J’ai les cheveux courts et j’en ai marre de payer plus que les hommes chez le coiffeur

J’ai les cheveux courts et j’en ai marre de payer plus que les hommes chez le coiffeur

Des écarts de prix importants, “sauf pour la tondeuse”

Au téléphone, les excuses pleuvent. “49 euros pour les femmes et 33 euros pour les hommes, tarif unique”, martèle une source haut placée dans un salon du 15e arrondissement. Près des Halles, “on fonctionne au forfait, c’est 36 euros ou rien pour vous”, même si les hommes ne déboursent que 25 euros. 
On fait une réduction pour les femmes quand c’est très court, le prix est ramené à 32 euros”, nuance cette chaîne mondialement reconnue (qui facture 27 euros pour les chromosomes XY). Petit rayon de lumière avec une chaîne low cost, qui prévoit deux petits euros d’écart.
Seul consensus chez la vingtaine d’enseignes contactées :

À voir aussi sur Konbini

A la tondeuse, c’est tarif unisexe.

La mannequin Ruth Bell, comme son nom l’indique.

Dans mes rêves les plus fous, la nuit, exaspérée par tant d’injustice (une quinzaine d’euros d’économies par mois, ce n’est tout de même pas rien), je déambule comme un zombie déguisée en Caytlin Jenner pour vandaliser les mentions “masculin / féminin” des devantures des salons.
Mais au réveil, quand j’humidifie mon épi pour tenter de l’aplatir après avoir dormi de travers, je m’interroge. Pourquoi de tels écarts de prix ? La coiffure a-t-elle des raisons que la raison ne connait pas ? Pour s’occuper de mon gazon d’en haut, il faut la même dose de shampooing, le même nombre de ciseaux, le même temps de séchage (environ 32 secondes), la même machine à CB, le même stylo pour noter le rendez-vous…

“Les femmes, ça demande plus de travail”

Ce mystère existentiel, j’ai tenté de le percer avec une professionnelle des ciseaux durant ma dernière séance de tonte. M’extasiant devant mes cernes parme et ma tignasse mouillée #doigtsdanslaprise, je me lance timidement. “Hum, dis-moi [j’ai pris l’habitude de tutoyer les coiffeurs pour faire comme eux mais j’ai horreur de ça], tu sais pourquoi c’est plus cher pour les garçonnes que les garçons ?”.
Haussements de sourcils, respiration appuyée, la jeune femme semblait plus intéressée par notre conversation sur l’opportunité de manger du melon en octobre. Réponse : “Ben… C’est parce que les femmes, ça demande plus de travail. On va plus dans les détails, on fait plus attention. C’est ça, c’est le détail qui fait la différence.” 
Le détail… Et donc, on coiffe les hommes avec des cisailles, sans le dire ? Quand je regarde la gent masculine qui m’entoure, je n’ai pas l’impression qu’elle ait subi un traitement de défaveur. Le poil est soyeux, les lignes appliquées, la forme cohérente. Je leur ressemble vraiment.

Reprise en douceur mais tonique avec les Bleus !#TeamEDF #Allezlesbleus

Posted by Nabil Fekir on Tuesday, September 1, 2015

Géraldine Franck, du collectif Georgette Sand, partage ma dubitativité. “La grille de lecture femmes/hommes n’est pas opérante chez le coiffeur, on fait face à un réel problème d’égalité”, me dit-elle. Ouf, je ne suis pas folle. L’an dernier, les Georgettes Sand ont fait parler d’elles en dénonçant la “taxe rose”, ces prix gonflés artificiellement pour les produits étiquetés Sexe faible.

Deux études gouvernementales en cours

“A travers notre étude, on a pu établir le fait qu’un prix ne correspond pas seulement au coût de fabrication, mais que c’est le marketeur qui décide en grande partie du prix.” Et les femmes sont effectivement prêtes à mettre plus d’argent dans les produits de beauté et soin, “pour répondre à une injonction sociale qui pèse davantage sur leurs épaules que sur celles des hommes”, selon la militante. Avec des écarts de prix F/H atteignant régulièrement les 25%, y compris pour les cheveux courts, les salons de coiffure sont l’un des services les plus inégalitaires.
La perspective de tarifs unisexes un jour en France n’est pourtant pas totalement absurde. Géraldine Franck m’apprend ainsi que de “très rares salons” fixent leur prix en fonction de la complexité de la coupe et non du sexe de la personne. C’est le cas par exemple de la marque Toni and Guy (mais pour une coupe mensuelle, les tarifs restent élevés).
Pour que je puisse payer moins cher sans vendre mes ovaires au Diable, il faudrait aussi que le gouvernement s’empare de la question. Le ministère de l’Economie a promis de se saisir du sujet dans sa globalité il y a un an. Deux rapports de l’exécutif sur la “taxe rose” (l’un sur les services, l’autre sur les produits de consommation) sont en cours, me dit-on, à Bercy et au ministère des Droits des femmes.
Mais leur date de publication “n’est pas encore connue”. Autant dire que l’hypothétique loi interdisant de pratiquer des tarifs en fonction du sexe n’est pas près d’être votée. Et que d’ici là, je me serai longuement ruinée chez le coiffeur, dans l’espoir, pourtant modeste, de ne pas devenir capillairement l’alter ego féminin de Kenny Powers.