Condamné par une grande partie de la classe politique, le projet de loi asile et immigration de Gérard Collomb a été présenté ce mercredi 21 février en Conseil des ministres.
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Ce mercredi 21 février, Gérard Collomb a présenté son projet de loi “asile et immigration” en conseil des ministres. Tour à tour qualifié de “texte dangereux” ou soupçonné de pouvoir entraîner un “appel d’air délétère”, ce projet du ministre de l’Intérieur est décrié par La France insoumise comme le Front national, Les Républicains ou encore le Parti socialiste.
Élise Fajgeles, députée La République en marche (LREM) de la 5e circonscription de Paris et rapporteuse du texte de loi, était sur Europe 1 mercredi 21 février pour détailler ce qu’il contient.
L’élue a insisté sur le fait qu’il fallait être “ferme” parce que la France “ne peut pas accueillir tout le monde”, expliquant que cela est fait “pour intégrer au mieux les personnes que l’on doit protéger et accueillir”.
Le texte précise qu’il faut “renforcer l’effectivité et la crédibilité de la lutte contre l’immigration irrégulière”. Mais au-delà de ce vocabulaire que Laurent Wauquiez qualifierait de “bullshit médiatique”, quelles sont les cinq principales mesures de ce projet de loi ?
1. Raccourcir les délais de procédure…
Tout d’abord, l’objectif affiché est clair : réduire à six mois le délai des procédures d’instruction des dossiers de demande d’asile. Pour cela, le texte propose qu’au lieu d’avoir 120 jours pour déposer une demande d’asile, on ne dispose plus que de 90 jours.
Le délai pour déposer un recours passe à 15 jours, contre 30 au préalable. Enfin, si une personne étrangère se voit refuser sa demande d’asile, elle ne pourra pas solliciter un autre titre de séjour, à moins que des “circonstances nouvelles” soient apparues.
2. … mais doubler la durée maximale de détention
Si le projet de loi est adopté, la durée maximale de détention dans les centres de rétention administrative devrait être revue à la hausse. Celle-ci doublerait, passant de 45 à 90 jours.
3. Pénaliser le franchissement illégal des frontières
L’ancien maire de Lyon souhaite aussi que franchir une frontière illégalement devienne un délit. Les personnes en situation irrégulière risqueraient alors une peine d’un an de prison ferme, assortie de 3 750 euros d’amende. En revanche, la proposition très contestée qui donnait la possibilité de renvoyer quelqu’un vers un pays tiers dit “sûr” (par lequel il a transité) a disparu.
4. Étendre le regroupement familial pour les mineurs
Le regroupement familial pour les personnes mineures ne sera plus limité aux seuls parents. En effet, ce droit devrait être étendu aux frères et sœurs. Le but est, comme le rapporte Le Figaro, que “la réunification familiale ne se fasse pas au détriment de l’unité familiale”.
5. Développer la “vidéo-audience”
Les audiences des personnes en situation de demande d’asile pourront se faire à distance par le biais de “vidéo-audiences”. En ne se limitant pas aux rencontres en face-à-face, le juge des libertés pourra donc entendre les demandeurs d’asile plus facilement et plus rapidement, mais sans que le consentement de la personne auditionnée ne soit nécessaire.
Pour les associations, ça va accentuer la “maltraitance institutionnelle”
⚠️ Attention #ChuteDeDroits ⚠️
— La Cimade (@lacimade) 19 février 2018
Communiqué de presse et dossier de décryptage du projet de #LoiAsileImmigration présenté par @gerardcollomb mercredi au @gouvernementFR : un "texte dangereux" pour les migrants !https://t.co/9lrBPeJvEx pic.twitter.com/lXgvIEtxfB
Hormis quelques points – comme l’accentuation de la protection des jeunes filles exposées à un risque d’excision –, beaucoup d’associations craignent que cette loi n’entraîne le “contrôle généralisé des personnes étrangères”.
La Cimade, une association de défense des droits des personnes étrangères, a publié un texte pour critiquer ce projet, qui ne répondrait pas “aux enjeux migratoires de notre temps” :
“Le projet de loi sur l’asile et l’immigration, présenté au conseil des ministres du 21 février 2018, consacre un très net recul des droits et va, s’il est adopté par le parlement, considérablement dégrader la situation d’un très grand nombre de personnes étrangères, par un affaiblissement de garanties et droits fondamentaux, et l’accentuation de la maltraitance institutionnelle.”
Rien sur la question des mineurs étrangers isolés
Hier, Gérard Collomb a répondu à certaines interrogations des lecteurs du journal Le Parisien. À la question “Que comptez-vous faire pour les mineurs non accompagnés ?”, le ministre de l’Intérieur a répondu que cette problématique ne faisait pas partie du projet de loi :
“La question des mineurs non accompagnés n’est pas du ressort de ce projet de loi. En l’espace de trois ans, nous sommes passés d’à peu près 4 000 mineurs non accompagnés à environ 15 000 aujourd’hui. Ces mineurs font partie du dispositif d’aide sociale à l’enfance, parce qu’on les considère comme enfants avant de les considérer comme migrants.
D’où la situation que connaissent tous les conseils départementaux aujourd’hui. À Paris, par exemple, un certain nombre d’entre eux refusent d’être accompagnés par les services sociaux. Mais il n’y a pas de tout-répressif, puisqu’ils sont pris en charge par la Croix-Rouge et toutes les associations, c’est quand même plutôt protecteur.”
Concernant les mineurs, il faut rappeler que les obligations de l’État sont précisées dans l’article 20 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, dont la France est signataire. Ce texte mentionne en effet que “tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial […] a droit à une protection et une aide spéciales de l’État”.
Pourtant, Hugo Clément et Clément Brelet ont récemment montré pour Konbini news que la France était hors-la-loi et ne répondait pas à la nécessité de mettre à l’abri les mineurs étrangers isolés, en ne leur fournissant pas d’hébergement d’urgence comme elle le devrait.
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