Le dernier iPhone d’Apple contient un protocole qui, au nom de la sécurité, bloque le téléphone lorsque celui-ci est réparé par un réparateur non agréé.
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À mi-chemin entre le service et l’atteinte au droit du consommateur, l'”erreur 53″ est la nouvelle fonctionnalité cachée de l’iPhone 6. Et elle ferait plutôt hurler d’effroi que tomber en pâmoison la communauté des Apple addicts. Cette fois, la politique de monopole impulsée par Steve Jobs, control freak réfractaire à l’open source, qui conditionne encore aujourd’hui la conception des produits Apple, a peut-être atteint sa limite.
Car chez Apple, on goûte assez peu la prolifération de réparateurs iPhone indépendants, qui ont l’outrecuidance de tripatouiller des produits Apple avec leurs gros doigts non agréés et même, tenez-vous bien, de proposer les mêmes services qu’un Apple Store pour une fraction du prix. Avec la sortie d’iOS 9, en septembre dernier, Tim Cook et ses développeurs en ont profité pour implémenter un protocole de sécurité, nommé “erreur 53”, qui bloque totalement le téléphone dès lors que celui-ci est passé par un réparateur officieux.
Une fois infecté par l’erreur 53, le téléphone est rendu inutilisable. Au point que les forums l’ont qualifié de “bricked”, car l’appareil devient à peu près aussi efficace qu’un parpaing. Toutes les informations stockées dans le smartphone au moment du “bricking” sont définitivement perdues pour l’utilisateur. L’erreur 53, c’est le seppuku de l’iPhone 6, qui reçoit l’ordre de s’autodétruire plutôt que de vivre avec la honte d’avoir été défiguré par un réparateur profane.
La reconnaissance d’empreintes digitales
Le 5 février dernier, c’est le Guardian qui révélait l’information, près de six mois après le lancement d’iOS 9. Pourquoi un tel délai ? Car si des mentions de la terrible erreur 53 se retrouvent dès septembre 2014, comme le rappelle Libération, l’épidémie s’est propagée progressivement, à mesure que les clients d’Apple mettaient à jour leur système d’exploitation.
La source du problème? Le Touch ID, cette fonction associée au bouton principal du téléphone, qui permet à l’utilisateur de déverrouiller son appareil grâce à son empreinte digitale. Sa vulnérabilité face au piratage aurait poussé Apple à développer l’erreur 53 lorsqu’un réparateur change le bouton du téléphone ou le câble qui le connecte au processeur de l’appareil.
Seule solution… en racheter un neuf
Obligée de s’exprimer après la publication de l’article du Guardian et le vent de panique qui a soufflé dans les couloirs des réseaux sociaux, Apple a confirmé l’existence de ce protocole en brandissant la carte de la sécurité, solidement empaquetée dans un tissu de jargon technologique. En clair, c’est tout à fait normal et c’est même pour votre bien. Sur le site de l’entreprise, la procédure à suivre est publiée depuis le 6 janvier 2016. Où l’on apprend, surprise, qu’un simple remplacement d’écran, l’une des réparations les plus fréquemment effectuées, rend le téléphone sujet à l’erreur 53. Oups.
Que faire, alors, lorsque l’on possède un téléphone réparé sans avoir encore mis à jour le système d’exploitation ? “Contactez l’assistance Apple“, écrit la marque, qui “réparera votre réparation” ( au tarif de 70 euros ou, si l’appareil est débridé, 321 euros) ou vous filera un autre téléphone (cette fois-ci, d’après le Guardian, comptez 350 euros) et vous grondera au passage.
Si vous avez déjà été victime de l’erreur 53, en revanche, vous êtes une âme damnée : le téléphone ne ressuscitera pas, et vous êtes bon pour en racheter un (car oui, vous allez en racheter un autre et faire pénitence). Et vous feriez mieux d’en acheter un neuf… Puisque rien ne vous dit que le téléphone d’occasion sur lequel vous lorgnez n’est pas, lui aussi, concerné.
Une atteinte au droit du consommateur ?
La question qui se pose désormais est simple : Apple a-t-il le droit d’implanter arbitrairement et secrètement un dispositif d’autodestruction irrémédiable dans son produit ? Le Guardian rappelle que le Royaume-Uni possède des lois pour encadrer le marché de la réparation. En France, l’Autorité de la concurrence met en garde contre l’“écosystème fermé” d’Apple, qui “induit un risque de verrouillage durable des consommateurs”, déjà obligés de se coltiner un album de U2 à l’achat du bidule.
Avant 2009, le principe de “vente liée”, qui oblige le consommateur à utiliser certains services plutôt que d’autres après l’achat d’un produit, était interdit en France. L’Union européenne ayant depuis autorisé ces pratiques, elles ont également intégré le Code de la consommation français. Qui précise néanmoins que la pratique est “déloyale” lorsqu’elle est “susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service”.
Des consommateurs avisés qui ont acheté, dans le monde, 75 millions d’iPhone 6, et n’auront pas d’autre choix que de rester sous iOS 8 sous peine de transformer leur téléphone à 600 euros en brique. À moins qu’Apple ne décide de leur imposer la mise à jour, qui sait ?