Ils ont attendu 17 heures pour aller voter Macron, et lui montrer qu’ils n’adhèrent pas à son projet

Ils ont attendu 17 heures pour aller voter Macron, et lui montrer qu’ils n’adhèrent pas à son projet

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Finalement, une pétition les a aidés à trouver un compromis : ils vont voter à partir de 17 heures. D’abord, pour attendre d’avoir les chiffres de la participation et se déplacer afin de ne pas favoriser l’abstention, et surtout, pour montrer que leur bulletin n’est pas un vote d’adhésion, mais uniquement un barrage de plus au Front national. Trois d’entre eux nous racontent pourquoi ils ont fait ce choix.

“Honnêtement, ça m’a donné envie de vomir”

Jessica, 27 ans, conseillère en immobilier à Toulouse, a voté pour Benoît Hamon au premier tour : “Je voulais me laisser le choix de prendre quelqu’un proche de mes convictions, autant sur le plan humain que sur le plan écologique”, explique-t-elle. À l’annonce des résultats et de la cuisante défaite du candidat socialiste, c’est pire que de la déception. “Honnêtement, ça m’a donné envie de vomir, confie-t-elle. J’avais l’impression d’être prise au piège et de ne pas pouvoir faire un choix proche de mes valeurs.”
“Pendant longtemps, j’ai hésité à m’abstenir. Mais quand j’ai vu le nombre de personnes voulant le faire, je me suis dit que c’était comme laisser une chance à Marine Le Pen de passer.” Jessica tombe alors sur un article du Monde qui relaie l’idée du vote à 17 heures et y trouve “une alternative”. Après un long moment de réflexion pour ne pas “[s]e laisser influencer et altérer [s]on jugement”, elle décide d’aller voter Macron après 17 heures. “Pour moi, c’était une façon de montrer que je ne votais pas pour Macron, mais contre Le Pen. Participer à cette action était ma seule façon d’exprimer mon opposition.”

“J’ai changé 4 000 fois d’avis et retourné le problème dans tous les sens”

Jonathan a 25 ans, il est diplômé d’un master de Science politique à Montpellier et cherche activement un emploi. Au premier tour, il a voté pour Mélenchon, touché par les questions de justice sociale et de transition écologique. Après “la poudre aux yeux” lancée par le candidat de la France insoumise, c’est la déception. Voter blanc, voter Macron ? “J’ai changé 4 000 fois d’avis et retourné le problème dans tous les sens, mais Le Pen me faisait tellement peur”, confie-t-il.
Pendant deux semaines, il assiste à ce “matraquage médiatique” qui lui ordonne presque de voter Macron, ce qu’il trouve “particulièrement malhonnête” et même presque contre-productif. “Ça n’a pas marché sur moi”, souligne Jonathan qui explique en avoir plutôt discuté avec ses amis. La pétition l’aide alors à faire son choix : il trouve l’idée “pas bête”, même s’il n’a “pas l’impression que ça va changer grand-chose.”
Mais Jonathan prévient le vainqueur : “Ce n’est pas parce que j’ai voté pour lui que je vais lui laisser carte blanche.” Il sera le premier dans la rue si Macron fait passer des lois par décret. Au vu des résultats du premier tour, il pense que les législatives vont diviser le pays, qui se trouve déjà très “morcelé” : “La France sera ingouvernable pendant cinq ans, je ne le vois pas  fédérer.” Et même s’il a fini par voter Macron pour faire barrage au Front national, Jonathan assure que c’est sûrement “une des dernières fois” qu’il le fera, et finira certainement par leur dire : “Allez vous faire foutre.”

“J’ai regretté mon vote à la minute où j’ai entendu les porte-parole parler d’un vote d’adhésion”

Julien, 23 ans, étudiant en médecine à Limoges, a voté pour Mélenchon au premier tour de cette présidentielle, comme il l’avait fait lors de son premier vote, en 2012. Seulement, cette fois-ci, il s’attendait vraiment à quelque chose : “C’était spécial, toute la journée du vote, l’ambiance était très euphorique en ville et à mon bureau de vote”, explique-t-il. Alors, forcément, lui aussi a ressenti une énorme déception après les résultats.
Dès lors, que faire au second tour ? “J’ai énormément hésité entre voter blanc et voter Macron, surtout vu son attitude pendant cet entre-deux-tours.” C’est finalement grâce à la pétition que le jeune homme s’est décidé à choisir Macron, pour contrer le FN. “C’est comme ça que je me suis résolu, en attendant 17 heures. D’abord, pour jouer sur les chiffres de la participation, et surtout pour faire passer le message que mon vote ne valait pas adhésion à son projet”, explique cet “insoumis”.
Le message est-il passé ? “Clairement, non. Je pense que la leçon de ce scrutin sera peu à peu effacée. Macron a bien dit qu’il entendait les protestations, mais c’est ce qu’ils disent à chaque fois et, au final, ils font ce qu’ils veulent”, affirme-t-il, visiblement dépité. “J’ai regretté mon vote à la minute où j’ai entendu Bayrou puis l’une de ses porte-parole déclarer sur les plateaux télé que 65 % des Français avaient voté pour le projet de Macron, ce qui lui offrait une légitimité.”
Ce vote a donc un goût amer pour ces électeurs de gauche, qui semblent s’être résignés, peut-être pour la dernière fois, à faire le sale boulot.