Derrière Fecal Matter se cachent Hannah Rose Dalton et Steven Raj Bhaskaran, 21 ans au compteur. Un duo qui semble tout droit sorti des portes de l’enfer et dont chaque création possède un message dissimulé.
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Entre rébellion et créations provocantes, ce collectif basé entre New York, Paris et Montréal, bien connu dans la sphère des “weirdos” de la mode sur Instagram, entend bien répondre aux dérives de la mode.
Konbini | Qui êtes-vous ?
Fecal Matter | Nous créons sur une plateforme multidisciplinaire appelée Fecal Matter en mélangeant mode, politique, musique et tout ce qui est interdit. Nous sommes designers, musiciens, modèles, photographes, performers, directeurs artistiques, activistes et victimes.
Où vous êtes-vous rencontrés ?
En école de mode à Montréal. On n’était pas dans la même classe et on s’est parlé deux semaines après le début des cours. Notre première conversation était centrée sur tout ce que nous détestions dans la mode, les médias et la société. Nos conversations tournent toujours autour de cela d’ailleurs, mais maintenant on essaye de trouver des solutions pour rendre cet aspect de la réalité moins “intolérable”.
On dit Fecal Matter ou Matières fécales ? [Le collectif utilise les deux noms sur les réseaux sociaux, ndlr]
Comme vous voulez. Matières fécales est notre ligne artisanale alors qu’avec Fecal Matter nous proposons des pièces élaborées mais à prix abordable. Nous voulions vraiment différencier ce que l’on fait commercialement et ce qui est de l’expression pure. Ceci dit, on mélange les deux lignes dans nos projets car nous croyons qu’un vêtement qui a mis six mois à être fabriqué est égal à une pièce qui a été faite en une minute.
Quant au nom, c’est notre interprétation du cycle de consommation et du manque de valeur que peut avoir l’industrie de la mode. Nous voulions aussi un nom qui “défiait” le marché du luxe et qui laisserait de côté tous ceux qui cherchent quelque chose de safe et normal.
Donc Fecal Matter est en quelque sorte l’expression de votre style personnel, de votre personnalité ?
C’est le vrai reflet de notre style, oui, mais c’est bien plus. On exprime tout et n’importe quoi à travers Fecal Matter. C’est un mouvement de rébellion contre tout ce qui ne promeut pas la pensée critique. Fecal Matter est vraiment notre point de vue. Nous avions toutes ces idées en vrac qu’il nous fallait exprimer, donc nous devions créer notre propre plateforme, sans censure, car personne ne nous laissait nous exprimer sur la sienne. Aussi personnel que ce soit, les gens sont influencés par notre vision. Nous voulions créer un outil pour que les autres puissent ouvrir leur esprit, au lieu de quelque chose qui limiterait les gens.
Comment décririez-vous votre style ? Diriez-vous qu’il est transgressif ?
Oui, il est transgressif. On essaye de repousser les limites du socialement acceptable. On aime bien déconstruire et reconstruire les choses autour de nous.
D’où est venue cette idée de coupe de cheveux, avec des extensions collées ?
La société a peur du cancer et, surtout, de ce que la maladie peut faire à l’apparence physique. On a toujours été fascinés par ça et par les crânes et sourcils rasés. Quand vous enlevez vos sourcils et vos cheveux, vous ressemblez à un alien, et on adore ça. Au bout d’un moment, nos cheveux ont commencé à nous manquer mais on ne voulait pas porter de perruques.
Du coup, nous avons réinterprété les franges et extensions du défilé Maison Martin Margiela automne-hiver 2000. On a attaché des extensions à des colliers de chaînes portés autour de la tête, mais ils ne faisaient que tomber, donc on a simplement décidé de se les coller avec de la superglue et de continuer à vivre ainsi.
Où trouvez-vous les matières pour vos créations ?
Nous utiliserons n’importe quel matériau à notre disposition. Si on voit quelque chose dans la rue, on le prendra et on fera quelque chose avec. Parfois, nous allons dans des boutiques de tissu, si nous cherchons quelque chose de particulier, mais le but est de raccourcir au maximum le cycle de production. Nous créons aussi nos propres matériaux à partir de matières non textiles.
Est-ce que vous montrez vos collections au public ?
Oui ! Nous travaillons actuellement sur une collection à présenter aux États-Unis. On crée quotidiennement et nous mettons ça sur notre boutique en ligne. On conçoit aussi des collections qui nous servent de “déclarations” politiques. Nous avons présenté une collection au musée d’Auschwitz, que nous avons décidé de ne pas encore partager avec le public. Elle s’appelait : Trump et Hitler.
Comment ont réagi les gens quand vous avez lancé Fecal Matter ?
Les gens réagissent encore. À beaucoup de niveaux, nous sommes encore dans le processus de lancement, mais nous avons clairement eu des retours positifs et négatifs de la société. Certains ne comprennent pas l’intention derrière notre travail, surtout quand on touche à des sujets sensibles. Au début surtout, les gens pensaient que nous n’étions pas authentiques et que l’on cherchait de l’attention en offensant les gens.
Le meilleur compliment que vous ayez reçu sur votre style ou votre marque ?
Aujourd’hui, quelqu’un nous a envoyé un très long message sur Instagram, nous demandant de manière très sérieuse si nous souffrions d’un trouble mental. Pour eux, cela semble être une raison valable de justifier notre façon de vivre et ce que nous ressentons quand on s’habille. Honnêtement, c’est un énorme compliment ! Cette personne essaye de comprendre une notion complexe, laquelle explique un aspect de notre travail.
Fecal Matter est une vie que nous vivons et qui est le vrai reflet de ce que nous sommes au plus profond de nous-mêmes. Pour nous, essayer de comprendre ça, poser des questions et y penser jusqu’à en avoir mal à la tête : c’est un vrai compliment !
Quelle marques ou créateurs vous inspirent ?
Walmart et Comme des Garçons. Les deux sont aussi puissantes l’une que l’autre. À nos yeux, Walmart représente la stratégie commerciale ultime, qui incarne les valeurs capitalistes qui nous contrôlent tous secrètement. De l’autre côté, Comme des Garçons représente la plus haute forme de design avec les compétences marketing pour vendre de la mode d’avant-garde au plus grand nombre.
Arrivez-vous à vivre de Fecal Matter?
On crée pour survivre. D’un côté, on a besoin de créer pour s’exprimer. De l’autre, on ne veut pas travailler à McDo avec des extensions collées sur un filet à cheveux. C’est donc une obligation d’arriver à vivre de nos créations, et c’est une obligation de partager ça avec le monde.
Quel genre de musique écoutez vous ?
En ce moment, nous sommes obsédés par tout ce qui est musique celtique. Sinon, en général nous écoutons du Rammstein, de la trance et pas mal de bandes originales de film.
Est-ce que vous étiez gothiques/punk lorsque vous étiez plus jeunes ?
Bizarrement, non ! En fait, pendant notre jeunesse nous avons refoulé nos vraies identités. Nous avions déjà le même point de vue sur le monde, la mode etc., mais nous ne le traduisions pas “physiquement”, dans notre look. À cette époque, nous avions peur et étions inconscients qu’il était possible d’être qui l’on veut être.
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