitée, et je me sens prête à le laisser s’envoler, à le laisser avoir une nouvelle vie loin de moi. C’est mon bébé, mais il est temps pour lui de vivre sa vie.

“Mon job à moi consiste à traduire les émotions qui se trament au fond de moi”

Sur Lovers That Come and Go, ce premier album, ta musique paraît plus introspective que jamais. Qu’est-ce qui t’a inspiré pour l’écrire ?

Je voulais créer une fenêtre sur ce monde dans lequel les “lovers come and go”. Mais il ne s’agit pas uniquement d’amants qui sont entrés et sortis de ce monde, de ma vie ; ce n’est pas aussi spécifique. Il s’agit surtout d’une humeur, d’une atmosphère qui est à la fois temporaire, intime et sensuelle, et dans laquelle naissent plein d’émotions différentes.

Comme la mélancolie, par exemple, qui est très présente…

Oui, tu as raison. Ceci dit, ce n’est pas quelque chose auquel je pense consciemment. Quand j’écris, je ne me dis pas : “Oh, j’aimerais que l’on ressente telle ou telle émotion.” Non, je me mets face à moi-même, je me vide, et je laisse sortir ce qui doit sortir. Écrire, c’est vraiment un moyen pour moi de me rééquilibrer.

Donc cela fait sens, finalement, que certaines des choses qui sortent de moi soient parfois mélancoliques, parce que je me vide littéralement de toutes mes émotions, et de tous ces visuels qui tournent dans ma tête aussi. Après, les gens l’interprèteront comme ils le souhaitent – ils auront peut-être envie de danser sur tel titre, et ils trouveront tel autre titre plus triste. Mais mon job à moi consiste à traduire les émotions qui se trament au fond de moi.

© Kwamie Liv

Y a-t-il un message précis que tu souhaites véhiculer à travers Lovers That Come and Go ?

J’ai à cœur de laisser le choix de l’interprétation aux gens qui l’écouteront, je n’ai pas envie de contrôler la façon dont ils liront l’album. L’idée, c’était de créer un projet sensuel et authentique. Sur lequel tu puisses faire l’amour, ou marcher seul sous la pluie, ou parcourir de longues routes.

Quand je l’écoute, je m’imagine conduire au beau milieu du désert américain, avec des motels qui défilent sur le côté de la route [rires]. Je me projette littéralement dans ce genre d’atmosphère, d’images cinématiques. La plupart des chansons qui composent Lovers That Come and Go ont été écrites et produites durant les quelques heures qui précédent l’aube. C’était beaucoup de sessions nocturnes, avec beaucoup de moments où je rentrais chez moi au petit jour… et je crois que cette atmosphère nocturne dans lequel l’album a été créé est complètement perceptible quand tu l’écoutes.

“Avec la musique, on peut revenir à des moments que l’on a perdus, et s’avancer vers d’autres que nous attendons”

Finalement, dirais-tu que ta musique a changé depuis Lost in the Girl, ton premier EP ?

Je ne crois pas. Même s’il y a beaucoup plus d’éléments acoustiques sur cet album, en comparaison à Lost in the Girl, je n’ai pas l’impression d’avoir créé quelque chose de radicalement différent de ce que je faisais au tout début. Je crois que cet album continue de s’inscrire dans cette sensualité que j’ai créée avec mon premier single “5 AM”, et qui finalement est peut-être l’ADN, le noyau de ce que j’aime et de ce que je suis.

Tu parlais tout à l’heure de visuels, et je sais que tu as réalisé plusieurs de tes clips, dont “Sweet Like Brandy”. À quel point l’image est importante pour toi ?

J’adore le fait de réaliser mes clips, et j’espère pouvoir continuer à développer cet aspect-là de ma créativité. En fait, j’ai réalisé tous mes clips jusqu’ici, sauf celui de “Higher”, et ça a été très enrichissant, car j’ai beaucoup appris durant ces projets.

J’aime l’idée de pouvoir explorer, de pouvoir m’avancer dans le plus de directions artistiques possibles, ou en tout cas dans celles qui m’attirent – la musique, le dessin, ou la réalisation… Quand j’aime faire quelque chose, je me sens complètement attirée vers cette chose, et j’utilise cette force pour le faire. Et je m’emballe d’ailleurs, souvent [rires]. D’ailleurs, à termes, j’adorerais pouvoir réaliser des clips pour d’autres artistes.

Justement, qu’as-tu trouvé dans la musique que tu n’as su trouver dans aucun autre moyen d’expression ?

Hmmm… disons que, c’est l’écriture qui m’a amenée à la musique, et après ça, je me suis dit que ce serait bien de m’essayer à un instrument, à la production, à la réalisation de clips… Et ce qui m’attire dans tout ça, dans la musique, c’est que c’est quelque chose de complètement libre. Il n’y a aucune règle, aucune limite.

Si on le veut, on peut mettre une feuille de papier en face de nous deux, là tout de suite, écrire une phrase et emprunter une direction, celle que l’on veut, et devenir qui l’on veut. On peut aussi revenir à des moments que l’on a perdus, ou s’avancer vers d’autres que nous attendons, ou souhaitons créer. Et pour moi, c’est une magnifique et sublime expression pour tout à chacun de s’exprimer.

L’album Lovers That Come and Go de Kwamie Liv est disponible depuis le 9 novembre 2018.

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