Roxane nous a envoyé un témoignage glaçant qu’elle a décidé de partager au plus grand nombre.
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Roxane a 29 ans. Elle habite Paris, dans le deuxième arrondissement. Ce mardi 13 décembre, elle est suivie par un homme, jusque dans la cage d’escalier de son immeuble.
Aujourd’hui, elle témoigne sur Konbini :
“Mardi soir, le 13 décembre, lorsque je rentrais chez moi aux alentours de 21 heures, un homme a tenté de m’agresser.
Une belle journée se termine, il fait frais, il fait nuit, la pleine lune éclaire le ciel, je l’admire quelques instants, je me sens bien, rien d’inhabituel. Prudente, comme toujours, j’attends que la porte automatique et blindée de mon petit immeuble commence à se refermer derrière moi.
Pourtant, alors que je monte les premières marches, je sens une présence dans mon dos. Je me retourne, je vois cet homme, son sourire malsain. Les secondes se font plus longues, mon intuition m’alerte, mais je ne m’arrête pas, j’espère encore qu’il ne s’agit que d’un voisin.
Les étages défilent, il ne rentre nulle part, je dois me rendre à l’évidence. Il me dit que je suis belle, il se rapproche de moi. Une petite voix débarque dans ma tête : ‘Roxane, tu vas te faire agresser, Roxane, tu ne seras pas sa victime, il en est hors de question.’
Je me retourne. Le regard qu’il pose sur moi est répugnant, il me sourit, comme pour m’amadouer. Ses deux mains dans les poches, il est peut-être armé, ou pas. Coincée dans la minuscule cage d’escalier, je me vois potentiellement mourir, finir dans de tristes statistiques.
Mon instinct me dit que je n’ai plus le temps de téléphoner, j’appuie sur le bouton enregistreur de WhatsApp.
Je vrille, je passe en mode pilote automatique :
[Au cours de l’enregistrement, qui dure près de 5 minutes, Roxane tente de le faire partir : “Qu’est-ce que tu fais tu me suis, là ? Tu vas où, là ? T’habites ici ? T’es sûr ? On dirait pas trop. Non mais, sérieux. Non mais, y a pas de ‘ma belle’, tu sors. Tu m’as suivie, t’habites pas ici, tu restes pas ici. Genre tu t’es trompé de bâtiment ? […] C’est quoi cette façon de faire ? Non non, y a pas de ‘monte’. […] Y a pas de ‘t’es magnifique’, sors !” Pardon ? “J’ai chaud” ? Non mais y a pas moyen”].
“Une histoire comme beaucoup d’autres. Le harcèlement des femmes est une réalité, un fléau à combattre. J’étais en jean, baskets, doudoune, bonnet.
L’équipe de police venue sur place le soir même a été professionnelle et bienveillante. Le lendemain pourtant au commissariat, l’agent d’accueil n’a pas trouvé utile de me laisser entrer pour porter plainte. ‘Vous savez Mademoiselle, à Paris, des gens se suivent tous les jours’. Allez savoir pourquoi les femmes se taisent.'”
Ce n’est pas la première fois que Roxane, comme de nombreuses femmes, fait face à ce type de comportement :
“D’être suivie dans la rue oui, régulièrement, mais j’arrive généralement assez rapidement à me débarrasser de ces hommes et ça ne va pas plus loin. D’avoir des commentaires type “harcèlement de rue” aussi, quasiment quotidiennement. Mais d’être suivie sans m’en rendre compte par quelqu’un et qu’il réussisse à entrer au dernier moment dans l’immeuble de cette manière, de me sentir en danger à ce point, c’est la première fois”.
Roxane précise :
“J’ai vécu ça comme une tentative de viol. Sa façon de me dire : ‘Je sais que t’es chaude’ à plusieurs reprises, son comportement, son regard dégueulasse, mon intuition s’est affolée.
Je ne sais pas trop quoi dire d’autre, à part que prendre conscience des choses est une nécessité. Beaucoup d’hommes, pourtant bienveillants, n’ont pas conscience de la réalité des faits.”
Et de conclure :
“Beaucoup pensent que les femmes grossissent le trait, mais non. Il faut que les femmes parlent, qu’elles n’aient plus honte de raconter ce qu’elles vivent et subissent.”
Des chiffres alarmants
En 2014, un sondage réalisé par Ifop pour le Défenseur des droits abordait la question du harcèlement sexuel. Les résultats ? 20 % des femmes actives avaient déjà dû faire face à une situation de harcèlement sexuel au cours de leur vie professionnelle. Trois victimes sur 10 avaient décidé de ne pas en parler, 65 % estimant qu’elles n’avaient pu compter que sur elles-mêmes.
Et quand on parle de harcèlement dans la rue, 100 % des utilisatrices des transports en commun en France reconnaissaient en avoir déjà été victimes. 76 % des Françaises affirmaient avoir déjà été suivies par un ou plusieurs hommes et 23 % avaient connu cette situation au moins cinq fois dans leur vie.