En images : elle a quitté sa vie pour élever des huskies en Laponie

En images : elle a quitté sa vie pour élever des huskies en Laponie

Le photographe Brice Portolano a grandi dans le Sud de la France et habite aujourd’hui à Paris. Et bien que la vie urbaine lui plaise, l’artiste reste fasciné par le retour à la nature. En 2013, il s’est lancé dans No Signal, un projet à propos duquel il se confie ici, à travers un reportage en Laponie.

À voir aussi sur Konbini

En 2013, j’ai débuté No Signal, un projet photographique qui vise à documenter le retour de l’homme à la nature dans le monde occidental. C’est un projet autoproduit qui m’a fait voyager dans des endroits très sauvages et m’a permis de faire de sacrées rencontres. Après l’Alaska, l’Utah, les Alpes et les Calanques, je suis parti en Laponie début janvier pour boucler ce projet.

Là-bas, j’ai photographié le quotidien de Tinja, 32 ans. Il y a quelques années, elle a quitté la ville après ses études de biologie pour vivre en pleine nature. À 290 kilomètres de la ville la plus proche, elle élève des chiens de traîneau avec Alex, son copain qui est musher professionnel.

Au cours des deux semaines passées en sa compagnie, j’ai partagé son mode de vie dans une cabane sans eau courante ni électricité, découvrant la vie du Grand Nord par des températures frôlant les -40 °C. Je vous propose de partir à la découverte, en 15 photos, de l’histoire de ces amoureux du froid et de la nature.

“Chaque soir les aurores boréales dansent dans le ciel et on finirait presque par s’y habituer si elles n’étaient pas aussi impressionnantes. À droite de la silhouette, on distingue un tas de glace et un pic en métal. C’est là que chaque matin je casse la glace pour puiser l’eau dans la rivière”

“Guider un traîneau demande une certaine vigilance mais assez peu d’efforts physiques. Au cours d’une journée d’expédition par -30 °C, il arrive régulièrement de perdre la sensibilité au niveau des doigts et des orteils, même avec un bon équipement.

Il faut être assez vigilant parce qu’on oublie vite cette perte de sensibilité et, si les extrémités sont privées de sang pendant une trop longue période, on risque l’amputation. D’ailleurs, trois semaines après mon retour, je n’ai toujours pas récupéré la sensibilité au niveau de deux orteils”

“-5 °C, c’est la température intérieure de la cabane chaque matin. Premier réflexe : allumer le poêle à bois pour se faire un bon café. Et sans bouton on/off, à l’ancienne : avec du bois sec, une hache et des allumettes. Si c’est un bon matin, j’arriverais à faire bouillir de l’eau en 20 minutes”  

“Le matériel n’est pas épargné par le froid et faire des photos par -38 °C se révèle assez extrême. J’ai emmené mon fidèle 5D mark III qui a une fois de plus été à la hauteur malgré les fortes variations de température. Le plus dur ? Réussir à garder de la sensibilité dans les doigts tout en faisant de bonnes images”

“Tinja possède 85 chiens avec lesquels elle est fortement liée : elle connaît le nom, l’histoire et le caractère de chacun d’entre eux. Chaque hiver, ils parcourent ensemble les étendues du Grand Nord en traîneau”

 “85 chiens, c’est un travail à plein temps. Comme pour la plupart des sujets que je photographie, j’ai filé un coup de main à Tinja, mais elle aime passer du temps avec ses chiens peu importe l’ingratitude des tâches à effectuer”

“À mon arrivée, début janvier, la nuit polaire vient de se terminer et le soleil recommence à faire son apparition. La première journée durera 9 minutes.

Autant dire que les soirées sont longues et se passent à la lueur des bougies. Entre les discussions, les séances de sauna et le travail nécessaire pour maintenir la cabane au chaud, on s’ennuie assez peu”

“Alex sort ses chiots pour leur apprendre à se débrouiller dans la neige et identifier qui sont les leaders du groupe. Ancien skieur pro, il partage la vie de Tinja depuis deux ans et s’est reconverti dans les courses de chiens de traîneau”

“Tinja ouvre un crâne de renne à la hache pour nourrir ses chiens en complément des croquettes. Elle s’arrange avec les éleveurs de la région, qui la connaissent bien. D’ailleurs, les rennes sont les rois du coin. Si on en percute un sur la route par accident, il faut verser 2 000 dollars d’indemnisations à l’éleveur”

Cette photo est un souvenir assez particulier. Après dix jours chez Tinja, je décide de prendre la route d’un village situé à 20 kilomètres d’ici pour recharger les batteries de mon appareil photo. N’ayant pas de voiture, je m’arrange avec Alex, le copain de Tinja, pour qu’il me dépose en allant rendre visite à des amis.

Posé au café du village, je branche mes chargeurs, rattrape des e-mails en retard et déguste un bon gros burger au renne, perdant rapidement la notion du temps. Facile quand la nuit tombe à 14 heures. En fin de journée je me décide enfin à rentrer chez Tinja, cette fois-ci à l’ancienne : en stop. Tout le monde m’a vanté l’efficacité de l’auto-stop dans la région et, étant donné la température extérieure de -37 °C, les voitures ne devraient pas me laisser sur le bord de la route bien longtemps.

Je sors du village, quelques voitures me snobent mais, au bout de quelques minutes, une femme s’arrête sur le bas-côté. Nos destinations sont différentes mais elle m’avance quand même de 5 bons kilomètres et me depose devant une auberge de jeunesse déserte, illuminée par quelques lampadaires en fin de vie. En attendant la prochaine voiture, je prends de l’avance pour ne pas geler sur place et marche en direction de chez Tinja. Mon téléphone, qui capte la 3G, indique 15 kilomètres, soit 3 heures et 2 minutes à pied. Petite balade.

Après 20 minutes de marche et un silence absolu, je me rends à l’évidence: personne ne passe sur cette route à cette heure là, et à part appeler un taxi et payer 80 euros la course, je n’ai pas beaucoup d’options.

Je me mets en mode randonneur et marche à un rythme constant et soutenu, sans vraiment me préoccuper de ce qui se passe autour de moi. Rapidement, j’éteins la lampe frontale pour profiter du clair de lune et des aurores boréales qui m’accompagnent dans cette marche solitaire et glaciale, rythmée par le bruit des pas dans la neige.

Après une heure de marche, je rencontre un petit écureuil. S’il ne s’est pas enfui, c’est parce qu’il s’est fait percuter par une voiture et a instantanément gelé sur place. D’ailleurs son œil est sorti de son orbite et un bout de cervelle a gelé dans sa moustache. Du coup, je l’embarque pour avoir un peu de compagnie et l’offrirai à Tinja qui saura quoi faire de sa fourrure.

Marcher dans la montagne, c’est une chose, mais marcher dans la neige de nuit sur une route, c’est sacrément monotone. Après deux longues heures, la barbe et la capuche recouvertes de givre, j’arrive enfin à destination. Une voiture surgit alors derrière moi, s’arrête sur le bas coté et gueule ‘Heyyyy maaaaaan, you need a ride ?'”

 “Anna vient régulièrement séjourner chez Tinja pour s’occuper de ses chevaux islandais. C’est un sacré personnage qui disparaît parfois en pleine soirée pour aller se balader seule dans la forêt avec son cheval.

J’ai pu partir plusieurs fois en forêt avec elle et la sensation du galop dans la neige à la lueur de la lune restera longtemps un sacré souvenir” 

“Les chiens adorent courir et restent difficilement en place quand on arrête le traîneau. Une longue corde permet de l’attacher à un arbre si on veut marquer l’arrêt plus de quelques secondes.

En route pour le sommet lors d’une expédition de 80 kilomètres. La neige est très épaisse et je passe devant le traîneau pour me frayer un chemin à l’aide des raquettes. C’est un exercice assez physique et après quelques minutes, malgré les -28° degrés, j’ai déjà trop chaud et enlève plusieurs couches de vêtements.

Je retrousse mes manches et continue mon chemin avant de me rendre compte quelques instants plus tard que la transpiration a gelé et que mes bras sont recouverts de givre”

“Il y a beau y avoir quelques collines, les montagnes sont quasi inexistantes en Finlande et, durant les beaux jours, on peut voir à plusieurs dizaines de kilomètres”

 “Balayés par les vent, les sommets des collines sont désertiques” 

“Le traîneau de Tinja est derrière moi et je découvre avec admiration ce paysage lunaire et surréaliste. Le ciel hésite longuement entre aube et crépuscule, créant des nuances de couleurs inédites et infinies”

Découvrez-en plus sur le projet de Brice Portolano sur FacebookInstagram et son site personnel