Clara Lalix, 27 ans, a décidé de raconter l’histoire de son avortement en 26 posts Instagram, sans anonymat et sans tabou. Son récit est beau, utile et libérateur. Rencontre.
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Clara Lalix est une jeune Française. Comme beaucoup d’autres, elle partage son existence entre les fêtes, le boulot, les voyages, les amours et les potes. Un matin de 2016, elle s’est réveillée avec une envie de pizza, quelques jours plus tard elle se faisait avorter.
“Je pense que le choix d’avorter n’est pas encore du tout normalisé. Les gens se sentent vite mal à l’aise quand on veut raconter un avortement”, nous confie-t-elle. À défaut de pouvoir en parler librement, la jeune femme s’est mise à écrire. En 26 posts, Clara raconte son vécu, sa vérité sans fard et sans filtre. Ce “mini-livre” Instagram, intitulé “Jeboisdescafesjemefaisavorte”, est simple et sobre, à l’image de son écriture.
“J’aimais l’idée de détourner le fonctionnement premier d’Instagram, en proposant en une fois un produit fini. Aussi, avec les hashtags, j’espère toucher un public plus large”, nous explique l’auteure qui articule son récit entre le texte apparaissant sur chaque image et celui dans les commentaires juste en dessous.
Outre le fait que sa plume soit agréable à lire, son récit est une nécessité. Ces derniers temps, le droit à l’avortement est perpétuellement remis en cause. Le mot “IVG” fait (très) régulièrement la une des médias. Il y a ceux qui sont “pour” et ceux qui sont “contre”, c’est devenu un sujet de société dont on discute au café.
On en oublierait presque que derrière l’acronyme, il y a des histoires, des réalités et des vies. “On peut en débattre autour d’une bière, mais si une personne raconte son avortement accoudée au bar, je pense que les gens ne l’accepteraient pas de la même manière. Il y a un paradoxe entre la facilité de donner son avis et la difficulté d’écouter les témoignages”, analyse Clara Lalix.
Alors que certains interviennent en prenant position au nom de je-ne-sais-quoi, la jeune auteure a décidé de prendre la parole. Et cette parole mérite d’être entendue, diffusée et partagée. En France, une femme sur trois a recours à l’IVG dans sa vie. Clara explique avoir eu l’impression “de rentrer dans une société secrète et muette” après s’être confiée. Un monde où l’on annonce tout bas : “Oui, moi aussi, ça m’est arrivé.”
La jeune femme brise les tabous et parle de tout : de ses recherches anxiogènes sur Doctissimo, de la réaction de ses proches, de ses peurs, de son déni, du processus médical, de ses nausées et de la petite boule de sang qu’elle a découvert au fond de la cuvette.
Pendant que des anti-IVG défilent à Paris et que Trump décide d’interdire le financement d’ONG internationales qui soutiennent le droit à l’avortement, des jeunes femmes (et des moins jeunes) prennent tous les jours leur courage à deux mains en poussant la porte d’un cabinet médical.
Enfin, il est bon de rappeler que ce n’est pas parce qu’on choisit d’avorter que l’expérience est pour autant facile à digérer. Néanmoins, malgré toutes les souffrances, rien, absolument rien, ne justifie que certains remettent ce droit en question. L’auteure conclut en souriant : “Est-ce que parce que des grossesses se passent mal on interdit aux femmes d’avoir des enfants ? Non. Eh bien c’est la même chose avec l’avortement.”
Un projet à partager sans modération.