La funeste série se poursuit. Goo Hara, chanteuse de K-pop âgée de 28 ans, a été retrouvée morte à son domicile dans le quartier de Cheongdam (au sud de Séoul) dimanche 24 novembre, comme le rapportent l’agence de presse coréenne Yonhap, s’appuyant sur des sources policières, et Le Figaro.
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La jeune femme était une véritable référence de la K-pop, genre qu’elle a réussi à populariser dans l’ensemble de l’Asie avant de l’étendre au monde entier grâce à son groupe Kara à la fin des années 2010. Cette nouvelle disparition, qui n’est pas sans rappeler de précédents cas, démontre à quel point la vie de star en Corée du Sud peut se révéler dangereuse.
Si les causes de la mort n’ont pas officiellement été communiquées, le doute ne subsiste guère : suicide. La jeune artiste souffrait d’une sévère dépression et avait déjà fait une tentative plus tôt dans l’année, le 26 mai. Elle avait été retrouvée inconsciente à son domicile, puis emmenée immédiatement à l’hôpital. Un acte prémédité et précédé d’un émouvant témoignage sur la pression médiatique conséquente qu’elle subissait, et l’impossibilité de continuer dans ce cercle vicieux – renforcée notamment par les réseaux sociaux.
Une vie privée inexistante
Il faut dire que Goo Hara a commencé sa carrière en 2008, alors qu’elle avait à peine 17 ans. Avec son quintet Kara, Goo Hara fait partie des figures emblématiques de la K-pop. Elle participe notamment à la démocratisation à l’échelle mondiale et redonne ses lettres de noblesse à un genre souvent décrit comme has been, ringard et désuet. Goo Hara avait poursuivi sa carrière en solo dès 2015, avec succès. En Asie, les interprètes K-pop sont de vrais héros et deviennent des modèles pour toute la jeunesse.
Mais derrière cette gloire immense, il y a des sacrifices tout aussi importants. Que ce soit en termes d’efforts pour réussir dans ce milieu ultra-concurrentiel et où la moindre erreur ne saurait être tolérée, ou bien en termes de vie privée si l’on fait partie des “heureux” élus. Avec les réseaux sociaux, les stars de K-pop sont directement exposées en première ligne et subissent les situations de cyber-harcèlement à répétition. La vie privée disparaît totalement, et les artistes n’ont d’autre choix que de se replier sur eux-mêmes.
En témoigne sa relation avec Junhyung, autre star de ce courant musical au sein du groupe des B2ST. De juin 2011 à mars 2013, leur idylle n’a cessé d’être épiée par tout un continent. Ajoutez à cela des aventures plus ou moins heureuses, comme avec l’un de ses précédents partenaires qui avait téléchargé une photo d’elle nue sans son consentement, et vous obtenez de multiples épreuves mentalement éreintantes.
Suicides en série
Un drame qui n’est pas sans rappeler celui d’une amie proche de Goo Hara, Sulli. Ancienne chanteuse dans le groupe f(x) (autre célèbre quintet coréen), elle avait, elle aussi, témoigné contre le harcèlement en ligne qui l’a rongé avant de se donner la mort il y a un mois de cela, mi-octobre. Elle avait seulement 25 ans.
À l’image de son amie Goo Hara, elle a commencé en 2009 au sein d’un groupe de K-pop à succès, alors qu’elle venait de souffler sa quinzième bougie. En 2015, elle a quitté le groupe pour se lancer dans une carrière solo, musicale et cinématographique. Dans une vidéo, elle avait partagé son expérience de lutte contre le trouble panique et la phobie sociale. Faisant face depuis plusieurs années à une grave dépression, son corps inanimé avait été retrouvé à son domicile de Seongnam, au sud de Séoul.
Deux ans plus tôt, en 2017, c’est Kim Jong-hyun, chanteur et visage du boys band SHINee, qui avait mis fin à ces jours dans une chambre d’hôtel de Séoul. Il avait 27 ans. “Je suis cassé de l’intérieur. La dépression qui me ronge doucement m’a finalement englouti tout entier”, expliquait-il alors, précisant qu’il ne pouvait “plus la vaincre” et qu’il se sentait “si seul”, comme le relate Le Figaro. Il avait fait ses débuts professionnels dès ses 18 ans. Un décès qui avait ému la Corée certes, mais aussi le monde entier tant le chanteur était populaire.
Une exploitation abusive
Mais ce qui aurait dû servir de message d’alerte à cette industrie hyper-active n’a finalement été qu’un coup d’épée dans l’eau. Dans une société et une culture où l’échec n’est pas toléré, ce drame n’a pas été suivi d’actions concrètes, et les suicides s’enchaînent aujourd’hui à une vitesse incroyable. La Corée du Sud est en effet le pays avec le plus haut taux de suicide depuis 2003, selon l’OCDE, et l’industrie musicale se révèle particulièrement touchée.
Il faut bien reconnaître que le business est très rentable, puisque la K-pop génère depuis des années des milliards de dollars et le secteur est vivement soutenu par le gouvernement. Au grand détriment des artistes donc, qui dès le plus jeune âge subissent stress permanent, harcèlement quotidien et pression chronique. Des conséquences devenues quasi inhérentes à cette prolifique industrie musicale.
Les artistes sont contraints d’enchaîner concerts millimétrés, conférences de presse épuisantes ainsi que de divers et nombreux événements de promotion, pour rentabiliser au mieux leur performance et leur popularité. Quand ils ne sont pas sur scène ou sollicités médiatiquement, ils doivent multiplier les répétitions exigeantes dans les moindres détails.
De plus, ils sont fortement incités à renvoyer constamment une bonne image d’eux, notamment par le biais des réseaux sociaux, véritable nerf de la guerre de la K-pop. Les opérations de chirurgie sont monnaie courante, et les affaires de pornographie, prostitution et scandales sexuels viennent régulièrement gangrener un milieu qui n’avait pas vraiment besoin de ça.
Le fait de débuter très jeune épuise les ressources mentales des artistes. Le système les essore comme des éponges, jusqu’à plus ne pouvoir en tirer le moindre denier. Les artistes se retrouvent à la merci des labels, managers et autres hommes d’affaires peu scrupuleux – avec la complicité de l’État donc. Le suicide apparaît alors comme l’unique solution pour échapper au terrible tourbillon médiatique. Même si le ministère de la Santé sud-coréen a débloqué des fonds pour lutter contre cette triste tendance, l’industrie du divertissement reste particulièrement touchée par ce regrettable phénomène.