Le gouvernement compte un nombre inquiétant de figures d’extrême droite, qui surfent sur leurs succès aux législatives d’octobre pour s’emparer des ministères clés.
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Six sur treize. C’est le nombre de sièges ministériels que l’extrême droite occupe au sein du gouvernement autrichien qui a reçu l’investiture ce lundi 18 décembre. Et parmi ces sièges, trois trônes régaliens : la Défense, l’Intérieur, les Affaires étrangères. Jamais depuis la Seconde Guerre mondiale, l’extrême droite n’a été aussi puissante en Autriche. La faute à Sebastian Kurz, le tout juste trentenaire aux yeux bleus qui a pris la tête du pays en octobre en pactisant avec le FPÖ, “Parti de la liberté” créé en 1955 par d’anciens nazis.
Le correspondant en Allemagne de Franceinfo décrypte très bien la situation :
“C’est un événement, mais qui donne une impression de déjà-vu, car l’extrême droite a déjà été au gouvernement en Autriche. C’était au début des années 2000, mais cette fois c’est par la grande porte. Il faut dire que son poids et son influence n’ont jamais été aussi grands en Autriche. Désormais son objectif est très simple, c’est de faire appliquer son programme et cela risque de changer beaucoup de choses pour le pays et pour l’Union européenne.”
“Le FPÖ dirigera à la fois les militaires, les services secrets et la police”, s’alarme de son côté le journal suisse Le Temps, fin observateur de la vie politique autrichienne. Fort de ces postes clés, le parti d’extrême droite a désormais tout loisir d’appliquer son programme anti-immigration et anti-islam. Dans un programme commun de 180 pages, le nouveau gouvernement déroule donc les mesures coercitives à l’encontre des étrangers : baisse des aides financières aux réfugiés, redoublement pour les enfants de maternelle ne maîtrisant pas la langue allemande, plafonnement des subventions par foyer, etc.
Comme si ça ne suffisait pas, le chef du parti, Heinz-Christian Strache, récupère le poste de vice-chancelier. Slate dresse le désolant portrait de cet homme qui dit avoir vécu sa “période d’apprentissage” au contact des milieux extrémistes, suivi des camps d’entraînement paramilitaires avec des néonazis allemands et participé à plusieurs manifestations d’extrême droite interdites. Triste cocktail que ce numéro deux autrichien. C’est lui qui prendra la tête du pays si Sebastian Kurz ne peut un jour plus en tenir les rênes.
Réactions mitigées
En 2000, les pays européens avaient mis l’Autriche en quarantaine pour protester contre ses copinages avec l’extrême droite. En 2017, les réactions se font nettement plus discrètes. À l’image du commissaire aux Affaires économiques Pierre Moscovici, qui s’est fendu d’un tweet pour le moins mesuré :
Merci de le rappeler.
Toujours côté européen, Sebastian Kurz rencontrera mardi les patrons de la Commission et du Conseil pour tenter de les rassurer sur l’avenir de l’Autriche au sein de l’Union. Car le deal conclu avec le FPÖ lui laisse a priori la mainmise sur la gestion des affaires européennes et il refuse pour l’instant tout référendum sur une éventuelle sortie de l’Autriche de l’UE (un “Autrixit” ?).
De quoi rassurer à minima le très peu puissant président autrichien et ancien chef des Verts, Alexander Van der Bellen, qui a tenu à souligner “l’engagement de l’Autriche au sein de l’Union européenne, la continuité de sa politique étrangère, le respect des droits fondamentaux et des libertés fondamentales”. Il a par ailleurs tant bien que mal réussi à imposer une secrétaire d’État au ministère de l’Intérieur désormais dirigé par l’idéologue extrémiste Herbert Kickl. Les missions de cette secrétaire d’État : veiller sur la poursuite de la lutte anticorruption et sur le devoir de mémoire de la Shoah… Bon courage.