Jusqu’au 23 avril, l’exposition Tenue correcte exigée, quand le vêtement fait scandale du musée des Arts Décoratifs de Paris passe en revue les habits qui ont, de par leur caractère révolutionnaire, marqué l’histoire, du XIVe siècle à nos jours.
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Le jean, le pantalon féminin, la mini-jupe, le baggy, la robe-chemise… avant de devenir des grands classiques de notre garde-robe, ces vêtements (pour ne citer qu’eux) se sont confrontés à de virulentes critiques, voire à des interdictions fermes. Parce qu’ils étaient jugés trop courts, trop grands, trop féminins pour l’homme ou trop masculins pour la femme, ces habits ont, à leur apparition, transgressé l’ordre établi, avant de rentrer dans les mœurs et d’ouvrir la voie à de plus grandes libertés.
Désireux de leur rendre hommage, le musée des Arts Décoratifs de Paris accueille depuis le 1er décembre l’expo Tenue correcte exigée, quand le vêtement fait scandale. Conçue par le conservateur Denis Bruna, dans une scénographie confiée à Constance Guisset, cette exposition s’articule autour de trois thématiques clés : “le vêtement et la règle”, qui rappelle qu’en Occident, nos tenues ont longtemps été régies par des règles strictes ; “est-ce une fille ou un garçon ?”, qui retrace la façon dont les lignes se sont peu à peu effacées entre les vestiaires féminin et masculin ; et enfin “la provocation des excès”, qui recense les créations les plus extravagantes.
De Jeanne d’Arc à Cécile Duflot
Installée sur deux niveaux, Tenue correcte exigée, quand le vêtement fait scandale présente plus de 300 vêtements, accessoires, portraits, caricatures et autres films ayant existé du XIVe siècle à nos jours. En replaçant ces objets dans leur contexte historique, l’exposition nous permet de mieux saisir les révolutions qu’ont constitué certaines de ces pièces à leur apparition.
On (re)découvre ainsi qu’en 1431, Jeanne d’Arc (1412-1431) fut en partie condamnée pour avoir porté des vêtements d’homme (ce qui était considéré comme un péché hautement punissable par la Bible). On apprend également qu’en 1783, la peintre française Élisabeth Vigée Le Brun (1755-1842) a été contrainte de retirer du Salon (un lieu d’exposition de l’Académie royale de peinture et de sculpture) un portrait de Marie-Antoinette. En cause ? La tenue que portrait la reine sur la toile : une robe-chemise de mousseline en coton, considérée comme inconvenante par l’opinion. “Le public […] désapprouve ce costume peu digne de Sa Majesté”, car c’est “un vêtement réservé pour l’intérieur du palais”, peut-on lire dans des comptes rendus.
L’exposition revient également sur des épisodes bien plus récents, dont celui du 17 juillet 2012, impliquant Cécile Duflot. Ce mardi-là, comme chaque semaine, celle qui est alors ministre du Logement et de l’Égalité des territoires fait son entrée dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, vêtue d’une robe blanche à motifs bleus… ce qui provoqua des nombreuses huées de la part de certains députés UMP. Une réaction machiste, qui souligne combien la tradition du costume est forte au sein du milieu politique – bien que l’habit des politiciens ne soit soumis à aucune règle particulière.
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Les Français au cœur de la révolution vestimentaire
Outre ce voyage à travers l’histoire des scandales, le musée des Arts Décoratifs nous invite à constater combien les créateurs de mode, notamment français, ont contribué à bouleverser les codes fondamentaux en matière d’habits. L’exposition évoque notamment le corset aux seins (i)coniques de Madonna, un sous-vêtement féminin transformé en 1990 en tenue de scène flamboyant grâce aux doigts magiques de Jean-Paul Gaultier.
Ce dernier est également cité pour son utilisation des tatouages (longtemps associés aux seuls hommes) sur des corps féminins, ou pour ses jupes pour hommes, longtemps jugées excentriques en Europe. À ce sujet, l’exposition décrypte :
“La jupe est un vêtement considéré comme féminin. C’est oublier que kilt, caftan, djellaba, dhoti, sarong et autres vêtements ouverts sont portés par des hommes, sans que cela ne soit une source de scandale. En Occident, le diktat du costume cravate a rendu toute recherche d’originalité difficile. La promotion de la jupe masculine est restée très discrète jusque dans les années 1960. […] Il faut attendre les années 1980 et le rôle de Jean Paul Gaultier pour que la jupe pour homme soit plus présente sur les podiums et qu’elle devienne, finalement, un élément incontournable des défilés.”
L’exposition met également en lumière le tout premier smoking pour femmes, pensé par l’avant-gardiste Yves Saint Laurent (1936-2008) dans les années 1960, ou les pantalons cintrés portés par l’incontournable Gabrielle “Coco” Chanel (1883-1971), véritable pionnière en matière de mixité vestimentaire.
Plus qu’une exposition sur les scandales qui ont traversé la grande histoire de la mode, Tenue correcte exigée, quand le vêtement fait scandale peut ainsi être lue comme un hommage aux couturiers qui, grâce à leur audace et à leur imagination débordante, ont transgressé les mœurs, permettant de briser les barrières du genre et de nous offrir une liberté plus grande, plus belle et plus riche en matière d’identité individuelle.
L’exposition Tenue correcte exigée, quand le vêtement fait scandale est à voir au musée des Arts Décoratifs de Paris jusqu’au 23 avril 2017. Plus d’infos sur le site du musée.