JOUR 1
Contrairement à sa réputation boueuse, le festival de Dour fait, cette année, la part belle au soleil. Une fois installés, la tente plantée et les bières éclusées, le “warm up” du camping de mercredi soir a fait office de rave party en plein air.
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Le lendemain, bien lunés, place aux activités nautiques, hydratation accrue obligatoire et bodyboard sur les champs. Par ici on écoute de la musique, mais pas que, en attendant les foudres du soir, c’est la détente qui prend ses droits.
Mais une fois la moiteur de l’après-midi passée, la fraicheur retrouvée, les lives commencent et les corps se collent. Ainsi les ricains de BadBadNotGood ont rempli notre petit coeur d’une joie non dissimulée, et nos oreilles de leur hip-hop instrumental “hyper sérieux” (expression sur laquelle l’équipe de Konbini s’est entendue).
Et après un début timide, l’ambiance a finalement explosé pour un final à la hauteur de ses petits mecs sympas qu’on a croisé dans un recoin du village.
Puis on est parti écouter Charles Bradley et son jazz band. Un jeu de scène et de jambes spectaculaires, lourde émotion, chaudes larmes, et palpitations convulsives. Snif, snif.
Il faut dire que ce premier jour de festival était chargé. C’est sur la scène nommée “Boombox” – précédemment chauffée par Badbadnotgood – que les choses se passaient, pour l’instant. C’est RiFF RaFF, lourde chaine, white boy with attitude et auto-proclamé roi de Vine, qui a pris la scène d’assaut à sa façon. Parfois posé, assis ; parfois debout, déchainé par les lampées de Hennessy englouties en sautant sur le rythme, RiFF RaFF aka Jody Highroller a livré un bien joli live.
Le bougre est suivi par Action Bronson, tout planant, crachant ses rimes tranquille. Ici, “1 Train”, un tube présent sur l’album d’un certain A$AP Rocky, a comblé l’audience.
Bon, c’est sûr, vu comme ça, ça ressemble plus ou moins à la belle vie. Sauf qu’en festival, il est difficile de tout voir, et il faut parfois faire des concessions. Malheureusement… on a loupé Fauve.
Minuit passé, les échauffements deviennent intensifs. Histoire de faire le plein d’adrénaline pour la nuit, on est passé par “La Petite Maison dans la Prairie”, où jouait le très fameux duo berlinois Modeselektor. Valeur sûre, grosse folie.
Sortis rincés, on est parti pour le clou de la journée et du spectacle. Le Wu-Tang Clan se produisait sur la “Last Arena”, la plus grande scène du festival (il y en a six). Recalés de l’accès au frontstage, on s’est faufilés entre les corps pour vous montrer une vue d’ensemble de l’énergie déployée. Immense. En plus, Method Man était là. Un instant magique pour finir cette longue journée, la première.
JOUR 2
C’est pourtant avec le boom-bap des “old timers” de la Coka Nostra qu’a débuté cette deuxième journée de festival. Tout de noir vêtus, les trois MC’s ont mis l’ambiance et ont su raviver en nous le doux souvenir d’un hip-hop à l’ancienne et exigeant. Et chacun peut y trouver son compte, les énervés comme les affamés.
Autre scène, même teneur musicale avec Chuck Inglish, moitié du groupe Cool Kids. Un live enjoué malgré un public encore clairsemé sur la scène de la “Boombox”. Bonne entrée en matière pour le reste de la soirée, et une ambiance qui se réchauffe…
D’un côté, Nina Kraviz et toute la crème de la scène techno berlinoise, de l’autre Torche. Nous, on retourne au camping pour un repos bien mérité avant l’ascension nocturne… après avoir interviewé le responsable de la sécurité du site qui avait vraiment plein de choses à nous dire.
Première étape dans cette montée : Cashmere Cat. Le norvégien, dont le premier EP est sorti sur Ed Banger il y a peu, nous a ravi avec sa trap classe et intelligente. Et quand il joue son remix imparable de Miguel pour “Do You Like Drugs”, on ne peut s’empêcher de succomber.
Puis c’est du côté de la “Cannibal Stage” qu’il fallait être pour voir les ‘ricains de Converge. Gros mosh-pit, grosse ambiance, gros live pour une couverture de notre journaliste de l’extrême.
JOUR 3
Et vite. Car hier c’est à 18 h qu’un des producteurs les plus talentueux de la planète hip-hop s’est avancé. Sur la “Boombox”, entre hommages à J Dilla et beats subtils, Apollo Brown et le MC Guilty Simpson ont convaincu. Des premières notes aux derniers beats.
Changement de scène et d’ambiance musicale. À l’heure du dîner le rock était à l’honneur : avec les canadiens de SUUNS d’abord pour un live minimaliste et exigeant, les New-yorkais de DIIV ensuite.
Et comme bien souvent c’est à la nuit tombée que les lives d’excellence se sont enchainés.
Et à cet égard que dire de la performance de Flying Lotus ?
Un live immense, une ambiance sonore et visuelle unique. Caché derrière un écran le boss de Brainfeeder a tout fait : des prods maisons, du Captain Murphy et même reprendre pour le plaisir le dernier titre “Hive” de son poto Earl Sweatshirt. Il a annoncé qu’il reviendrait l’année prochaine. Et que d’ici là, selon toute vraisemblance, deux nouveaux albums devraient sortir. #Scoop ?
Sans transition quasiment (un changement de plateau d’une demi-heure environ) c’est l’Australien Flume qui a pris le relais et nous a enchanté avec sa trap music délicieuse.
Après, à vrai dire, on a déambulé. De Gilles Peterson vers LeFTO, un habitué du festival. De la “Boombox” donc jusqu’au DJ set très techno du Marseillais Julian Jeweil sous le chapiteau dancehall.
À la fin des festivités, un long exode vers le camping s’est mis en branle. Poussière dans l’air, démarche chancelante et bonne ambiance.
Pour certains, le festival ne s’arrête pourtant pas à la fermeture du site et continue au milieu des tentes pour des after itinérantes, boombox à l’épaule. Dour, c’est vraiment quelque chose. Et c’est pas encore fini.
À demain
Jour 4
Dour, n’oubliez pas : dans l’underground, il n’y pas de règles.
Commencer par la fin est une “astuce” narrative un peu banale quand il s’agit de raconter. De plus elle se prête assez mal à l’écriture journalistique où court et percutant est souvient mieux que long et ampoulé.
Mais passé 4 h du matin, le dernier live de Dour, celui de Panda Dub, ces quelques mots lancés par le producteur français résonnaient encore et encore.
Parce qu’ils collent parfaitement à la programmation et à l’esprit du festival. Et ce dernier jour nous l’a encore prouvé.
15 h. Du côté du Dub Corner, les corps sont mis à rude épreuve par un soleil dont la majesté est encore plus éclatante que les jours précédents. Et à 15 h le High Tone Crew envoyait toujours les watts et faisait jumper ceux qui étaient présents de ce côté de la plaine de la Machine à Feu.
Et après quelque temps à buller, à la suite de la performance “nostalgie” de Tryo, on est allé voir Thee Oh Sees. Chansons de dix minutes, performance à l’énergie, John Dwyer, furibond. Sans hésiter, c’est la claque “rock” de cette 25ème édition du festival.
À peine le temps d’aller se désaltérer que les Marseille “All Stars” d’IAM investissaient la grande scène. Encore une fois toute une époque dépeinte, et pas mal de confusion pour certains spectateurs.
Et finalement on s’est rendu compte qu’à Dour on pouvait enchainer les concerts hip-hop comme un festivalier belge enchaine les Jupiler. Les Psy 4 de la Rime (SISI) prenait ainsi le flambeau “rap marseillais” à la suite de leurs aînés sur la scène Boombox. On a fait un Harlem Shake. Et on doit avouer que c’était drôle. Un peu.
Puis, comme chaque jour, une période de latence suivie d’une montée imparable.
00H10. DJ Shadow, un live plaisant sans pour autant être à la hauteur de la réputation du producteur américain. Peu importe, c’est maintenant les échos de la musique de The Bug qui nous parviennent. Et “Poison Dart” en premier.
Et quand on a eu envie de plus de violence, il y avait les Parisiens de Salut C’est Cool. Mulets bouclés et tatouages débiles. C’est bon, avant la fin de Dour, on a eu notre dose de Hard Tech et la paix de l’esprit.
Puis de Deep House arrangé de manière (trop ?) subtile par le parisien French Fries. Puis d’audaces visuelles avec le live “Hyper Reality” de Panteros 666.