La maison d’édition hongkongaise Mighty Current, réputée critique envers le régime chinois, a vu cinq de ses employés disparaître. Pour des raisons politiques ?
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L’inquiétude grandit à Hong Kong après la disparition, le 29 décembre, d’un cinquième employé de la maison d’édition Mighty Current, spécialisée dans la publication de livres critiques du régime de la République populaire de Chine, à laquelle l’ancienne colonie britannique est rattachée depuis 1997. Lee Bo, 65 ans, a été aperçu pour la dernière fois mercredi dernier, quittant les entrepôts de l’entreprise. Sa femme, Sophie Choi, a ensuite indiqué avoir reçu un coup de téléphone de son mari depuis Shenzhen, ville du continent faisant face à Hong Kong. Celui-ci lui expliquait alors qu’il allait s’absenter pour “aider à une enquête”. Depuis, aucune nouvelle de lui.
Cette disparition ne serait qu’un fait divers comme un autre si cet homme n’était pas le cinquième employé de la même maison d’édition à disparaître mystérieusement, après que quatre autres de ses collègues se sont volatilisés en octobre, dont Gui Minhai, le copropriétaire, naturalisé suédois, de Mighty Current. Cette maison d’édition, subversive et critique envers le régime chinois, réputée pour ses livres provocateurs, semble être le seul point commun entre toutes ces disparitions…
Selon le Telegraph, la raison de ces présumés enlèvements serait la parution prochaine, par Mighty Current, d’un livre sur l’ex-petite amie du président chinois Xi Jinping. Par le passé, Mighty Current avait déjà fait l’objet de menaces et avait même renoncé à publier un ouvrage sur le système disciplinaire du parti, a affirmé au Telegraph Maya Wang, spécialiste de la Chine de l’ONG Human Rights Watch. Ses livres, précise USA Today, sont d’ailleurs bannis de la Chine continentale et uniquement diffusés sur l’île d’Hong Kong.
Paul Lee, citoyen britannique
Dans les jours qui suivent la disparition de l’éditeur, l’affaire s’étoffe: l’agence de presse de Taiwan a publié le 4 janvier une lettre signée de la main de Lee Bo, faxée à ses collègues, dans laquelle il indique être parti de son propre chef. Pour la famille du disparu, aucun doute : la lettre est bien réelle, mais a été écrite sous la contrainte. Hier, les Affaires étrangères britanniques, “très inquiètes”, confirment les rumeurs selon lesquelles l’un des disparus est un citoyen anglais, sans préciser son nom. Pour le Guardian, cela ne fait aucun doute: il s’agit de Lee Bo, également connu sous le nom de Paul Lee.
Aujourd’hui, la femme du disparu a retiré sa plainte déposée après la disparition de son mari, une décision “chargée d’intimidation” selon Amnesty International. Dans le même temps, l’affaire est remontée jusqu’à l’exécutif hongkongais, dans un contexte de craintes accrues pour les libertés individuelles au sein d’un territoire régi par ses propres lois, plus permissives que celles du reste du pays, selon l’accord “un pays, deux systèmes”. “Je suis très préoccupé, comme l’ensemble des ministres” a ainsi déclaré Leung Chun-Ying, chef de l’exécutif, souvent critiqué pour ses positions pro-Pékin. Si pour le moment, rien ne permet de lier avec certitude les services de sécurité chinois à la disparition de ces cinq hommes (dont deux Occidentaux), la police hongkongaise a assuré enquêter “activement” sur l’affaire.