La discographie de Nas est aussi constante que compliquée. Certains moments touchent à la grâce, d’autres montrent tous ses défauts. Après une entrée fulgurante sur Illmatic et It Was Written, Nasir Jones a parfois traversé le désert avec des choix incompris, des guerres compliquées et une vie dissolue.
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Pourtant son écriture est toujours intacte, chargée d’images universelles, de détails poignants et de rythmiques uniques. Après le déséquilibre des albums Iam et Nastradamus puis le retour en force avec Stillmatic, Nas avait pris le temps de trier ses maquettes, démos et autres invendus au fond de ses tiroirs.
It Never Ends
Il en était sorti The Lost Tapes, une compilation sans direction particulière avec les meilleurs morceaux de Nas, toutes époques confondues. Avec un dénominateur extrêmement déroutant : tous les morceaux semblent écrits et enregistrés dans un même espace-temps alors que souvent plusieurs années les séparent. Comme si Nas était totalement intemporel.
17 ans après, Nas fait le ménage dans son grenier. En se basant sur les sessions de Hip Hop is Dead, Untitled, Life is Good et Nasir, il sélectionne les moments coupés au montage, les longueurs qui ne passaient pas, les hors sujets. Et encore une fois, l’ensemble paraît hors du temps, sans date, alors que certains morceaux ont été enregistrés il y a presque 15 ans et d’autres il y a quelques mois.
Et la liste des producteurs semble extraite d’une fan fiction : Pharrell, Kanye West, No ID, RZA, Pete Rock, DJ Dahi, Swizz Beatz, The Alchemist, Hit-Boy… De ce casting rêvé, il manque juste DJ Premier bizarrement, alors que les deux sont censés avoir un album en boîte.
Al Jarreau du rap
Nas se permet même un usage récréatif des mots avec Al Jarreau comme si c’était une comptine pour enfant en suivant la mélodie. Il rend ainsi un hommage ludique et important à la star du jazz, décédée en 2017, grande influence du rappeur américain. Et le titre est équivoque, Nas peut clairement revendiquer l’intitulé de “Jarreau of Rap” pour sa versatilité, ses standards et son côté éternel.
Les moments forts restent les deux retours de RZA et Pete Rock sur deux productions chacun. Bruts, simples et honnêtes, ils offrent à Nas les parfaites pistes d’atterrissage pour des couplets sans fin et exutoires. Un bel ouvrage.
C’est presque l’ironie des Lost Tapes : les chutes de Nas sont parfois plus réussies que ses albums. Comme si les choix de Nasir Jones avaient toujours été maudits depuis le début.
Nas a annoncé la sortie possible de volumes 3 et 4 dans un futur proche. Comme s’il avait compris que ses compilations détendues étaient plus consistantes que ses projets d’albums plus alambiqués. La meilleure direction de Nas est quand il n’en a pas. Après 25 ans de carrière, le rappeur du Queensbridge a peut-être trouvé son essence.